Numéro 12 (1980))

Olivier KAEPPELIN

par Olivier Kaeppelin

1) Je ne rêve pas à propos d’écrire. Il y a des temps où vient la nécessité de le faire. J’écris. Cela se passe entre la boîte crânienne, les lèvres, la bouche, la cage d’os, le ventre. Les jambes, les pieds n’existent pas, la main non plus. La main m’intéresse peu ou plus exactement je m’en méfie. Je n’aime pas la rapidité qu’elle peut avoir. Le corps devient une figure qui éprouve. Figure plutôt monstre. Sac de viande. Paquets de mouvements et d’organes. J’écris et le corps tente de faire obstacle (…) Si je rêvais d’un outil pour écrire il s’agirait plutôt d’un non-organe, de quelque chose qui permettrait la disparition de l’obstacle, mais s’agirait-il d’écriture ?

2) Je lis avec la bouche, c’est avec elle que j’éprouve la matière ou la non-matière d’un texte. Ceci pour la typographie. Dans certains écrits de peintres composés de signifiants indéfinis, les yeux suffisent. Cette fois-ci j’imagine un organe qui serait le corps tout entier. Un « autre » corps, inconnu et lié à la chose lue (…).

3) Là j’ai envie de baisser le pavillon. Disons que l’oreille est sans doute le seul organe qu’on ne peut pas complètement boucher. Quelque chose passe toujours. Plus que les yeux c’est là où, de l’extérieur à l’intérieur, les choses se renversent. Les sons arrivent et il y a une dizaine, une centaine de vues, de signes possibles. J’aime l’indécis des sons, des paroles-radios, des bruits. Je ne dors sur aucune de mes deux oreilles, donc l’œil non plus ne dort pas…

4) Oui, l’acteur d’un mouvement que je reconnais, qui pousse à me déplacer, marcher, déambuler ou qui m’anime dans les chambres où j’écris. Dans les deux cas, d’une certaine façon, je suis seul. Hors de ce mouvement (qu’il me semble donc pouvoir reconnaître) : Non (…).