Numéro 12 (1980))

Jean-Marie LE SIDANER

par Jean-Marie Le Sidaner

1) Je rêve d’écrire avec des organes qui n’existent pas, un peu comme le pourrait imaginer un Lamarckein au très scrupuleux délire : avec donc une tête-à-peur, un œil-à-croire, une oreille-à-rire, un bras-de-mort…

2) Ce que je ne parviens pas à saisir c’est par où je tombe de l’écrit. Qu’est-ce qui brusquement dans le texte m’exclut, me force à jouer perdant ma lecture (quant au « commentaire » dont le rôle est, comme le note Foucault de « dire enfin ce qui était articulé silencieusement là-bas. » - L’ordre du discours, p. 27).

Où se trouve la brèche que je n’avais pas remarquée où l’écrit me manque ?

À vrai dire, je ne lis que pour reproduire cette découverte du « trou noir » qui est, pour l’instant, ma seule connaissance possible du vide.

4) Quant au « théâtre », je ne supporte plus celui qui se fait « entendre » dans les édifices du même nom. C’est bien une question d’orœil : car le mime me semble relever de la même frénésie à vouloir (faire) oublier « la langue de la lecture » par laquelle on n’entend insupportablement que sa langue, non pas soi-même, mais ce bruit un peu caverneux (oui, matrice, images sur les parois…) qui vient des morts de la langue (les rumeurs, les corps, les objets… saisis par le silence du texte, raidis dans la surprise d’apparaitre là, dans la raideur de la langue…).