Numéro 9 (1977))

Retour du fascisme

par Renate Kùhn, Heinrich Hùlsmann

OU
LA SCIENCE ET LA TECHNOLOGIE AU POUVOIR ?
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L’ANALYSE DU FASCISME : UN PROBLEME STRATEGIQUE

On distinguera trois tendances dans la littérature — devenue très volumineuse — consacrée au problème du fascisme 1) l’Historiographie : elle vise à une présentation historique objective (dans le sens de la conception « rankienne » [1] de l’histoire) ; sa fonction idéologique consiste, en dernier ressort, à fournir une légitimité à la restauration capitaliste. 2) Les Théories du fascisme : elles essaient de donner des explications scientifiques du phénomène en fournissant telle ou telle analyse théorique, selon leurs orientations politiques respectives. Ce faisant, elles se réfèrent moins à un passé objectivé qu’à un essai d’analyse causale, appuyée sur une base empirique. 3) La conception « stratégique » : elle se sert des données historiques et des hypothèses théoriques fournies par les deux tendances précédentes. Elle atteint ainsi un niveau qualitatif supérieur. La cause de ce saut qualitatif n’est cependant pas inhérente à la théorie elle-même. Il découle plutôt de la situation politique actuelle où sont à l’oeuvre des tendances à la fascisation qu’on analysera dans ce qui suit de manière plus détaillée. On comprend alors que « l’élucidation théorique du phénomène fasciste et par conséquent la détermination du rapport entre fascisme et capitalisme (…) requiert (…) tout d’abord une signification immédiatement pratique » [2].

Concevoir l’analyse du fascisme comme un problème stratégique signifiera d’abord donner une analyse engagée par rapport à la situation politique actuelle, analyse qui rendra capable de connaître les causes sociales qui, en tant que telles, ont un effet fascisant, et de fournir des directives d’action politique concrète. Cela suppose qu’une telle connaissance n’a de valeur stratégique que dans la mesure où elle implique la possibilité de transformer la société par des actions politiques telles que le fascisme sera évité comme conséquence, et, qui plus est, que seront évitées les causes mêmes qui rendent une société potentiellement fasciste. Les catégories historiques et politiques nous donnent la possibilité d’identifier des tendances concrètes comme tendances fascistes ; cette identification n’est cependant pas suffisante. Pour l’expliquer, il sera utile de jeter un coup d’œil sur la terminologie. Il nous semble que le terme français de « fascisation » rend mieux compte du phénomène que le terme allemand correspondant de « Refaschisierung », qui voudrait dire plutôt « refascisation ». Cette dernière dénomination comporte le risque de penser certaines tendances politiques actuelles comme reproduisant les données du passé. Cela impliquerait une orientation rétrospective, ramenant ce qui vient à ce qui était. C’est précisément ce risque qui nous paraît favorisé par une analyse historique et/ou théorique pratiquée de façon unilatérale. Le texte qui suit essaie de répondre à la question de savoir ce que signifie la fascisation dans le contexte actuel. Nous supposons que ce phénomène devient lisible dans le contexte d’un conflit provoqué par des causes socio-structurelles. Dans ce contexte, il faut poser que le terme « stratégie » désigne une pratique orientée vers un but et orientant ce but, pratique grâce à laquelle devra se constituer une réalité sociale dans laquelle la démocratie ne sera plus une formule creuse. Notre article ne doit donc pas être lu comme une analyse théorique de plus, mais — puisqu’il résulte d’une situation historique spécifique —, il veut contribuer à aiguiser la conscience du conflit et à chercher des moyens pour transformer la situation.

ANALYSE DE LA SITUATION :

« Le fascisme a influencé de façon fondamentale l’histoire récente de l’Europe et du monde (…). Mais il n’appartient pas uniquement au passé. L’établissement de dictatures en Grèce en 1967 et au Chili en 1973, ainsi que des symptômes multiples d’ordre politique et idéologique en Italie, aux Etats-Unis, en R.F.A. et dans d’autres pays, montrent qu’il existe tout comme avant en tant que tendance, en tant que menace » [3]. Cette citation suppose une continuité historique qui permet de procéder par analogie. Cela soulève cependant la question de la légitimité d’un tel procédé. L’exemple du Chili paraît l’infirmer. Sans pouvoir analyser ici la situation chilienne de manière exhaustive, on constatera que le fascisme chilien se distingue considérablement des formes historiques du fascisme dans la mesure où il ne représente plus un mouvement nationalement limité : il ne s’appuie pas sur un mouvement de masse dans le pays même ; en d’autres termes, le fascisme a été imposé aux Chiliens de l’extérieur. Il a été établi de manière « supra-nationale », c’est-à-dire que les intérêts multi-nationaux de groupements industriels se sont imposés contre la volonté du peuple chilien. Il ne s’agit donc plus d’un effet limité à l’intérieur d’un Etat du système capitaliste, mais d’un effet structurel dans le domaine étatique et national. La structure du système capitaliste « avancé » fonctionne de manière internationale et supranationale. Cela revient à dire que le capitalisme a atteint un nouveau type d’organisation, comme le montrent l’interdépendance économique des états, la « concentration monopoliste », ainsi que l’intégration du capital international. Cela entraîne des conséquences pour les structures économiques nationales et pour les champs d’action économique et politique des pays respectifs. Cela signifie par exemple que la R.F.A. refuse au Chili socialiste d’Allende une aide financière qu’elle accorde au Chili fasciste.

Une condition structurelle de l’établissement du fascisme aujourd’hui, c’est ce que l’on appelle la concurrence des systèmes entre l’Est et l’Ouest, la polarisation entre deux superpuissances. Cette polarisation a eu par exemple pour conséquence que l’Union Soviétique ne s’est pas engagée dans l’affaire Allende. Et cela met en évidence que le comportement « socialiste » international dépend à son tour des conditions globales qu’impose la structure du « système » international. Ce qui vient d’être dit veut montrer que le fascisme d’aujourd’hui ne peut être compris adéquatement que si l’on tient compte des conditions imposées par la structure internationale et supranationale, — conditions également valables pour les Etats dits socialistes. Si Reinhard Kùhnl constate que « l’Allemagne (…) a mis au jour — et ce n’est pas un hasard — la forme la plus extrême et la plus brutale du fascisme connue jusqu’à présent » [4], on peut soutenir en conséquence que le fascisme au Chili ne doit pas être non plus analysé comme le fruit du hasard.

Pour une telle analyse, une argumentation exclusivement politico-économique ne nous paraît pas suffisante ; il faut plutôt la compléter à la fois par une analyse « psychanalytique » [5] et par une argumentation appuyée sur la « théorie du conflit » [6]. Qu’une argumentation politico-économique ne soit pas à elle seule suffisante a été mis en évidence par Wilhelm Reich dans sa « Psychologie de masse du fascisme », où il montre la transformation de l’idéologie en force matérielle. Un point de départ qualitativement nouveau a ainsi été donné, à l’aide duquel l’hypothèse traditionnelle caractérisant le fascisme comme un irrationalisme a pu être réfutée. Dans cette perspective, le recours à la méthode psychanalytique se révèle nécessaire ; il faut cependant ajouter que la conception reichienne est à modifier en fonction de la situation actuelle, ce qui sera expliqué de façon plus détaillée, à propos de la discussion sur le Berufsverbot [7].

L’argumentation basée sur la « Théorie du conflit » essaie de rendre compte du changement qualitatif de cette situation en réfléchissant sur la tension Est/Ouest ou, selon les cas, sur la tension Nord/Sud. Ces tensions résultent d’une part de l’équilibre de la terreur nucléaire et d’autre part du déséquilibre entre pays industrialisés et pays dits sous-développés. Mais ces données n’épuisent pas, et de loin, les tensions et le potentiel conflictuel d’aujourd’hui.

Le fascisme doit être compris comme une sorte de « management », par le capitalisme, de sa propre crise. Le système socio-structurel du capitalisme produit des contradictions, dont une des conséquences est la production d’une alternative « socialiste ». Cette alternative est représentée — au plan historique — par le « mouvement ouvrier » ; nous le considérerons ici, surtout en fonction de la situation actuelle, comme un mouvement démocratique, pas forcément assimilable aux formes étatiques d’organisation du socialisme (camp « socialiste ») qui existent aujourd’hui. Si l’on peut partir d’une part de ce qu’une telle alternative socialiste ne devient apparente que dans une situation conflictuelle concrète, on ne peut pas d’autre part ne pas voir que le capitalisme est contraint à développer des stratégies de prophylaxie globale contre de telles tendances. Dans ce contexte, Reinhard Kùhnl remarque : « Désigner un tel système (la dictature grecque) comme fasciste n’aurait de sens que dans le cadre d’une théorie qui considérerait l’Occident tout entier comme un bloc capitaliste unifié défendant, à sa périphérie, ses positions de pouvoir contre le danger de révolutions sociales, et ce par les moyens les plus efficaces selon les cas concrets » [8]. Si nous prenons cette remarque comme postulat théorique, il faut en déduire que la prophylaxie déterminée par la structure et élaborée par le capitalisme acquiert une qualité nouvelle. Comme on l’a mentionné plus haut, elle se caractérise, au plan économique, par la concentration supranationale, l’intégration et l’organisation du capital ; l’Etat remplit alors les fonctions d’intervention, de répression et une fonction d’élaboration idéologique. La caractéristique la plus importante est cependant le fait que les secteurs économique et politique agissent aujourd’hui directement de concert avec le secteur scientifique. Ce qu’on appelle la révolution scientifico-technique en fournit les conditions. C’est le projet dit « de Manhattan » [9] qui institue sur ce point la coupure historique la plus décisive. Dans le secteur scientifico-technique, recherche, réalisation et information s’interpénétrent avec les structures de production économique et les structures d’action politique — ce qui ne peut pas rester sans conséquences dans le secteur idéologique — de sorte qu’il en résulte un syndrome d’action spécifiquement nouveau. Si l’on aborde le problème de ce côté, il s’ensuit que des tendances fascistes peuvent se développer potentiellement partout. Si nous nous préoccupons surtout dans ce qui suit, de la situation en R.F.A. et des tendances fascistes qui y sont à l’œuvre, c’est d’une part parce que nous sommes directement concernés et d’autre part parce que l’Allemagne ne s’est pas seulement distinguée en matière de fascisme dans le passé, mais qu’elle s’y engage à fond aujourd’hui même.

SYMPTOMES DU PROCES DE FASCISATION :

Dans la mesure où l’on reste conscient de ce que nous avons esquissé plus haut (la différence qualitative entre le fascisme historique et les tendances actuelles à la fascisation), il apparaît théoriquement justifié de mettre en évidence une série d’analogies entre la situation d’alors et celle d’aujourd’hui. Dans les deux cas, la condition de base, c’est l’existence d’une crise socio-économique caractérisée par des difficultés d’investissement du capital, le chômage, la crise de vente, la surproduction, la crise monétaire, la mise en question de la fonction du marché, etc. La crise politique, qui résulte de la crise socio-économique, constitue une autre condition : la perte de confiance des masses envers l’Etat bourgeois entraîne un renforcement des alternatives politiques. Dans les années 30, ce renforcement a pris la forme de la rivalité entre la Social-démocratie et le Parti Communiste, rivalité qui avait surtout pour fond la position par rapport à une Russie communiste qui se renforçait. En fin de compte, la Social-démocratie s’identifia à l’Etat bourgeois et se fit récupérer par la vague « nationale ». Cela ne suffit cependant pas pour éviter le développement des forces réactionnaires et droitières, dans la petite bourgeoisie surtout. Il s’ensuivit l’alliance du capital, de l’Etat et de l’armée avec le mouvement fasciste. En insistant sur l’importance du « facteur idéologique » (rendu efficace au travers de la « psychologie de masse »), W. Reich essaie d’expliquer les raisons pour lesquelles le mouvement fasciste a pu devenir un mouvement de masse. Ce faisant, il fait descendre du ciel de la métaphysique le facteur idéologique, pour l’identifier à une force matérielle. Le propre du domaine idéologique c’est également ce fait que l’organisation hiérarchique de la société reste conservée à travers toutes ses instances (cf ici surtout l’idéologie familialiste). Tandis que l’idéologie communiste, dans les années 30, intervenait dans le domaine des problèmes internes à l’Etat et de la politique intérieure, ta lutte d’aujourd’hui est essentiellement menée au plan des rapports entre Etats et de la politique étrangère. Dans le domaine intérieur, la lutte est moins menée actuellement entre les sociaux-démocrates et les communistes ; elle semble plutôt déplacée vers un affrontement, à l’intérieur du parti Social-démocrate, entre ses éléments conservateurs et « loyalistes » d’une part, et les Jungsozialisten (Jusos) radicalisés, d’autre part. Ce phénomène s’explique par la régression qu’a subie le Parti Communiste du fait de son interdiction, en 1956, pendant l’ère-Adenauer.

Nous avons déjà mentionné plus haut l’organisation hiérarchique de la société. En plus, il faut remarquer qu’à l’époque de la République de Weimar, une collaboration entre l’Eglise et les conservateurs (la droite) se prépara, collaboration qui, à l’époque, se para encore des épithètes « nationale » et « socialiste ». Mais il faut constater par contre que les forces conservatrices se désignent aujourd’hui elles-mêmes comme « chrétiennes » et « démocrates ». Cela signifie — dans le droit fil des analyses de Reich —, que les mécanismes d’identification qui agissent dans la psychologie de masse semblent garantis par les noms des Partis (CDU = Union Démocratique Chrétienne et CSU = Union Démocratique Sociale). Ainsi ces partis exploitent-ils l’autorité que l’Eglise continue d’avoir dans une grande partie de la population. Cette exploitation n’opère cependant pas de manière unilatérale. Cela apparaît évident dans les discussions concernant la Réforme du Paragraphe 218, c’est-à-dire le paragraphe sur l’Avortement et ceci dans une société qui se donne comme libérale et affecte de considérer la liberté sexuelle des individus comme un fait acquis. Au niveau de l’analogie, il n’est pas sans intérêt de noter que c’est Reich, déjà, qui, dans la période d’incubation du fascisme hitlérien, fit intervenir la discussion autour de l’avortement. Cette discussion fut cependant brutalement refusée à cause de la politique familiale pratiquée à l’époque (cf. le chapitre V de « La Psychologie de masse du fascisme »).

LE BERUFSVERBOT :

L’étude de ce qu’on appelle le Berufsverbot clôturera la série des analogies esquissées jusqu’à présent, tout en la concrétisant, car le Berufsverbot représente un cas particulièrement net dans la pratique politique et idéologique actuelle en R.F.A. Dans l’ensemble des données socio-structurelles d’aujourd’hui, le Berufsverbot peut être conçu comme un symptôme : en effet, l’implication de la dimension historique par le moyen de l’analogie rend possible l’identification de ce cas précis comme un symptôme particulier à l’intérieur d’un procès de fascisation. Il est frappant de constater la fréquence de ce recours à des données historiques dans la volumineuse documentation concernant le Berufsverbot qui résume la « Conférence internationale d’Hambourg contre les Berufsverbote » [10]. L’insistance de ce recours historique dans les diverses contributions ne peut avoir pour objectif que d’attirer, par la répétition, l’attention sur un phénomène qui se reproduit dans l’histoire. En d’autres termes, cette répétition veut rendre un large public conscient de ce que la pratique du Berufsverbot ne se fait pas par hasard, qu’il faut la comprendre sans équivoque comme d’origine fasciste. Si l’on remonte la chaîne des événements, on trouve d’abord ce qu’on a appelé l’« Edit des présidents du conseil », prononcé en 1972. Ces « Principes concernant la présence dans la fonction publique d’éléments hostiles à la constitution » fournissent des critères pour trier les candidats fonctionnaires et les fonctionnaires eux-mêmes. Ce qui est décisif, c’est que la qualité de membre d’une organisation dont les buts sont définis comme hostiles à la constitution justifie la mise en doute de la « qualification » du candidat. On expliquera plus tard de façon plus détaillée la manière dont cet édit est appliqué et quelle marge recouvre la notion d’« hostilité à la constitution ». Si l’on veut faire un rapprochement historique, cet édit paraît par endroits identique (jusque dans des détails stylistiques et syntaxiques) à la « Loi sur le rétablissement des cadres professionnels » datant du 7/4/1933 : « Les fonctionnaires d’Etat, dont l’activité politique passée ne garantit pas qu’ils défendront à tout moment et sans réserves l’Etat national, peuvent être renvoyés » [11]. Il faut mentionner aussi la « Loi contre les objectifs sociaux-démocrates opposés à l’intérêt public », du 27/10/1878. Cette loi correspond à son tour à l’interdiction du P.C.A. en 1956. Ces deux dernières sont l’expression d’une pratique législative ou, le cas échéant, executive, qui rend évident que le Berufsverbot constitue une action répressive à tendance anti-socialiste ou, selon les cas, anti-communiste (cf. ce qui a été exposé à propos de la stratégie prophylactique du système capitaliste).

A cet endroit, il devient nécessaire de poser la question de savoir qui est concerné par l’édit et quelle signification prend cet édit dans le cadre de la question du caractère non-fortuit d’un tel phénomène. La réponse est donnée par le magazine Der Stern — peu suspect de gauchisme ! — avec une netteté frappante : « Berufsverbote — links gefeuert, rechts geheuert », ce qui veut dire à peu près : « On expulse par la gauche, on enrôle par la droite » (Der Stern, déc. 1975). Le magazine indique que « quelqu’un véritablement convaincu d’être de droite est considéré, dans ce pays, comme beaucoup plus valable qu’un supposé gauchiste ». Cela veut dire qu’il y a deux poids et deux mesures, pour les néo-fascistes d’une part et pour les membres de partis ou groupements de gauche d’autre part. Ceci est d’autant plus étrange que l’ordre constitutionnel du Grundgesetz se proposait, en 1949, d’exclure en premier lieu « toute descendance directe de l’organisation et de l’idéologie fascistes » ; cet ordre constitutionnel « fut élaboré du côté allemand par des représentants de tout l’éventail des groupes politiques, du Parti Allemand conservateur d’alors jusqu’au P.C.A. » [12].

Le Berufsverbot affecte en premier lieu les membres du PCA, de la DKP [13]. Dans l’Edit des présidents du conseil mentionné ci-dessus, la catégorie de personnes concernées est définie par le critère d’« hostilité à la constitution » (Verfassungsfeindlichkeit), — une notion qui n’est pas justifiable à partir de cette constitution elle-même, comme l’a montré Helmut Ridder, professeur de droit public. Comment l’« hostilité à la constitution » peut-elle être décelée ? Apparemment en faisant peser sur les membres d’un parti admis par la constitution (la DKP) le soupçon d’hostilité potentielle à ladite constitution ! Que les membres d’un parti non interdit soient visés les premiers a sans doute pour cause l’anticommunisme traditionnel qui distingue essentiellement la situation allemande de celle de pays comme la France et l’Italie, où les P.C. [14] sont puissants (et où, de ce fait, les mesures fascistes ne prennent pas un caractère aussi ouvertement anti-communiste qu’en RFA).

On ferait cependant une grave erreur en supposant que seulement des communistes confirmés par leur carte de membre de la DKP, comme Anne Lenhardt, Claudia Eisinger, Thomas Neumann et d’autres, sont les victimes du Berufsverbot. Celui-ci concerne par exemple aussi Rùdiger Offergeld, membre du Parti Social-démocrate, qui était déjà fonctionnaire mais fut renvoyé à cause de son travail de syndicaliste. Pour le professeur social-démocrate Rolf Eickmeier, ce fut un voyage en RDA qui fut fatal. La bureaucratie ministérielle, à Stuttgart, refusa temporairement la nomination du professeur de faculté Klaus von Beyme, pour le motif qu’était connue son opposition au gouvernement démocrate-chrétien. Wolf-Dieter Narr, professeur de politologie à l’Université libre de Berlin et conseiller intime de Horst Ehmke, membre du comité directeur du Parti Social-démocrate, ne put répondre à une nomination à l’Université de Hanovre, parce que le sénateur (social-démocrate) préposé aux affaires intérieures eut des doutes sur sa fidélité à la constitution.

Ce choix limité d’exemples aura mis en évidence qu’une politique de mouchardage de large envergure est pratiquée actuellement en RFA et amène même un conservateur comme Alfred Grosser à répondre à l’attribution du Prix des libraires allemands pour son action en faveur de la paix par un rappel du danger que constitue un pareil espionnage de la pensée. Comme nous l’apprend le Stern, les services de contre-espionnage ont exécuté en 30 mois 450.000 tests concernant les opinions politiques. Cela signifierait que ce n’est pas seulement à partir d’un point de vue subversif que le facteur idéologique (en l’occurrence la propagation d’idées marxistes et/ou critiques-démocratiques) peut être compris comme une force devenant matériellement efficace, mais que le pouvoir exécutif et l’administration, cherchant à maintenir le statu-quo, comprennent également, et fort bien, ce facteur idéologique comme une force matérielle, et y réagissent hystériquement.

Nous devrions mentionner encore que la notion de Berufsverbot implique plusieurs formes d’interdiction qu’on pourra caractériser comme interdiction portant sur le discours théorique (Théorieverbot), sur le travail, l’opinion, l’information et même la démocratie (Demokratieverbot). Par Théorieverbot, on comprendra ici l’impossibilité de soutenir impunément certaines théories d’origine marxiste. Déjà on s’efforce d’interdire la possibilité du développement de la théorie. La notion de Demokratieverbot, définie par Helmut Ridder [15] est à comprendre comme une notion qui se superpose aux autres et qui signifie la restriction de plus en plus évidente des droits de base garantis par la constitution, comme la liberté du choix d’une profession, la liberté de recherche et d’enseignement, la liberté de réunion, la liberté d’opinion, etc. La pratique du Berufsverbot au sens large vient à la connaissance d’un public de plus en plus vaste (et d’ailleurs aussi international). Dans le cadre d’un tel effort d’information, il faudrait cependant développer également la conscience du fait que des mesures répressives sont pratiquées depuis longtemps en secret. La législation du travail en fournit un exemple ; elle garantit au patron, avec la notion de « paix dans l’entreprise », un moyen efficace de faire régner la discipline dans le monde du travail. N faut souligner ici que de pareilles mesures de discipline — menant souvent à la privation d’emploi et constituant une sorte d’interdiction de travailler — ont été, dans le passé, pratiquées dans l’anonymat et sont restées secrètes : l’information destinée à un large public doit s’arrêter d’habitude devant les portes des entreprises. L’information concernant ces réalités reste à concrétiser et ceci dans la mesure où le travail des journalistes qui voudraient diffuser certaines informations ne peut évidemment pas être exercé sans obstacles et impunément. Officiellement il n’y a pas de censure en RFA, mais les mécanismes de contrôle sont tout de même efficaces. Aux journalistes qui profitent de leur droit de libre opinion d’une manière gênante pour les chefs d’entreprise et entendent ne pas éviter le conflit entre leur honneur professionnel et les intérêts des patrons, on dira : « Les pensées (du journaliste) sont libres, mais elles ne doivent pas s’énoncer dans ses articles ». A la limite, les journalistes paient de la perte de leur emploi l’usage qu’ils font de la liberté d’opinion (cf. de ce point de vue l’article particulièrement révélateur d’Eckart Spoo, « Interdits d’information-interdits d’opinion ? », in Kampf gegen das Berufsverbot p. 113 ssq).

CONSEQUENCES SOCIO-STRUCTURELLES OU LA FASCISATION COMME CONSEQUENCE DE LA TECHNOCRATIE :

Tout ce qui vient d’être dit peut déjà motiver des inquiétudes politiques considérables ; mais avec l’analyse de ses symptômes, le procès de fascisation n’est pas saisi dans ses conséquences potentielles, inhérentes à la structure du capitalisme. Les repères significatifs pour la situation actuelle et future sont avant tout d’ordre scientifique et technique. Cela veut dire que nous avons affaire à un procès de socialisation des sciences, d’une part, à une « scientifisation » de l’organisation sociale, de l’autre. A partir de là, les procès sociaux revêtent une qualité nouvelle. On mentionnera ici le développement du rôle de l’énergie nucléaire, c’est-à-dire de la technologie nucléaire, l’informatique et la cybernétique, (traitement électronique de l’information), l’automation, qui s’y rattache, ainsi que la biologie génétique (Makrobiologie). L’importance et la signification sociale de ce développement, c’est-à-dire le potentiel transformateur ainsi libéré, peuvent être démontrés avant tout par l’exemple de l’énergie nucléaire. Un physicien nucléaire connu remarque à ce propos : « S’il est vrai que l’homme s’est décidé en faveur de la technologie nucléaire, il s’est engagé en principe également à entretenir pour l’éternité des installations nucléaires. Nous avons proposé à la société un pacte faustien. Nous lui offrons par cette technologie des réacteurs nucléaires une source inépuisable d’énergie, mais le prix que nous lui en demandons, c’est une vigilance infinie et une stabilité de nos institutions sociales d’une efficacité telle que nous n’avons jamais pu la réaliser jusqu’à présent » [16]. Ici, les conséquences sociales de la technologie deviennent immédiatement transparentes : on postule une stabilité, obtenue par un contrôle ; mais ce contrôle n’est pas seulement celui du cycle de production d’où provient l’énergie nucléaire, mais aussi un contrôle des procès de travail et de « vie » au sens large. L’essentiel, c’est qu’entrent immédiatement dans le cadre de la production nucléaire (de son implication économique) les programmes de recherche et de réalisation qui l’accompagnent. On peut citer comme exemple le quatrième programme nucléaire de la RFA, où s’entrepénètrent des buts politiques, économiques et scientifiques, et où les potentialités de planification et de direction du procès social dans son ensemble représentent une conséquence inévitable de la planification et de la direction du procès de production et de recherche. Les mécanismes de décision institutionnalisés sont intégrés à un haut degré et garantissent immédiatement une adéquation fonctionnelle du personnel et du matériel. Cela a pour conséquence la réduction du caractère « public » de la science, le contrôle et la manipulation des organes d’information scientifique, ainsi que des critères rigides de planification, visant une sélection extrême. On programme ainsi des recherches qui ne sont pas ou plus accessibles au public (telle, par exemple, l’étude 2001, au centre de recherche nucléaire à Karlsruhe).

Le lien entre ce qui vient d’être esquissé et le problème de la fascisation peut être élucidé aussi, si l’on renvoie à la naissance et au développement des initiatives privées et organisées contre la construction de stations électriques nucléaires à Wyhl, au pays de Bade, Marckolsheim, en Alsace, et d’autres. La planification et l’orientation du procès social et de l’avenir de ce procès rencontrent des résistances, précisément celle des gens dont la base économique et écologique traditionnelle est menacée, parce que les gens eux-mêmes n’apparaissent plus que comme les objets planifiés d’un syndrome d’action anonyme. Pour eux, l’action combinée du Pouvoir, de la grande industrie et des sciences représente une épreuve bouleversante, car ils se voient dans une large mesure impuissants face à eux. La « qualité » scientifico-technique qu’a « gagnée » l’organisation sociale représente pour l’individu un fait auquel il est difficile ou même impossible d’adhérer. L’opération de police à Wyhl [17] et la réaction du gouvernement de Bade-Wurtemberg dévoilent clairement le potentiel fasciste de leurs mécanismes d’action : pour leur imposer silence, la police et le gouvernement présentaient les paysans et les vignerons qui protestaient (mais qui, au fond, sont majoritairement très conservateurs) comme des gauchistes radicaux, des extrémistes et des communistes !

Deux choses deviennent alors évidentes : d’une part que la structure du pouvoir prend des caractères fascistes, et d’autre part que ceux sur qui il s’exerce en font l’apprentissage, c’est-à-dire en deviennent conscients (du fait des expériences concrètes qui menacent leur avenir matériel) et se préparent — sans qu’il soit question d’aucun « endoctrinement idéologique » ! — à transformer la conscience démocratique acquise en force d’action politique. Un tel procès de prise de conscience et les conséquences qui y sont impliquées représentent, bien entendu, une menace particulière pour les structures de pouvoir en place et ne peuvent donc, en tant que tels, être combattus, en dernière instance, que par des mesures fascistes.

Impossible de ne pas voir — et cela distingue ce qui vient d’être indiqué de ce qui a été expliqué plus haut — que les systèmes industriels modernes avec leurs instruments scientifico-techniques fascisent tous potentiellement la structure de leur pouvoir et que cette fascisation est toujours-déjà prévue comme conséquence du système. Ainsi, l’industrie nucléaire prévoit le GAU ou le super-GAU (c’est-à-dire l’accident le plus grave qu’on puisse imaginer). Pour cet accident il existe un plan d’urgence contenant de vastes mesures de quarantaine ainsi que l’ordre d’ouvrir le feu sur ceux qui auraient l’intention de s’opposer à ces mesures.

Il est aujourd’hui nécessaire de voir qu’une stratégie anti-fasciste ne peut se développer et être efficace que si on comprend le procès qui s’amorce comme une stratégie elle-même pro-fasciste et si on développe à partir de là des contre-mesures en vue de résoudre concrètement le conflit. Cela implique surtout des conséquences au niveau de l’organisation : il faut organiser le potentiel démocratique qui existe dans les secteurs économique, politico-idéologique et scientifico-technique. Il faut l’organiser dans son propre domaine ainsi qu’à un niveau d’intégration supérieur qui, pour riposter aux phénomènes supra-nationaux de concentration du capital, doit être pensé non seulement sur le plan national mais aussi international.

(traduit de l’allemand par R. Kùhn et Ch. Prigent)

Bibliographie

H. Hülsmann

Die Methode in des Philosophie Nicolai Hartmanns, Düsseldorf (Schwann) 1956.
Zur Theorie des Sprache bei Edmund Husserl. Münche (A. Pustet) 1964.
Argumentation - Faktoren der Denksozialität. Düsseldorf (Bertelsmann Universitätsverlag) 1971.
Strategie une Hypothese. Zur Beliebigkeit bürgerlicher Wissenschafts theorie. Düsseldorf (Bertelsmann Universitätsverlag) 1972.
« Theorie und Konflikt ». in Soziale Welt. Jg. 25, 1974, Heft 4
Die Anonymität von Dialektik im Reden über Dialektik. Zur Philosophie K. Poppers. Kronberg/TS (Scriptor) 1975.
« Die Schwierigkeiten des Jürgen Habermas beim Versuch, Theorie une Praxis zu vermittein ». in Blätter für deutsche und internationale Politik. Jan. 1976.
Editeur du Reader Gesellschaftskritische Wissenschaftstheorie en 4 vol., Kronberg/TS (Scriptor) 1974.
et des 4 vol. Probleme der Orientierung von Wissenschaft. Münster 1975 et 1976 parus dans le cadre du Projekt Gesellschaftskritische Wissenschaftstheorie
prépare une Dialectique et une Ecologie politique

R. Kühn

Tel Quel : Selbstverständnis une Rezeption (1960-1971), Münster 1975
« Le Grand Autre oder die Anonymisierung von Herrschaft » in Linguistica Biblica 35, 1975.
Rhetorik als Sozialtechnologie. Kritische Uberlegungen zu Rupert Lays « Dialektik für Manager ». Bonn (Linguistica Biblica) Jan. 1977
plusieurs traductions ; prépare une article sur J.-L. Baudry, Liriope




[1] Leopold von Ranke (1795-1886) soutient la thèse que l’historien n’a pas à juger ni à enseigner, mais doit s’appliquer à la plus grande objectivité possible. « L’objectivité » signifie pour Ranke que l’historien doit se contenter de montrer « comment cela a été », c’est-à-dire qu’il croit à la possibilité d’une reconstruction ou d’une reconstitution complète des événements historiques.

[2] Reinhard Opitz, « Uber Faschismustheorien und ihre Konsequenzen », in R. Kùhnl (Hg.)r Texte zur Faschismusdiskussion I, rororo aktuelt, Reinbek bei Hamburg, 1974, p. 219 (nous soulignons).

[3] Reinhard Kûhnl, Der deutsche Faschismus in Quellen und Dokumenten, Pahl-Rugenstein-Verlag, Kôln 1975, p. 9.

[4] Kùhnl, op. cité, p. 9.

[5] Voir à ce sujet les textes du séminaire de Marïa-A. Macciochi (Paris-VIII-Vincennes 1974/1975) recueillis dans « Eléments pour une analyse du fascisme », UGE 10-18, 1976, et en particulier les interventions de M.A. Macciochi, Gérard Miller, Daniel Sibony et Philippe Sollers (NDLR).

[6] Par Théorie du conflit on entend 1) une recherche sur la paix et tes conflits (Friedensund Konfliktforschung) qui essaie d’analyser les causes de la course aux armements nucléaires ainsi que les causes des conflits sociaux en général (Dieter Senghaas, Hessische Stiftung Friedens- und Konfliktforschung, Johan Galtung, Peace Research Institute Oslo et C. Fr. von Weizsàcker, Max-Planck-Institut Starnberg : recherche sur les conditions de vie du monde scientifico-technique). Ces recherches ont pour but d’engager vers une autre pratique sociale. La Théorie du conflit signifie 2) un effort pour mettre la science et la société en rapport de manière que la recherche scientifique en tant que travail théorique puisse gagner une qualité «sociale» dans le contexte du travail social (Projekt Gesellschaftskritische Wissenschafts - théorie à la Westfàlîsche Wilhelms-Universitàt Munster sous la direction d’Heinrich Hùlsmann).

[7] Les mesures «anti-extrémistes» du Berufsverbot («interdictions professionnelles») furent d’abord prises par le Land socialiste de Hambourg, puis généralisées par le décret du 18 janvier 1972. Il s’agit d’interdire l’accès à la fonction publique aux personnes soupçonnées de «se livrer à des activités hostiles à la constitution». Le décret a été complété depuis par diverses mesures pénales assimilant les activités extrémistes à la criminalité). Voir à ce sujet le dossier de documents rassemblés dans Tel Quel N° 67 p. 52 à 62 (NDLR).

[8] R. Kùhnl, Formen bùrger/icher Herrschaft, rororo aktuell, Reinbek bei Hamburg 1971, p. 166.

[9] Le Projet de Manhattan signifie 1) le projet organisé sur la recommandation de Szilard et d’Einstein en 1939 et sur l’ordre de Fr. D. Roosevelt en 1940 et ayant pour but l’élaboration des deux bombes nucléaires qui par la suite ont été lancées le 6 et le 9 août 1945 sur Hiroshima et Nagasaki. Le projet de Manhattan vise 2 le complexe militaire et industriel qui s’est imposé à partir de là 3) le projet de Manhattan indique qu’une transformation qualitative de la société capitaliste se réalise dans la mesure où le capital et l’Etat, la science et la technique, le militaire et l’administratif ont réalisé au niveau de l’organisation une intégration grâce à laquelle les conditions de production et de reproduction de cette société sont devenues encore plus conflictuelles.

[10] H. Bethge, E. Rossmann (éd.), Der Kampf gegen das Berufsverbot, Dokumentation des Falle und des Widerstands. Pahl-Rugenstein-Verlag, Kôln, 1973.

[11] Wortlaut und Kritik der Verfassungswidrigen Januarbeschlûsse, Materialen fur Studenten, Beamte, Angestellte und Arbeiter im ôffentlichen Dienst, Pahl-Rugenstein-Verlag, Kôln, 1972, p. 95.

[12] H. Ridder, « Juristische Tragweite und politische Implikationen des S.P.D Beschlusses von Hannover », in Kampf gegen…, p. 78.

[13] Le parti communiste historique en Allemagne s’appelle K.P.D. ( = Parti communiste d’Allemagne). Dans la mesure où ce parti a été interdit en 1956, le nouveau P.C. Allemand, fondé en 1968, a pris le nom de D.K.P. (= Parti communiste allemand). Le D.K.P. a sans doute été admis officiellement en 1968 dans un but de « contrôle », autrement dit par crainte du travail subversif des communistes allemands.

[14] Ce qui ne préjuge en rien, si l’on s’en tient cette fois à la situation française et au théâtre d’ombres qu’on tache à nous y faire prendre pour la réalité des conflits politiques, ce qui ne préjuge pas des tendances spécifiquement social-fascistes desdits P« C », de leur morale archaïque, de leur familialisme débile, de leur chauvinisme tricolore et de leur sens de l’ordre au besoin répressif. Le fascisme, encore une fois, est rarement là, uniquement là, où, l’œil vissé au télescope rétrospectif, on attend, frissonnant, sa venue. (NDLR).

[15] H. Ridder, « Berufsverbot ? Nein, Demokratieverbot ! », in Das Argument N°92, 17e année, oct. 1975, p. 576 ssq.

[16] A.M. Weinberg, « Social Institutions and Nuclear Energy », in Science, 7.7.1972.

[17] A. Wyhl, au pays de Bade, le gouvernement a autorisé la construction d’une centrale nucléaire, contre la volonté d’une grande partie de la population (l’organisme de sauvegarde qui s’est constitué à Wyhl est solidaire/collabore avec l’organisme de sauvegarde à Marckolsheim en Alsace. Il n’est peut-être pas sans intérêt qu’on ait essayé de tranquilliser les Alsaciens qui protestaient contre la construction d’une usine de production de plomb en leur assurant que la poussière polluante du plomb passerait surtout en pays de Bade). Dans la mesure où diverses formes de protestation de la population de Wyhl étaient restées sans conséquences, les victimes ont occupé le chantier, ce qui a entraîné en fin de compte la suspension des travaux en cours.