Numéro 2 (1970))

TXT (Ordinateur)

par TXT

"Une logique existe pour la poésie. En riant, l’humanité se sépare de son passé. Toute communication participe du suicide et du crime".
(BATAILLE)

Où, en France, se donne aujourd’hui à lire ce qui se pare du nom de poésie, l’espace est irrémédiablement coupé. Deux champs, dont l’un tend de plus en plus à subvertir l’autre [1]. D’un côté/de l’autre. La "coupure" est ce par rapport à quoi un cahier de "poésie", – aujourd’hui –, doit nécessairement se situer. "Produire, publier, fonctionner" se fera dans l’un ou l’autre c(h)amp. Ou ne se fera pas. A la fois dans l’écriture, le choix des textes, leur articulation et leur partition. Par quoi tout "choix" actuel (écriture/ articulation/ partition) infère une stratégie, suit la loi d’une logique peu perturbable selon laquelle TOUT va – dans l’écriture – basculer ou non dans l’inscription matérialiste qui tend à investir – ici – toute "littérature". Puisque ici, en ce lieu de revue, c’est de littérature qu’il est question [2]. Par quoi, ensuite tout "choix" choisit (ou non) une révolution déterminée, s’articule aussi à l’instance politique. Propos aujourd’hui/ ici d’un cahier de "poésie" : donner à lire sur le champ déjà fort déblayé (par l’activité théorique/ critique) des "textes" (ou "actes", ou "gestes", ou "pratiques") dont le travail puisse réaliser à chaque instant l’inscription – matérielle-textuelle – d’une productivité réellement opérante : fonctionnent en creux – et littéralement – comme critique et subversion de la lecture/ écriture idéologiquement marquée (écriture : véhicule/décor), comme rupture avec cette écriture "ahurie" et le monde avarié qu’elle légitime, module, sous tend. Mettant en jeu (en œuvre) l’"infinité potentielle" [3] de la langue, jouant dans son activité "carnavalesque" l’excès en quoi s’opèrent la destruction réglée des formes. L’écriture s’y relie dans son insertion idéologique en jouant sa multipolarité signifiante (son procès comme excès) travaillée miscroscopiquement [4] dans ses possibilités combinatoires : activité phonique, anagrammatismes, syntaxe retournée, montage, calques, caches. Décréation et récréation.

Pas d’entreprise délibérément "pédagogique" (réalisée ailleurs) : lectures de "textes" dans leur expansion au besoin contradictoire mais unie dans leur insertion commune par rapport à la "coupure". Textes articulés dans leur fonctionnement écholalique. Produits mis en route en machine. Où le lecteur est prévu dans sa variable "souscription" (sa réécriture des VOYELLES), ne donnant "que ce qu’il veut", ne ritualisant pas la quête névrotique d’un Sens ici donné comme figure hilare du manque : "toute communication participe du suicide et du crime".

Projet de TXT : tenter cette productivité, cerner le dessin d’une "écriture poétique" telle qu’elle peut se lire pour une génération (née après 1940) qui arrive tout juste à l’écriture lecture ; risquer, en riant, la coupure définitive et la "logique" de la poésie. "Faire des textes à venir quelques-uns des maillons de cette écriture généralisée de plus en plus bouleversée bouleversante qui poussera à l’excès les "excès" dont ne peuvent que mourir les organismes, les corps, les sociétés, sur leur déclin" [5].



[1] Lequel, malgré ses "résistances" et le semblant de caution qu’il apporte à une "réaction aux abois", ne constitue plus qu’une cellule archéologique ne produisant d’autres signes qu’une musique d’ambiance sans gravité.

[2] Les mots ici reproduits en gras sont soulignés dans l’édition originale, ndr.

[3] Julia Kristeva.

[4] Ailleurs, par exemple, un travail plus vaste sur les structures narratives et le montage de la fiction "romanesque"…

[5] Jacques Henric (in Tel Quel n°40).