| I | 
 ous 
  voyons et nous touchons mais tout ce que nous voyons et tout ce que nous touchons 
  n'est jamais vu ni touché à sa propre taille, car dans la lumière 
  nous sommes toujours trop loin de tout et dans l'obscurité toujours trop 
  près.
ous 
  voyons et nous touchons mais tout ce que nous voyons et tout ce que nous touchons 
  n'est jamais vu ni touché à sa propre taille, car dans la lumière 
  nous sommes toujours trop loin de tout et dans l'obscurité toujours trop 
  près. 
  Nous voyons et nous touchons le monde plus petit ou plus grand qu'il n'est réellement 
  car le monde bouge, nous bougeons. Le monde est en mouvement, le monde est vivant, 
  nous sommes vivants. Tout change sans cesse de dimensions pour pouvoir entrer 
  dans tout, sortir de tout et se reproduire pour se multiplier et trouver place 
  dans l'infini en expansion. 
  Nous voyons pour que le minuscule puisse surpasser l'énorme, pour que 
  la main puisse cacher le soleil. La vue peut faire entrer l'infini dans l'infime 
  et l'infime dans l'infini et les faire contenir entièrement l'un dans 
  l'autre. La vue peut faire entrer le soleil par les fenêtres et les yeux 
  dans le ciel de la nuit. Quand nous faisons un pas nous en faisons mille sur 
  ce que nous voyons. Tout est visible de pouvoir se grouper sur d'infimes espaces. 
  
  Seulement dans l'immobilité totale le monde est à sa taille réelle, 
  le monde est infime et infini et rien ne peut plus entrer ni sortir, rien ne 
  peut plus s'accoupler, apparaître et disparaître. 
  Le monde bouge et nous bougeons pour que l'infime soit plus grand et l'infini 
  plus petit, pour que nous puissions vivre ici dans un monde à notre taille. 
  Si nous ne bougions pas, si le monde ne bougeait pas, si rien ne bougeait nous 
  serions à la fois très petits et très grands infimes et 
  infinis. 
  Nous bougeons mais nous n'avons pas de dimensions car nous ne sommes jamais 
  là en mouvement où il faudrait que nous soyons pour être 
  à notre taille, nous ne sommes jamais là vivant où nous 
  ne bougeons plus. 
  Nous n'avons pas de taille. Nous ne voyons pas le sommet de notre corps; nous 
  ne le voyons pas parce que nous pensons avec lui. Sous nos pieds la terre nous 
  continue, sous nos pieds la terre est notre corps comme le soleil est notre 
  tête au-dessus de notre front. 
  Nous ne pouvons pas représenter ce qui nous entoure à sa propre 
  taille car la taille réelle du monde n'existe pas dans un monde vivant. 
  Le mouvement diminue et augmente tout ce qui nous entoure. Le sexe qui donne 
  la vie n'est jamais à sa taille. Il grossit ou s'ouvre, rapetisse ou 
  se referme. 
  Une infime poussière devient énorme quand elle tombe dans notre 
  oeil comme si elle arrivait si vite et de si loin qu'elle provoquait un cataclysme 
  dans notre vision comme si nos yeux ne vivaient pas ici sur la terre mais très 
  loin dans l'espace. 
  L'homme a mis le monde à une autre dimension pour pouvoir y vivre. Car 
  à sa propre dimension le monde est impossible à vivre : la terre 
  est trop grosse et son mouvement sous nos pieds et dans l'espace nous projetteraient 
  infiniment loin dans le vide. Le soleil est trop gros et nous brûlerait, 
  il brûlerait tout. 
  Si nous ne sentons as le mouvement de la terre sous nos pieds c'est parce que 
  nous n'avons pas conscience de la dimension de la terre dans l'espace. Si nous 
  arrivons à cacher le soleil avec la main c'est parce que le soleil n'est 
  plus une boule de feu suspendue au-dessus de notre tête, le soleil est 
  devenu de la lumière qui nous fait briller les yeux. Nous ne vivons plus 
  dans l'effroi d'un monde en feu et brûlant, mais dans la joie d'un monde 
  éclairé et lumineux. 
  Nous ne pourrions pas vivre dans un monde où tout serait à sa 
  taille réelle. Le soleil n'est jamais à sa propre dimension, même 
  s'il était à quelques mètres au-dessus de notre tête. 
  Il faudrait entrer tout entier dans le soleil, brûler en lui pour que 
  nous puissions prendre conscience de sa taille et de son feu. 
  Nous ne pourrions pas vivre dans un monde où tout serait à sa 
  taille réelle car c'est que nous serions dans tout, non pas au-dehors, 
  devant ou derrière, dessus ou dessous, non pas loin ou près, très 
  loin ou très près, mais au-dedans du monde, profondément 
  à l'intérieur de tout. Et c'est que rien ne serait apparu à 
  la surface de la terre. 
  Quand la terre n'est ni vue et ni touchée elle est à sa dimension. 
  Quand il n'y a plus d'yeux, plus de mains, plus d'oreilles, plus de bouches, 
  plus de nez, plus de sexe quand il n'y a plus de corps, quand le monde est un 
  désert, quand tout est vide, quand il n'y a plus seulement que le néant 
  le monde est à sa taille réelle. 
    
| II | 
 ous 
  ne pouvons pas dire que nous voyons.
ous 
  ne pouvons pas dire que nous voyons. 
  Vous ouvrez les yeux mais vous ne voyez pas. Le seul mouvement de vos paupières 
  ne vous suffit pas pour voir, car tout ce que vous voyez a une infinité 
  de mouvements de par l'espace qui vous entoure. 
  Tout ce que tu vois a une infinité de faces. 
  J'ouvre les yeux mais ce n'est pas voir, c'est deviner ce qui est devant l'homme, 
  c'est imaginer ce que la femme ne peut pas toucher, c'est supposer voir ce qui 
  est devant les yeux des enfants. 
  Tu ouvres les yeux mais si en plus je ne bouge pas alors nous ne voyons rien. 
  Si tu n'avances pas nous sommes aveugles, si l'homme ne marche pas autour de 
  ce que nous croyons voir tu es sans yeux devant le monde. 
  Nous ne voyons pas si nous ne faisons pas un nombre incalculable de mouvements 
  dans la lumière. 
  Tu ouvres les yeux mais tout est dans le brouillard, le monde est flou, tout 
  est voilé. Tu ne peux pas voir simplement en ouvrant les yeux. C'est 
  seulement si tu marches des heures et des jours tout autour de ce qui nous entoure, 
  puis que tu continues pendant des années, des siècles et des millénaires 
  que nous nous envolerons au-dessus du monde, que nous ramperons au-dessous, 
  que nous entrerons dans le monde jusqu'à nous immerger tout entier en 
  lui comme un oeil démesuré dont la paupière serait toute 
  la peau du corps de l'homme. 
  Seulement dépouillé, tu verras. La chair à vif nous serons 
  voyants. 
  C'est quand vous aurez parcouru d'immenses distances et que votre corps se sera 
  frotté et poli contre le monde jusqu'à devenir brillant et lisse 
  comme un oeil que tout sera devenu visible autour de nous. 
  Avec les yeux, toutes les routes bifurquent vers le ciel, toutes les routes 
  continuent vers le haut. plus de chemins de terre mais des chemins de ciel qui 
  montent vers le soleil. 
 es 
  yeux ne se voient pas. Ni le droit voit le gauche, ni le gauche voit le droit. 
  Ils ne se voient pas parce qu'ils sont si près l'un de l'autre qu'il 
  fait nuit entre eux. Ils ne se voient pas parce qu'ils voient et que voyants 
  il fait jour devant eux. Si les yeux se voyaient il ferait jour entre eux et 
  nuit devant l'homme et la femme.
es 
  yeux ne se voient pas. Ni le droit voit le gauche, ni le gauche voit le droit. 
  Ils ne se voient pas parce qu'ils sont si près l'un de l'autre qu'il 
  fait nuit entre eux. Ils ne se voient pas parce qu'ils voient et que voyants 
  il fait jour devant eux. Si les yeux se voyaient il ferait jour entre eux et 
  nuit devant l'homme et la femme. 
  Nos yeux sont inséparables : ouverts ils voient, fermés ils se 
  touchent, ouverts ils s'unissent pour que tu puisses voir devant toi, fermés 
  ils s'unissent pour que mes mains puissent les remplacer et toucher le monde 
  devant moi. 
 e 
  monde n'est pas le même à pied qu'en vélo, en vélo 
  qu'en voiture, en voiture qu'en avion, en avion qu'à quatre pattes. Le 
  monde est toujours différent suivant l'endroit d'où nous le voyons, 
  suivant la position dans laquelle les hommes se trouvent, suivant le moyen de 
  locomotion avec lequel les femmes le parcourent, suivant l'heure qu'il est, 
  suivant qu'il fait jour ou nuit, suivant que nous sommes au printemps, en été, 
  en automne ou en hiver.
e 
  monde n'est pas le même à pied qu'en vélo, en vélo 
  qu'en voiture, en voiture qu'en avion, en avion qu'à quatre pattes. Le 
  monde est toujours différent suivant l'endroit d'où nous le voyons, 
  suivant la position dans laquelle les hommes se trouvent, suivant le moyen de 
  locomotion avec lequel les femmes le parcourent, suivant l'heure qu'il est, 
  suivant qu'il fait jour ou nuit, suivant que nous sommes au printemps, en été, 
  en automne ou en hiver. 
  Vous avez devant vous une infinité de mondes dans un seul monde, car 
  le monde change sans cesse : il suit le mouvement des hommes et des femmes mais 
  aussi le mouvement de la terre. Il se déplace sans cesse parce qu'il 
  suit le déplacement des corps sur la terre et le déplacement de 
  la terre dans le ciel. Le monde que vous voyez devant vous est irreprésentable. 
 uand 
  il y a la nuit le jour, elle est plus forte que la nuit. Quand il y a le jour 
  la nuit, il est plus fort que le jour.
uand 
  il y a la nuit le jour, elle est plus forte que la nuit. Quand il y a le jour 
  la nuit, il est plus fort que le jour. 
Le monde peut se contenir une infinité de fois. Je peux 
  voir dix ou vingt fenêtres à travers ma fenêtre, et plus 
  elles seront loin de ma fenêtre plus ma fenêtre en contiendra. 
  Mes yeux sont des fenêtres ouvertes sur le ciel. Mes yeux peuvent contenir 
  tous les yeux mais tous les yeux seraient si loin de tes yeux que mes yeux ne 
  les verraient plus. 
  Tout ce que voient mes yeux est très loin de tes yeux, comme la fenêtre 
  contient un morceau de ciel qui est si loin de la fenêtre que la fenêtre 
  peut le contenir. 
  Une seule fenêtre peut contenir des milliers de fenêtres de la même 
  grandeur qu'elle. Une fenêtre peut se contenir une infinité de 
  fois comme tes yeux peuvent contenir des milliers d'yeux. Comme mes yeux peuvent 
  se contenir une infinité de fois. 
  Dans le ciel, une infinité d'étoiles le contient. dans mes yeux, 
  une infinité d'yeux les contient. Tes yeux contiennent l'univers, un 
  univers infiniment éloigné d'eux. 
  Le contenu du monde c'est son infinité. le monde est fait de son infinité. 
  Le contenu du monde c'est sa répétition infinie à l'infiniment 
  loin. Je vois d'être loin. Plus tu es loin, plus tes yeux contiennent 
  de monde. 
 ans 
  ma fenêtre qui mesure environ un mètre sur deux il y a un champ 
  immense, puis une dizaine de maisons et de chemins, puis une centaine d'arbres. 
  Dans ma fenêtre qui mesure toujours un mètre sur deux il y a aussi 
  un morceau de ciel dans lequel brille le jour un énorme soleil plus gros 
  que la terre. Il y a un morceau de ciel qui contient une infinité d'étoiles 
  la nuit.
ans 
  ma fenêtre qui mesure environ un mètre sur deux il y a un champ 
  immense, puis une dizaine de maisons et de chemins, puis une centaine d'arbres. 
  Dans ma fenêtre qui mesure toujours un mètre sur deux il y a aussi 
  un morceau de ciel dans lequel brille le jour un énorme soleil plus gros 
  que la terre. Il y a un morceau de ciel qui contient une infinité d'étoiles 
  la nuit. 
  Il me semble inimaginable d'ouvrir les yeux et de voir dans la fenêtre 
  qui est ouverte devant moi qu'un monde peut y prendre place. Il me semble inimaginable 
  qu'en ouvrant seulement les yeux je peux faire entrer le monde dans ma maison. 
  
  Dans vos yeux qui sont beaucoup plus petits que la fenêtre, vous pouvez 
  faire entrer le monde parce que vouss pouvez faire entrer sa lumière. 
  
  Dans mes yeux il y a cette fenêtre parce qu'il y a le soleil, il y a tout 
  ce que tu vois parce qu'il fait jour. Dans tes yeux il y a tous les soleils 
  de l'univers. 
  Mon corps est ma maison. Mes yeux sont mes fenêtres que j'ouvre partout 
  où tu vas dans le jour. 
  Il me semble inimaginable de voir qu'un simple trou de serrure peut contenir 
  un espace immense, qu'à travers quelques centimètres de fenêtre 
  peut tenir place un morceau de ciel qui contient une infinité d'étoiles. 
  
  Il me semble avoir quelque chose d'inimaginable sur le visage, si inimaginable 
  qu'il me fait tenir la lune entre deux doigts. 
  Tes yeux sont cette fenêtre dont je ne peux toucher que le cadre, tout 
  comme je ne peux toucher de mes yeux que leur tour. Ce qu'il y a dans la fenêtre 
  et ce qu'il y a dans tes yeux est intouchable parce que bien trop loin de moi. 
  
  Ce qu'il y a dans la fenêtre c'est ce qu'il y a dans tes yeux. La matière 
  polie et colorée de mes yeux est la matière du ciel bleu. Mes 
  yeux sont mes fenêtres que j'ouvre devant toi pour faire entrer le monde 
  en moi. 
 out 
  ce que nous voyons change si nous changeons de place. Tout ce que nous voyons 
  devient véritablement visible si nous nous déplaçons car 
  tout ce que nous voyons n'existe que par son continuel changement que produit 
  sur lui l'heure de la journée ou le jour de l'année.
out 
  ce que nous voyons change si nous changeons de place. Tout ce que nous voyons 
  devient véritablement visible si nous nous déplaçons car 
  tout ce que nous voyons n'existe que par son continuel changement que produit 
  sur lui l'heure de la journée ou le jour de l'année. 
  Tout paysage bouge pour que l'homme bouge avec lui. Tout paysage change lui-même 
  sans cesse, et voir c'est encore le faire changer par soi-même, c'est 
  bouger comme il bouge, c'est sans cesse changer de place comme sans cesse il 
  change de lumière. Tout bouge, et voir c'est bouger avec tout. 
  Voir ce n'est pas seulement bouger les yeux, c'est bouger tout son corps. C'est 
  se mettre debout, se retourner, se baisser, se hausser. Voir c'est tourner, 
  se coucher, s'asseoir, s'allonger sur le dos puis sur le ventre. Voir ce n'est 
  pas seulement ouvrir les yeux, c'est ouvrir tout son corps , c'est se mettre 
  dans une infinité de positions, c'est faire une infinité de déplacement 
  tout autour de ce que nous voyons. Voir c'est s'éloigner, s'approcher, 
  reculer, avancer, c'est recouvrir et découvrir de ses mains, c'est monter 
  et descendre, c'est faire apparaître et disparaître, c'est faire 
  la lumière et l'obscurité, c'est se déplacer à pied, 
  c'est monter sur un vélo, puis dans une voiture. Voir c'est changer de 
  vitesse dans un train puis c'est monter dans un avion, c'est utiliser tous les 
  moyens de locomotion, toutes les inventions et toutes les constructions de l'homme, 
  c'est utiliser toutes les possibilités que nous donne notre mouvement, 
  c'est monter et descendre tous les escaliers, monter et descendre tous les étages, 
  monter et descendre à tous les niveaux, grimper sur tous les arbres et 
  sur toutes les montagnes. 
  Pour voir il faut nous servir de tous les moyens qui nous permettent de bouger 
  et de nous déplacer, car les yeux voient seulement par notre mouvement. 
  Ils vont si vite que leur vitesse reste un mystère. La vitesse des yeux 
  est une vitesse cosmique. Les yeux cillent et rien ne va plus vite. Un seul 
  cillement et ils ont déjà atteint le soleil ou les étoiles 
  dans le ciel. 
  Si voir c'est monter dans un avion, c'est aussi ramper sur le sol. Si c'est 
  monter dans une voiture, c'est aussi monter dans un arbre ou sur un toit. Si 
  c'est monter sur un cheval c'est aussi monter sur un tabouret ou descendre un 
  étage. Voir c'est bouger comme ses yeux. Voir c'est rouler dans l'espace, 
  c'est se projeter dans la lumière. 
  L'immobilité nous rend aveugles même les yeux ouverts, comme nos 
  yeux immobiles, et même ouverts, nous sommes morts. 
 e 
  champ que tu vois de ma fenêtre, je ne le vois que du premier, du deuxième 
  et du troisième étage, tu ne le vois que de la porte du rez-de-chaussée, 
  de la première, de la deuxième et de la troisième marche 
  de l'entrée, à travers les grilles de la cave, et encore seulement 
  dans les intervalles de deux ou trois barreaux. Tu sais qu'il y a encore un 
  champ, qu'il y a encore deux champs, trois champs, une infinité de ce 
  champ, dans ce champ je voudrais monter sur le toit, voir de chaque angle du 
  toit. Voir encore des champs de ce champ. Voir mille champs par ce champ.
e 
  champ que tu vois de ma fenêtre, je ne le vois que du premier, du deuxième 
  et du troisième étage, tu ne le vois que de la porte du rez-de-chaussée, 
  de la première, de la deuxième et de la troisième marche 
  de l'entrée, à travers les grilles de la cave, et encore seulement 
  dans les intervalles de deux ou trois barreaux. Tu sais qu'il y a encore un 
  champ, qu'il y a encore deux champs, trois champs, une infinité de ce 
  champ, dans ce champ je voudrais monter sur le toit, voir de chaque angle du 
  toit. Voir encore des champs de ce champ. Voir mille champs par ce champ. 
  Vous savez qu'il se cache un champ quelque part pas loin de ce champ. Nous savons 
  qu'il se cache un champ de ce champ, peut-être à quelques centaines 
  de mètres derrière nous, peut-être un autre encore à 
  quelques centaines de mètres au-dessus de vous. 
  Le champ que tu vois de ma fenêtre, il est devant otoi mais il est aussi 
  quelque part derrière moi. Il se cache en cent, en mille, il est partout 
  tout autour de lui, dans un rayon de plusieurs centaines de mètres, prenant 
  peu de place, tenant dans le trou d'un mur de pierres, dans les carreaux de 
  fenêtres d'une maison que tu ne vois même pas de ma fenêtre. 
  
  Le champ que je vois de ta fenêtre, il est là plaqué de 
  côté contre le mur droit et gauche de ma maison, à l'angle 
  de la ferme et du château, au détour d'un chemin. Il est là 
  devant toi ou plutôt une partie de lui, une de ses infimes parties parce 
  qu'il est aussi au-dessus de moi, de l'autre côté devant nous, 
  à chaque pas de ces deux chemins qui y mènent. À chaque 
  pas que vous faites derrière ma fenêtre. Un pas et nous voyons 
  une partie du champ que je ne voyais pas, un autre pas et vous ne voyez plus 
  une autre partie de lui que tu voyais. 
  Le champ est non seulement là où nous le voyons mais aussi tout 
  autour de lui qui se guette chaque partie de lui. Le champ est entouré 
  par ses champs comme mon image est entourée par ses images. Tu le vois 
  mais nous le voyons seulement d'où vous êtes, et d'où je 
  suis tu n'en distingues jamais qu'une infime partie. C'est seulement à 
  force de me déplacer autour de lui, dans tous les sens et à toutes 
  les distances que tu le vois, que nous le verrons d'où nous ne sommes 
  pas, d'où vous ne serez plus. Seuls les oiseaux sont comme des yeux qui 
  verraient tout. Les oiseaux sont des yeux voyants. 
  Voir c'est voler, c'est rayonner, c'est envahir. Les yeux envahissent le monde. 
 es 
  jambes sont la rallonge de tes mains et de tes yeux. Tu marches pour toucher 
  et voir un peu plus du monde. Nous marchons pour toucher et voir infiniment 
  le monde. Vos jambes vont si loin que vos mains sont infiniment grandes et que 
  vos yeux s'ouvrent partout dans l'espace sans fin.
es 
  jambes sont la rallonge de tes mains et de tes yeux. Tu marches pour toucher 
  et voir un peu plus du monde. Nous marchons pour toucher et voir infiniment 
  le monde. Vos jambes vont si loin que vos mains sont infiniment grandes et que 
  vos yeux s'ouvrent partout dans l'espace sans fin. 
  Tout est si près avec les yeux et si loin avec les jambes. 
  Si nos jambes sont la rallonge de mes mains et de tes yeux pour la terre, si 
  vous aviez des ailes, elles seraient leur rallonge pour le ciel. Sans tes jambes 
  je n'ai ni mains et ni yeux pour la terre comme sans ailes tu n'as ni mains 
  et ni yeux pour le ciel. 
  Si nous avions des ailes vous auriez des yeux et des mains pour le ciel comme 
  tu as des jambes et j'ai des mains et des yeux pour la terre. 
  Mes yeux m'ont fait découvrir le jour mais pas la nuit. Tes yeux t'ont 
  fait dcouvrir le ciel mais pas la terre. 
  Nous avons en nous la nuit, sans nos yeux. J'ai la terre sous mes pieds et sous 
  mes mains, sans mes yeux. 
  Les hommes peuvent aller de l'autre côté de la terre, les femmes 
  ne voient rien de plus du ciel dans le ciel comme si les enfants n'avaient pas 
  bougé, comme si l'homme et la femme ne voyaient rien de plus de la terre 
  sur la terre. 
  Si de l'autre côté de la terre les hommes voient bien autre chose 
  de la terre sur la terre, les femmes n'en voient pas plus qu'elles ne voient 
  du ciel dans le ciel et que j'en vois de ce côté de la terre. Les 
  enfants ont beau marcher nous voyons toujours plus de la terre mais pas plus 
  que nous voyons du ciel. 
  Le soleil vous lie tous parce que nous le voyons tous de partout sur la terre. 
  L'homme ne voit jamais plus du ciel en marchant que la femme en voit sans bouger. 
  Les enfants ont beau marcher, se déplacer, aller de l'autre côté 
  de la terre, il nous semble toujours être resté sans bouger devant 
  le ciel. 
  Si de l'autre côté de la terre les hommes ont d'autres paysages 
  terrestres devant les yeux, les femmes n'ont pas d'autres paysages célestes. 
  Les paysages célestes sont les mêmes de ce côté que 
  de l'autre côté de la terre : un soleil ou des étoiles, 
  des étoiles ou un soleil suivant qu'il fait jour ou nuit ou nuit ou jour. 
  
  Les hommes ont tous une image différente de la terre devant les yeux. 
  Parce qu'elle est touchable ils ne voient pas seulement avec leurs yeux mais 
  aussi avec leurs mains et avec leurs pieds. Les femmes voient des bosses et 
  des creux, des vallées et des montagnes, des océans et des forêts. 
  Mais les enfants ne volent pas dans le ciel comme ils marchent sur la terre 
  sinon nous verrions des bosses d'air et des creux d'espace, des vallées 
  d'étoiles et des montagnes de soleils, des océans de lumière 
  et des forêts d'obscurité. Du ciel vous avez tous la même 
  image devant les yeux. Parce que le ciel est intouchable l'homme le voit seulement 
  avec ses yeux. La femme voit un soleil et des étoiles. 
  Comme si vous étiez tous liés par le ciel au-dessus de vous et 
  non par la terre au-dessous, comme si nous étions tous liés par 
  cette même image : le soleil le jour, les étoiles la nuit. Les 
  hommes n'ont qu'à lever les yeux et les femmes auront l'image que les 
  enfants voient de partout sur la terre. Comme si en regardant le ciel les hommes 
  étaient à la fois et en même temps transportés partout 
  sur la terre. Partout où le soleil brille : de ce côté de 
  la terre dans le jour qui se lève et de l'autre côté quand 
  de ce côté de la terre la nuit tombe. 
  Tu lèves les yeux vers le ciel et tu es au-dessus de l'Asie, au-dessus 
  de l'Amérique, au-dessus de l'Europe. Nous sommes au-dessus de tous les 
  pays, vous êtes partout avec le soleil au-dessus de la terre entière. 
  Comme l'homme ferme les yeux et avec l'obscurité la femme est partout 
  sur la terre. Comme si la vision du ciel ou de la nuit, comme si la vision de 
  l'infini liaient les hommes les femmes et les enfants tous ensemble. 
    
    
| III | 
 ous 
  ne pouvons pas dire que nous voyons.
ous 
  ne pouvons pas dire que nous voyons. 
  Si vous voyez les yeux des autres hommes que les autres hommes ne voient pas 
  eux-mêmes, si vous ne voyez pas vous-même vos yeux que les autres 
  femmes voient, c'est que chacun vous voyez du monde ce que les autres hommes 
  et femmes ne voient pas, c'est que chacun vous ne voyez pas du monde ce que 
  les enfants voient. 
  Si tu pouvais voir le monde que les autres femmes, hommes et enfants voient, 
  le monde serait figé comme tes yeux, dans un miroir, le son devant tes 
  yeux qui se voient. 
  Chacun vous voyez une partie du monde invisible pour les hommes comme chacun 
  vous ne voyez pas une partie du monde visible pour les autres femmes. Comme 
  si tes yeux avec lesquels tu vois le monde seprojetaient hors du monde que je 
  vois. 
 i 
  tu vois de l'autre homme ce que l'autre homme ne voit pas, si l'autre femme 
  voit ce que vous ne voyez pas, c'est que chacun voyez ce que l'autre homme ou 
  femme ne voit pas, c'est que l'autre femme ou homme voit ce que chacun ne voyez 
  pas, c'est que tu vois du monde ce que les hommes et les femmes ne voient pas, 
  c'est que les femmes et les hommes voient du monde ce que vous ne voyez pas. 
  Chacun vous voyez ce que les hommes et les femmes qui vous entourent ne voient 
  pas et chacun vous ne voyez pas ce que je vois.
i 
  tu vois de l'autre homme ce que l'autre homme ne voit pas, si l'autre femme 
  voit ce que vous ne voyez pas, c'est que chacun voyez ce que l'autre homme ou 
  femme ne voit pas, c'est que l'autre femme ou homme voit ce que chacun ne voyez 
  pas, c'est que tu vois du monde ce que les hommes et les femmes ne voient pas, 
  c'est que les femmes et les hommes voient du monde ce que vous ne voyez pas. 
  Chacun vous voyez ce que les hommes et les femmes qui vous entourent ne voient 
  pas et chacun vous ne voyez pas ce que je vois. 
 l 
  faudrait que tu sois à la place des autres hommes ou femmes pour voir 
  ce qu'ils voient, pour voir ce que vous ne voyez pas et pour ne plus voir ce 
  que vous voyez. Si vous voyez chacun ce que les autres hommes ou femmes ne verront 
  jamais c'est parce que les autres hommes ou femmes ne pourront jamais être 
  à votre place. Tu ne verras jamais ce que tous les hommes voient parce 
  que tu ne pourras jamais te mettre à leur place, c'est ainsi que toutes 
  les places où je ne suis pas me permettent de voir le monde. Je vois 
  le monde parce que les hommes voient à ma place ce que je n'en vois pas. 
  Comme si la lumuère de mes propres yeux était la lumière 
  avec laquelle les autres hommes ou femmes voient ce que je ne vois pas. Comme 
  si la lumière de leurs yeux était la lumière avec laquelle 
  je voyais ce qu'ils ne voient pas. Comme si j'étais né pour que 
  les autres hommes et femmes voient, avec la lumière de mes yeux, ce qu'ils 
  n'avaient jamais vu. Comme si les autres femmes et hommes étaient nés 
  pour que tu puisses voir, avec la lumière de leurs yeux, ce que tu n'avais 
  jamais vu.
l 
  faudrait que tu sois à la place des autres hommes ou femmes pour voir 
  ce qu'ils voient, pour voir ce que vous ne voyez pas et pour ne plus voir ce 
  que vous voyez. Si vous voyez chacun ce que les autres hommes ou femmes ne verront 
  jamais c'est parce que les autres hommes ou femmes ne pourront jamais être 
  à votre place. Tu ne verras jamais ce que tous les hommes voient parce 
  que tu ne pourras jamais te mettre à leur place, c'est ainsi que toutes 
  les places où je ne suis pas me permettent de voir le monde. Je vois 
  le monde parce que les hommes voient à ma place ce que je n'en vois pas. 
  Comme si la lumuère de mes propres yeux était la lumière 
  avec laquelle les autres hommes ou femmes voient ce que je ne vois pas. Comme 
  si la lumière de leurs yeux était la lumière avec laquelle 
  je voyais ce qu'ils ne voient pas. Comme si j'étais né pour que 
  les autres hommes et femmes voient, avec la lumière de mes yeux, ce qu'ils 
  n'avaient jamais vu. Comme si les autres femmes et hommes étaient nés 
  pour que tu puisses voir, avec la lumière de leurs yeux, ce que tu n'avais 
  jamais vu. 
 uand 
  un homme naît sur la terre d'autres yeux s'ouvrent sur le monde pour que 
  la femme puisse voir avec eux ce qu'elle ne voit pas. Si l'homme ne voit que 
  par un seul endroit sur son corps, si sa vue n'est pas comme son toucher répandue 
  sur tout son corps c'est parce que la femme voit aussi avec tous les autres 
  yeux qui s'ouvrent sur le monde, comme s'ils étaient la continuité 
  de son corps visible, comme si leur lumière délimitait la surface 
  de son corps voyant comme toute la peau qui recouvre le propre corps de l'homme 
  délimite la surface de son corps touchable et aveugle.
uand 
  un homme naît sur la terre d'autres yeux s'ouvrent sur le monde pour que 
  la femme puisse voir avec eux ce qu'elle ne voit pas. Si l'homme ne voit que 
  par un seul endroit sur son corps, si sa vue n'est pas comme son toucher répandue 
  sur tout son corps c'est parce que la femme voit aussi avec tous les autres 
  yeux qui s'ouvrent sur le monde, comme s'ils étaient la continuité 
  de son corps visible, comme si leur lumière délimitait la surface 
  de son corps voyant comme toute la peau qui recouvre le propre corps de l'homme 
  délimite la surface de son corps touchable et aveugle. 
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  ne vois que par un seul endroit sur mon corps comme le soleil n'est qu'à 
  un seul endroit dans le ciel, mais sa lumière éclaire le monde.
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  ne vois que par un seul endroit sur mon corps comme le soleil n'est qu'à 
  un seul endroit dans le ciel, mais sa lumière éclaire le monde. 
  
  Tu ne vois que par un seul endroit sur ton corps comme si tu ne pouvais toucher 
  que par tes mains et que la nuit était seulement au bout de tes doigts, 
  comme le jour est au bout de tes yeux. 
Si nous pouvons toucher par tout notre corps c'est parce que 
  nous ne pouvons pas toucher avec les autres mains comme nous voyons avec les 
  autres yeux. Nous pouvons tous voir à la fois le soleil au même 
  endroit mais nous ne pourrions pas toucher à la fois la terre au même 
  endroit. 
  Les mains de votre corps touchable ne sont pas toutes les autres mains mais 
  toute la peau qui recouvre votre propre corps. Comme les yeux de mon corps visible 
  ne sont pas que mes yeux qui s'ouvrent sous mon front mais tous les autres yeux 
  qui s'ouvrent et se sont ouverts sur le monde. 
  Si tu ne voyais pas avec les autres yeux tu verrais par tout ton corps; tous 
  les yeux fendraient ton corps entièrement. 
 es 
  hommes sont dans le noir et ils voient le soleil par deux petits trous sous 
  leur front. Si leur corps tout entier touche, leur corps tout entier ne voit 
  pas.
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  hommes sont dans le noir et ils voient le soleil par deux petits trous sous 
  leur front. Si leur corps tout entier touche, leur corps tout entier ne voit 
  pas. 
  Les femmes ne voient pas comme elles touchent, elles voient seulement par leurs 
  yeux, par le feu dans le ciel. Les femmes touchent avec leur corps tout entier, 
  avec la terre toute entière. 
  Si vous pouvez toucher par tout votre corps et que vous voyez seulement par 
  un seul endroit de votre corps c'est parce que vous êtes tout entier dans 
  la nuit avec seulement deux petits jours qui brillent dans cette nuit. Si vous 
  pouviez seulement toucher par un seul endroit de votre corps et voir par tout 
  votre corps vous ne verriez pas car c'est que vous seriez tout entier dans le 
  jour avec seulement deux petites nuits au milieu de ce jour. 
  Nous voyons par deux petites fentes sous notre front parce que nous sommes tout 
  entier dans la nuit, enfouis dans le noir le plus total. Si nous pouvions seulement 
  toucher par nos mains et voir par tout notre corps, le ciel empli de milliers 
  de soleils aurait ébloui notre nuit dans nos mains pour nous brûler 
  tout entier. 
  La lumière ne surgit que de l'obscurité. Une infime étincelle 
  dans une nuit infinie suffit à lever le jour. Dans la lumière 
  la lumière n'éclaire pas. Dans la nuit seulement le soleil brille, 
  le feu n'est plus du feu, il est de la lumière. 
 uand 
  un homme meurt il vous laisse ce qu'il voit du monde. Tous les hommes qui sont 
  morts vous ont laissé ce qu'ils voyaient du monde. Quand vous arrivez 
  sur terre vos yeux sont pleins de tout ce que tous les hommes et toutes les 
  femmes ont vu depuis l'arrivée de l'homme et de la femme.
uand 
  un homme meurt il vous laisse ce qu'il voit du monde. Tous les hommes qui sont 
  morts vous ont laissé ce qu'ils voyaient du monde. Quand vous arrivez 
  sur terre vos yeux sont pleins de tout ce que tous les hommes et toutes les 
  femmes ont vu depuis l'arrivée de l'homme et de la femme. 
  Si vous ne connaissez pas les hommes et les femmes et les enfants qui vous entourent 
  sur la terre c'est parce que vous ne voyez pas ce qu'ils voient. Si vous voyiez 
  ce qu'ils voient, si chacun voyait ce que l'autre voit, si tous vous voyiez 
  ce que tous voient vous vous connaîtriez tous sans jamais vous être 
  vus. Vous ne connaissez pas les autres parce qu'ils voient ce que vous ne voyez 
  pas, parce que vous voyez ce qu'ils ne voient pas. Vous ne vous connaissez pas 
  parce que vous ne vous voyez pas vous-mêmes tout entier, vous ne voyez 
  pas vous-mêmes vos propres yeux. 
  Connaître les autres c'est voir comme eux, c'est apprendre à voir 
  ce qu'ils voient, c'est apprendre à voir ses propres yeux. C'est apprendre 
  à se voir soi-même tout entier. 
 i 
  nous connaissons encore moins les animaux que les hommes c'est parce que nous 
  ne pourrons jamais voir ce qu'ils voient, car ce n'est pas que les animaux ne 
  voient pas ce que nous voyons d'eux-mêmes ou qu'eux-mêmes voient 
  ce que nous ne voyons pas de nous-mêmes mais bien plutôt que nous 
  voyons un visible intouchable pour les animaux et que les animaux voient un 
  touchable invisible pour nous-mêmes.
i 
  nous connaissons encore moins les animaux que les hommes c'est parce que nous 
  ne pourrons jamais voir ce qu'ils voient, car ce n'est pas que les animaux ne 
  voient pas ce que nous voyons d'eux-mêmes ou qu'eux-mêmes voient 
  ce que nous ne voyons pas de nous-mêmes mais bien plutôt que nous 
  voyons un visible intouchable pour les animaux et que les animaux voient un 
  touchable invisible pour nous-mêmes. 
  Les animaux ne voient pas la lumière du soleil, ils sentent seulement 
  son feu les chauffer. Si les animaux ne voient pas ce que nous voyons, si nous 
  avons inventé un visible qu'ils ne pourront jamais saisir et qui nous 
  sépare à jamais, les hommes et les femmes qui voient ce que nous 
  ne voyons pas et qui ne voient pas ce que nous voyons ne font pas de nous un 
  animal parmi les autres hommes et femmes ni eux-mêmes des animaux pour 
  nous-mêmes mais un homme parmi les hommes, une femme parmi les femmes, 
  des hommes pour la femme, des femmes pour l'homme, car si notre visible nous 
  sépare des animaux il ne nous sépare pas des hommes; notre visible 
  c'est une partie du monde que les femmes ne voient pas, leur visible c'est une 
  partie du monde que nous ne voyons pas et que nous voyons pour elles et qu'elles 
  voient pour nous. Notre visible c'est ce qui nous rapproche les uns des autres. 
 i 
  vous ne connaissez pas les hommes qui vous entourent sur la terre c'est parce 
  que vous ne voyez pas ce qu'ils voient et qu'ils ne voient pas ce que vous voyez. 
  Mais s'il suffit de les voir pour les reconnaître c'est que vous voyez 
  ce qu'ils voient dans leurs yeux.
i 
  vous ne connaissez pas les hommes qui vous entourent sur la terre c'est parce 
  que vous ne voyez pas ce qu'ils voient et qu'ils ne voient pas ce que vous voyez. 
  Mais s'il suffit de les voir pour les reconnaître c'est que vous voyez 
  ce qu'ils voient dans leurs yeux. 
  Si les autres hommes voyaient ce que vous voyez et si vous voyiez ce qu'ils 
  voient vous les reconnaîtriez instantanément comme si vous les 
  aviez déjà vus et que vous aviez déjà vu ce qu'ils 
  voient. 
  Si tous les hommes voyaient ce que chaque femme voit, tous les hommes auraient 
  vu toutes les femmes qu'ils n'ont jamais rencontrées. 
  Si nous sommes tous reconnaissables à la vue de nos yeux c'est parce 
  que nos yeux reflètent à travers eux le monde qu'ils voient et 
  que chacun nous voyons du monde ce que l'autre ne voit pas. 
  Si je porte mon identité dans mes yeux c'est parce que je porte en eux 
  le monde qu'ils voient, et que le monde qu'ils voient n'a jamais été 
  vu par d'autres yeux. 
 ous 
  voyez chacun ce que les autres ne voient pas, c'est ainsi que vos yeux sont 
  ce qui vous montre aux autres et vous rend reconnaissable à leurs yeux. 
  Avec vos yeux vous n'êtes plus inconnus des autres, car vos yeux voient 
  un monde que les autres n'ont jamais vu et qui fait l différence avec 
  eux. Vos yeux s'ouvrent pour vous dévoiler à leurs yeux.
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  voyez chacun ce que les autres ne voient pas, c'est ainsi que vos yeux sont 
  ce qui vous montre aux autres et vous rend reconnaissable à leurs yeux. 
  Avec vos yeux vous n'êtes plus inconnus des autres, car vos yeux voient 
  un monde que les autres n'ont jamais vu et qui fait l différence avec 
  eux. Vos yeux s'ouvrent pour vous dévoiler à leurs yeux. 
  Nous n'avons pas de patrie. Nous sommes du monde que nous voyons et que personne 
  n'a jamais vu. Nous voyons chacun une partie différente du monde qui, 
  à nous tous, rend le monde tout entier visible. Nous n'avons pas de patrie, 
  nous sommes du pays que nous voyons car les vraies frontières sont délimitées 
  par ce que nos yeux voient. Nous sommes d'un pays inconnu des autres que les 
  autres reconnaissent seulement à la vue de nos yeux. Comme si nos yeux 
  émettaient une lumière si différente de voir ce qu'ils 
  voient que nous ne pouvions pas rester inconnu une fois nos yeux vus. 
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  qui vous différencie les uns des autres ce n'est pas la couleur de votre 
  peau comme chez les animaux, c'est la couleur du monde que vous voyez et qui 
  colore vos yeux d'un regard différent pour chacun de vous.
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  qui vous différencie les uns des autres ce n'est pas la couleur de votre 
  peau comme chez les animaux, c'est la couleur du monde que vous voyez et qui 
  colore vos yeux d'un regard différent pour chacun de vous. 
  Si tu n'es reconnaissable que par un seul endroit de ton corps c'est parce que 
  tu ne vois que par cet endroit sur ton corps. 
  L'homme ou la femme que tu ne peux pas toucher est beaucoup plus reconnaissable 
  visuellement que l'homme ou la femme qui est proche de toi et que tu peux atteindre. 
  Si tu es reconnaissable par tout ton corps aux hommes et aux femmes qui te sont 
  proches c'est parce que tu touches par tout ton corps les hommes ou les femmes 
  qui te sont proches. Si vous vous aimiez entre vous, vous pourriez vous reconnaître 
  à n'importe quelle partie de votre corps. 
  Si les hommes sont plus reconnaissables à leurs yeux qu'à leurs 
  mains c'est parce qu'ils sont plus vus que touchés, plus visibles que 
  touchables. 
  Si les femmes étaient plus touchables que visibles elles seraient plus 
  reconnaissables à leurs mains ou à leurs pieds ou à toutes 
  autres parties de leur corps qu'à leurs yeux; comme si leurs yeux par 
  où nous les reconnaissons portaient en eux un corps qui, quand il rencontrait 
  d'autres yeux, s'enlaçait avec l'autre corps qui s'échappait de 
  ces autres yeux. Comme si les yeux ne se voyaient pas mais se touchaient pour 
  se reconnaître. Comme si les yeux s'accouplaient pour se rendre reconnaissables 
  entre eux et faire naître la vue. 
  Si vous étiez du monde que vous touchez des mains et des pieds vous seriez 
  aveugles et vous seriez tous du même monde. Vous seriez chacun avec la 
  même nuit sous vos mains et sous vos pieds car il n'y a pas une infinité 
  de nuits comme il y a une infinité de jours. Il y a une nuit infinie 
  qui vous recouvre tous et qui vous fait touchables par tout votre corps. Une 
  nuit infinie qui vous recouvre tous sans vous séparer les uns des autres 
  et qui ne vous fait plus chacun vous-mêmes mais qui vous rassemble tous 
  en une seule et même masse de vie aveugle. 
 e 
  ne peux pas être de ce monde là devant moi et au-dessous de moi, 
  je ne suis pas né à cet endroit où mon corps s'est allongé 
  et où mes pieds se sont posés et ont touché le sol pour 
  la première fois. Je suis né là où mon corps s'est 
  levé dans le jour pour voir le soleil, le soleil que je vois de partout 
  sur la terre.
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  ne peux pas être de ce monde là devant moi et au-dessous de moi, 
  je ne suis pas né à cet endroit où mon corps s'est allongé 
  et où mes pieds se sont posés et ont touché le sol pour 
  la première fois. Je suis né là où mon corps s'est 
  levé dans le jour pour voir le soleil, le soleil que je vois de partout 
  sur la terre. 
  Si les animaux existent là où ils sont nés c'est parce 
  qu'ils n'existent pas visibles. Ils n'existent que touchables parce qu'ils n'ont 
  pas pour eux le soleil et sa lumière mais la terre, l'eau et l'air. 
  Nommer le lieu de ta naissance c'est nommer l'animal que tu es encore et non 
  l'humain que tu serais dejà. Tu n'es pas né là où 
  tu le dis, là où on te l'a dit, tu es né là où 
  la lumière t'a éclairé pour la première fois; peut-être 
  à tout autre endroit de ta naissance, peut-être il n'y a que quelques 
  heures dans les yeux que tu viens de croiser devant toi. 
  La naissance des hommes n'a pas de lieu sur la terre ni de date dans le temps. 
  Elle peut avoir lieu dans l'espace à des années-lumière 
  du soleil qui éclaire le monde. 
 i 
  l'on nous reconnaît à la vue de nos yeux c'est parce que nos yeux 
  se sont habillés d'une couleur différente pour chacun de nous, 
  et inconnu jusqu'alors, pour pouvoir nous rendre visibles.
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  l'on nous reconnaît à la vue de nos yeux c'est parce que nos yeux 
  se sont habillés d'une couleur différente pour chacun de nous, 
  et inconnu jusqu'alors, pour pouvoir nous rendre visibles. 
  Mes yeux se sont colorés d'une couleur unique pour que je puisse moi-même 
  exister. 
  Il suffit que l'on te regarde une fois dans les yeux pour que l'on te reconnaisse 
  ensuite instantanément comme si quand on avait vu tes yeux on reconnaissait 
  ton corps, et que la vision de tes yeux avait une fois pour toutes éclairé 
  ton corps d'une lumière si différente que tu ne pouvais plus être 
  confondu avec aucun autre être vivant sur la terre. 
 ous 
  sommes tous d'une planète inconnue.
ous 
  sommes tous d'une planète inconnue.