SUJET: L'ANTISPÉCISME REND SOURD (suite)



de Ludovic Bablon
20 Jan 2006 15:11:36

> "Rousseau, comme Epicure, attire notre attention sur le fait que l’homme est le plus inapte à l’existence des animaux."

Je n'accorde pas que ce soit factuel. Ni Rousseau, ni Epicure, ne bénéficient de sources sérieuses pour étudier l'animal, la diversité des espèces et la possibilité de tenter de les comprendre "de l'intérieur" sans anthropomorphisme ni idéologie religieuse. Ils n'ont ni sociologie ni psychologie constructiviste ; bref, ils n'ont pas l'outillage nécessaire pour penser un homme inséré dans la nature. Je ne fais pas de l'irrévérence par plaisir, les pensées ne peuvent tout simplement pas aller plus vite qu'elles-mêmes.
Cette idée que l'homme serait le plus inapte, me semble un postulat idéologique indémontrable et non pas appuyé sur une lecture sérieuse d'un recueil sérieux des données ; Epicure grec voit dans le présent une décadence par rapport à l'âge des dieux et des premiers hommes ; Rousseau protestant a dans son univers mental un Dieu créateur stigmatisant l'homme et la femme couverts de pêchés.
D'un point de vue néo-darwinien, l'homme est très apte, et ça nous évite un paradoxe injustifiable ; son habileté est immense grâce au pouce opposable et au gros cerveau à cortex, sa capacité de survie est immense à cause du partage social des connaissances et de l'accumulation cognitive qui dit que ceci est bon ou mauvais à manger, cela peut guérir ou tuer, ceci peut faire un récipient ou une arme, etc. La reconstitution par Derek Denton de l'anthropisation fait par exemple le portrait d'un hominidé charognard : il n'a pas de risques à prendre, il localise les charognes par les signes associés (les vautours) qu'il voit de très loin grace à son regard perçant, il consomme une alimentation très nourrissante, maîtrisant le feu il se préserve des maladies de la chair en putréfaction, enfin il s'arme en associant un galet taillé à un morceau de bois pour en faire un outil destructeur préventif. De très loin aussi viennent les habitations (je crois que l'installation de cabanes retrouvées vers Nice date de -700 000 ans' à un moment tardif de l'anthropisation donc) qui le protègent, les vêtements qui le coupent du froid, etc.
Ainsi cet animal qui viendrait d'Afrique de l'Est (mais la version standard a reçu récemment de gros coups par les données, on a retrouvé des choses troublantes en Afrique de l'ouest), dans son environnement d'origine n'était pas moins apte que les autres animaux, et une fois anthropisé s'est même trouvé apte à conquérir les milieux les plus diversifiés, et ce sans le secours de mutations génétiques le rendant physiquement apte, uniquement par le jeu de mutations psychologiques/culturelles.
La philosophie ancienne n'est pas bonne conseillère pour penser tout cela.

> Sans doute sommes-nous animalement déterminés, mais avec de telles possibilités de dérivation de ces déterminismes que nous parvenons à être réellement créatifs et pas simplement des automates régis par l’instinct."

Où l'on retrouve la vieille pensée cartésienne puis béhaviouriste des animaux-machines, mais c'est obsolète, nous avons réellement des faisceaux d'observations et de théories qui nous permettent une approche plus subtile et moins idéologique (moins marquée par notre déni orgueilleux, la 4è ou 5è humiliation de l'homme dans son acquisition de connaissances ?).
L'éthologie montre que TOUT le comportement animal n'est pas réductible aux seuls déterminismes instinctifs ; ce reste est intéressant.

> C’est simplement la racine de notre liberté. Vouloir la nier pour une osmose grégaire avec la nature ou ses proches, par confort moral, c’est simplement renoncer à soi. Voilà, j’oppose moins l’homme à l’animal que ce soi là."

Je précise que les approches préhistoriques ou éthologiques ne conduisent de toute façon pas à faire à l'homme ce que le spécisme humain fait aux animaux : il ne dénie pas ses spécificités. Ainsi de tous les animaux sociaux l'homme est DE TRES LOIN le plus cognitif (étonnant non ?), celui qui a les plus grandes capacités d'apprentissage par essai-erreur, de stockage et d'enracinement de ce qu'il acquiert, et surtout de TRANSMISSION de l'acquis ; l'observation des grands primates a montré un nombre important de cas de transmission culturelle et acquisitive mais c'est surtout par imitation, le fait de passer par un langage très riche et très modulable qui donne aux objets et aux actions des noms "universellement" utilisables (une instrumentalisation du monde par le langage) est quelque chose que seul l'homme possède à ce point, et qui lui a d'ailleurs fait franchir un seuil.
Sinon, la conscience de la mort ou du moins un certain rapport au cadavre de l'enfant, du parent, du pair, n'est pas absente du règne animal ; mais là encore, sans capacités cognitives pour le traiter comme nous le faisons.

A part ça on peut éclairer certaines choses en évoquant les enfants sauvages étudiés par Malson. Ceux trouvés dans l'Aveyron ou en Inde ne parlaient pas ; ne riaient pas ; ne transmettaient pas de connaissances, etc. Leur génotype et leur apparence sont humaines, mais sans l'éducation, sans l'écosystème anthropisé (ex, une ville, un village), sans le stimulant environnement de culture qui nous rend hommes, nous ne sommes rien. Ceci pour être sûr qu'il est impossible, concernant l'humain, de verser dans l'essentialisme : ces enfants-là grognent, ne dorment pas du tout comme dort un humain (ils dorment par fractions irrégulières, non par blocs de 6-10 heures), et ne présentent aucune trace de conscience de la mort. Donc rendons au passage à l'immensité de l'histoire ce qui lui appartient : sans iintériorisation de la généalogie culturelle indécoupable qui nous conduit des charognards d'Afrique de l'est aux petits nids douillets de nos pièces européennes actuelles où nous nous angoissons sur la mort, nous ne contiendrions aucune humanité en nous. Les spécificités humaines ne sont pas données d'un coup ni développées sui generis, mais acquises, entièrement acquises.



de Ludovic Bablon
20 Jan 2006 15:15:20

> Anthropologiquement, l'homme est croyant, en Dieux ou des divinités, ou en la santé, au progrès ou à la science. Attendons le surhomme qui n'aura plus de Dieu, il se possédera lui-même comme tel. Quant à cet être mou dont tu me parles, sans dogme, ni culte, ni fidèle, imperméable au mystère et sans curiosité, j'espère ne jamais le rencontrer.

Mais le le diabolique céphalopode fourbe que tu décris là mon ami ! Brun, désuni et invisible comme la raie publique !


de L.L. de Mars
20 Jan 2006 15:17:43

>http://www.dauphinlibre.be/langage.htm#1.%20LA%20FONCTION%20DU%20LANGAGE%A0
Qu'est-ce qui te gène là dedans'

coincés dans une conception instrumentalisante du discours (communicationnelle, isolante et discontinue dans ses objets), les chercheurs auxquels tu te réfères sont également, et pour les mêmes raisons, coincés dans un conception machinique de la pensée (parallèle utilisé ici , ce qui me plonge toujours dans une perplexité historique complète: le processeur). Dans le même ordre d'idée, il faudrait écarter de l'activité humaine tout ce qui échappe à la raison raisonnante pour définir l'homme (donc, quasiment tout ce qui ressortit au champ de l'art et des sciences humaines). De quoi serions-nous en train de parler?

L'aveu d'une absence du Je du discours ne semble pas perturber les comparaisons, quand c'est par son activité transformante du sujet, pour employer une terminologie Savangienne, que peut être compris le langage humain.
Ce qui me gène, c'est que pour rendre possible ces comparaisons, il faut faire un bond considérable en arrière dans notre définition du langage.


de Ludovic Bablon
20 Jan 2006 15:23:41


> Tout est métaphysique là dedans : le vocabulaire, les dogmes. Tout y est.

:-) !!!
une de mes orientations à long terme, j'avais appelé ça chercher une "mystique du monde". Il s'agirait d'écrire un bouquin sans faire jamais appel à aucune finalité/intentionnalité ; j'étais censé, pour y arriver, passer par une déconstruction à rebours du sujet (partir de l'adulte, passer par l'enfant puis par l'animal avant de débouler comme un maniaque dans le monde matériel, mais pas celui tout sec de l'imagination des spiritualistes, celui tout plein de potentialités des matérialistes anarchistes !)
C'est orienté anti-religieux et anti-humaniste (ni Dieu ni homme, vive la matière aux mille virtualités!).
Je suppose donc qu'en effet ce n'est pas clair mais qu'en y réfléchissant ça pourrait le devenir.



de Archiloque
20 Jan 2006 15:48:32

> L'aveu d'une absence du Je du discours ne semble pas perturber les comparaisons, quand c'est par son activité transformante du sujet, pour employer une terminologie Savangienne, que peut être compris le langage humain.Ce qui me gène, c'est que pour rendre possible ces comparaisons, il faut faire un bond considérable en arrière dans notre définition du langage.

une remarque supplémentaire sur le texte : se permettre de citer une lettre (probablement d'une sommité dans la delphinologie) disant "Le théorème de Gödell, précise Jim Nollman, stipule qu'un traiteur de données (processor) ne peut jamais prendre en compte les capacités d'un autre traiteur de données plusimportant que lui " c'est pour moi du n'importe quoi : Gödel se plaçait dans le cadre de systémes axiomatiques et parlait de cohérence des axiomes (donc des choses extrèmement précises du point de vue formel) soit rien qui ait à voir avec des "processors" "capacités" ou des "prises en compte" et rien qui prouve quoi que ce soir sur Einstein et les enfants de 5 ans.

il prend un théorème mathématique très précis, le triture pour lui faire dire ce qui l'arragne et s'en sert comme d'un preuve pour appuyer ce qu'il veut dire : une belle escroquerie intellectuelle
(pub : http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2912107083)

par ailleurs j'aime beaucoup l'affirmation "cerveau de dauphin cinq fois plus gros => cinq fois plus intelligent", j'en parlais encore hier avec un élépahant qui tire des pointes de vitesse à 600h km/h

Laurent : si tu aimes ça tu devrais jeter un oeil à la prose des essayistes qui se piquent de linguistique et de réseau de neuronnes : ils parviennent à prouver des lois génarales sur le fonctionnement du cerveau à partir d'observations sur quelque chose qui est au départ une schématisation de son propre fonctionnement, soit un mélange de foutaises et de tautologies

A.



de bausson joachim
20 Jan 2006 16:10:39


>>RAF Tout est métaphysique là dedans : le vocabulaire, les dogmes. Tout y est.
> LB* :-) !!!

... déconstruction...
Joachim (en Puck sur un plateau télé ou en petit garçon à table. Ses parents crient)> supplique : Ludovic,
s'il te plaît,
arrime toi à quelques lectures afin qu'ici penser redevienne autre chose que polémiques braillardes. Je crois très sincérement que les gens auxquels ici tu t'opposes (Laurent, Raphaël) savent se mouvoir avec aisance et générosité dans les espaces depuis lesquels, toi, tu penses. Je ne crois pas que tu veuilles aujourd'hui rien entendre de ce qu'ils te répondent.Tu as toujours déjà des réponses, semblent-ils, prêtes à être martelées, quand bien même, peut-être, elles ne répondent en rien à ce qui vient de se dire. C'est vraiment ce que je lis. Peut-être qu'à avoir la générosité de bien vouloir partager quelques espaces communs, nous nous offririons de penser, c'est-à-dire, enfin, de produire ou construire. C'est pourquoi je te recommande chaleureusement la lecture de deux livres :
- LES MOTS ET LES CHOSES, de Michel Foucault
-LA GRAMMATOLOGIE, de Jacques Derrida ours scientifique répond toujours, et quel que soit l'époque (-ici, le 21ème siècle ne se trouve pas mieux loti que ceux d'Epicure ou de Paracelse-), d'un espace général de pensées, de conceptions du monde,de l'homme, de la nature,etc., qui en définissent les limites, les possibilités, les objets, l'extériorité... et, d'autre part, dans la Grammatologie, tu apprendras, en pouvant en prendre le temps, en quoi tes réponses sont si pleines de métaphysique, et, au passage, ce que veut dire, au juste, "déconstruction")
Cordialement,
Joachim


de Thierry Bouche
20 Jan 2006 16:25:46

> Mais peu importe les arguments réthoriques ou historiques.

oui, foin de tout cela :

> Anthropologiquement, l'homme est croyant,

foutaises !


de Thierry Bouche
20 Jan 2006 16:27:07

Ah, j'avais pas fini cette édifiante lecture !

> Quant à cet être mou dont tu me parles, sans dogme, ni culte, ni fidèle, imperméable au mystère et sans curiosité, j'espère ne jamais le rencontrer.

curé !

> j'espère ne jamais le rencontrer.

raté !



de Thierry Bouche
20 Jan 2006 16:45:34

> Je n'ai aucune raison de nier que nous avons un corps avec ses fonctions animales.

bon, c'est déjà ça.

>> Mais si je ne refuse pas notre animalité, je dis que ce n'est pas suffisant. une... âme '
> Philosophiquement, je pourrais dire que du point de vue de l'intelligence l'homme est le plus intelligent des animaux,

philosophiquement ??

> L'intelligence est surtout une capacité d'invention, une souplesse, une habileté.

et, plus bas :

> Son agilité est nulle et sa vulnérabilité immense. Il n'a aucune qualité propre. Ce qu'il fait, c'est imiter. Il emprunte, combine, ruse.

je lis une certaine contradiction dans ce propos.

> Je vis chaque instant dans une solitude extrême, dans la décision et la responsabilité, dans l'angoisse de ma perte et de celle du monde, avec la mort dans chacune de mes veines.

tu as donc une existence assez sinistre. Oui à la responsabilité, à la conscience de la séparation et de la mort. Mais pourquoi l'angoisse ' C'est tout à fait inutile, l'angoisse !

> C'est simplement la racine de notre liberté. Vouloir la nier pour une osmose grégaire avec la nature ou ses proches, par confort moral, c'est simplement renoncer à soi.

non, non, c'est renoncer à des siècles de tentative de contrôle mental.

Thierry



de Philippe De Jonckheere
20 Jan 2006 17:42:34

> "Je voudrais ici remercier les personnes patientes de la liste du Terrier qui ont pendant des semaines et des mois pris sur le temps, toutes affaires cessantes, pour porter contradiction à mon propos ou l'enrichir, forts que ces colistiers étaient de connaissances acquises après maintes lectures, tandis que je n'en étais qu'à l'ébauche de l'esquisse de mon livre. Ce merveilleux travail d'équipe m'aura permis de donner le sentiment de dominer parfaitement les enjeux philosophiques voisins de mon livre, tout en ne perdant pas une seule seconde moi-même à lire les livres sur lesquels, mon propos, finalement, s'appuie".

Et, c'est dit sans malice, si cela te permet d'écrire d'autant plus, tant mieux, je dis cela parce que j'aime ce que tu écris.
Mais tout de même sais-tu qu'entre trente et quarante messages par jour pour une seule liste de discussion c'est absolument énorme, je lis (presque) tout, il m'arrive de trouver à redire, mais de ne pas toujours avoir le temps de participer aux quatre ou cinq fils de discussion que tu as initiés, et donc dans cette avalanche, je ne trouve pas beaucoup le temps de répondre à ceux qui ont porté des contradictions éclairantes à ma dernière participation au débat, tout cela parce que cela va beaucoup trop vite pour moi. Ou alors, je m'y mets vraiment mais alors c'est certain il va falloir que j'abandonne tout projet personnel (j'essaye d'écrire un roman __ je te dirais bien de faire comme moi, c'est-à-dire, pour alléger le travail de documentation, j'écris à propos d'un épisode de ma vie, qui plus est à un moment où je prenais beaucoup de photos) pour me consacrer entièrement au tien.
Bref, pour parler court, parce que je suis conscient que nous avons tous beaucoup de lecture dans notre mail en ce moment, c'est impossible de te suivre. Et tu devrais essayer d'en prendre conscience. Ma limite est atteinte et en lisant entre les lignes des dernières interventions il semble que la limite d'autres colistiers soit également atteinte.
Je t'assure que ceci est dit sans aucune arrière-pensée, mais j'ai acquis la certitude que tu ne te rendais pas compte.
Amicalement
Phil



de Ludovic Bablon
20 Jan 2006 18:34:53

> Et, c'est dit sans malice, si cela te permet d'écrire d'autant plus, tant mieux, je dis cela parce que j'aime ce que tu écris.

Ah, la bienveillance c'est crucial, je suis bien d'accord !

> Mais tout de même sais-tu qu'entre trente et quarante messages par jour pour une seule liste de discussion c'est absolument énorme [... ]je te dirais bien de faire comme moi, c'est-à-dire, pour alléger le travail de documentation, j'écris à propos d'un épisode de ma vie, qui plus est à un moment où je prenais beaucoup de photos) pour me consacrer entièrement au tien.

ça fait plusieurs fois qu'on signale ce surcroît d'activité, d'une manière péjorative. Je me suis agrégé en cours de route à cette liste, y voyant des gens de tous horizons et de tous points de vue aux posts très éclairants. Diable comme j'ai été ravi ! J'avais déjà fréquenté des listes et des lieux de discussion mais jamais d'un tel niveau. Je trouve deux intérêts à participer selon mes besoins et mes envies : d'une, en effet, j'y trouve l'occasion de soumettre mes apprentissages au contrôle collectif pluriel (et ce n'est pas vrai que je refuse de lire, j'ai mis Untersteiner dans ma liste et accepté la proposition de joachim de retourner à Bataille voir de plus près) ; de deux, je peux alimenter les connaissances des autres grâce aux miennes, voici dix ans que je suis écrivain-lecteur à plein temps, je crois savoir que je peux servir aux autres et après des années d'isolement, l'idée de partager avec des gens à la hauteur, me réjouit.

>Bref, pour parler court, parce que je suis conscient que nous avons tous beaucoup de lecture dans notre mail en ce moment, c'est impossible de te suivre. Et tu devrais essayer d'en prendre conscience. Ma limite est atteinte et en lisant entre les lignes des dernières interventions il semble que la limite d'autres colistiers soit également atteinte.
Je t'assure que ceci est dit sans aucune arrière-pensée, mais j'ai acquis la certitude que tu ne te rendais pas compte.

Je vois... qu'on a pu trouver que je perturbais ; je me dis... aussi qu'à lire le texte inaugural de la liste, qui définit ses limites et ses enjeux ainsi que ses modes de participation, je ne me sens pas hors-sujet. Si les messages prolifèrent, n'est-ce pas plutôt bon signe ? Si la liste réunissait mille personnes plutôt que cent, évidemment qu'on ne pourrait pas tout suivre ; on devrait choisir ; mais la fertilité n'en serait qu'accrue, car tout n'est pas pertinent pour chacun à tout moment, je suppose qu'il existe déjà de la part des listiers des stratégies de lecture partielle consistant à lire certains fils et à passer les autres.
Il est possible... que les choses "s'aggravent" encore, j'ai décrit la liste et ce qui s'y passait à quelques intellectuels et artistes de ma connaissance, qui s'y sont inscrits. S'ils interviennent, la prolifération n'en sera qu'accrue (de même que la stimulante audibilité de tous) ; si c'est un mal, il faudra aviser - diviser la liste en thèmes' Fonder une autre liste qui serait par principe ouverte à toutes les proliférations (à ceux qui ont de gros gros disques durs!)' Ce n'est pas à moi de régler ce problème si c'en est un, simplement je crois que mes interventions (trop') nombreuses et fréquentes (ça me passionne, je ne peux pas me limiter...) sont celles d'un participant actif et que cette attitude n'était pas explicitement proscrite, plutôt demandée même, dans la charte.
Dans certaines conversations où je n'avais rien de plus intéressant à dire que ce que les autres disaient (sur l'éducation par exemple, où je ne m'y connais pas) j'ai été un auditeur passif et néanmoins attentif.
Voilà? J'ai répondu?
Je ne voudrais certes pas t'empêcher de travailler ! Je ne t'oblige pas à lire mes contribs ni celle des gens qui prennent le temps d'y répondre ! C'est ton problème et pas le mien si tu n'arrives pas à discipliner et stratégiser ta lecture !
Amicalement aussi,
Ludovic


de Ludovic Bablon
20 Jan 2006 20:23:44


>C'est pourquoi je te recommande chaleureusement la lecture de deux livres :
- LES MOTS ET LES CHOSES, de Michel Foucault
-LA GRAMMATOLOGIE, de Jacques Derrida

Joachim, crois bien que jamais il ne me viendrait à l'idée d'être hostile à quelqu'un qui utilise ses jambes autant que toi ; maintenant, pourquoi avec tes mains venir me fredonner les louanges d'une chanteuse populaires telle que Jacques Dalida?
J'ai essayé d'écouter un de ses albums, ça m'est tombé du conduit auriculaire comme un vieux coton-tige.
Ils sont peut-être excessivement puissants ces gens qui, comme Dalida, Pierce, Deleuze (dans une moindre mesure, suivant les livres), Husserl, Heidegger, utilisent un langage qu'ils sont quasi seuls à chanter. Oh, c'est réellement excellent qu'ils se mettent à "parler les langues" et établir des prophétismes inédits en-dehors de toute audibilité ; seulement, l'effort minimum d'un cerveau désireux de parler à un autre cerveau, s'il s'agit réellement de faire des livres de ci et de ça et de les PUBLIER (rendre public, selon l'étymon), c'est de traduire son idiome en langue véhiculaire/vernaculaire. Qu'ils pensent abscons, très bien pour eux ; s'ils s'adressent à monsieur ou madame Quelconque par la voie du médium écrit, alors qu'ils se soumettent un peu au code et signent des phrases explicites et non pas des oracles en hiéroglyphique inuit.
C'est mon droit de lecteur d'aller vers les livres qui me parlent plutôt que vers ceux qui m'excluent ; je suis d'origine excessivement populaire, plus peuple que moi c'est impossible il n'y a que les vaches les moins intelligentes, et pour cette raison diaboliquement légitime, non merci, je n'écouterai jamais les chansons de Dalida, à moins que quelqu'un d'honnête les réécrive de sorte que je sente qu'à mon prochain et moi on s'adresse réellement.
J'ai voulu lire René Char, pensant qu'il y avait des poèmes ; ma foi, j'ai vu des bouts de trucs accolés aux autres les uns du bon sens en dépit de !
Foucault, c'est tout autre chose, il se fait comprendre et bien ; stylistiquement, je préfère un Michel de certeau, là c'est non seulement de l'écrit, c'est du splendide, et avec toutes les qualités intellectuelles requises.
Inversement, en Histoire, c'est vrai que le Goff écrit comme une vache, alors que Duby se fait comprendre au sens pédagogique du terme : il transmet aussi la beauté de son objet d'étude.
En règle générale, si les messages ne sont pas pensés de telle sorte qu'ils incluent un destinataire qui ne soit pas un aristocrate privilégié de la discipline, je veux bien m'y pencher ; mais si on me fait cette violence du jargon charabisant et du charabia jargonisant, je me détourne et vais vers qui a quelque chose à me dire - mon droit de lecteur, sur quoi tu n'as pas prise.
Il y a des limites au mépris, des langues et des lexiques compréhensibles on peut en parler tant qu'on veut.
Donc, je ne note pas la Grumeautillogie dans ma liste et je ne l'ajoute pas à ma pile. Dès le titre il veut m'impressionner ce sacré grand paon ! Je le lance en l'air et.... paon ! paon ! paon !
En fait comme les connaissances sont sans propriétaire ceux qui les fabriquent et les transmetent ne doivent pas demander un péage cognitif trop élevé sous peine de conduire à une diffusion très très inégalitaire de ladite connaissance.
Ce qui se pense clairement... s'écrit.



de Julien Pauthe
20 Jan 2006 21:43:36


Ecoute, si tu ne tiens à lire des livres qu'écrits en une langue que tu connais et comprends AVANT de les avoir lus... ça ne te laisse la possibilité d'accueillir que ce qui se publie depuis un usage pédagogique ou politique de la langue. Donc exit littérature, philosophie, poésie... et pensée.
Tu réclames des "limites au mépris", mais si tu ne vois pas les livres de Derrida ou de Lacan, pour prendre des exemples d'écriture et de pensée souvent jugés ardus, comme des objets généreux, je ne comprends pas très bien où tu places le mépris (en gros, Derrida pratique une écriture complexe juste pour se foutre de ta gueule? En fait, il n'a pas voué sa vie à tenter un voyage inédit au sein de la pensée occidentale, mais à disposer un piège pour les Ludovic Bablon à venir en riant d'avance de leurs migraines? Ça fait beaucoup pour peu, non?)
J.


PS. Quant à préférer un Duby confit d'une admiration d'enfant de chœur "devant son objet d'étude", pour reprendre tes termes, au point de s'interdire le moindre jugement de valeur, à la rigueur lumineuse d'un bouquin comme La Civilisation de l'Occident médiéval de Le Goff...


de Ludovic Bablon
Date: Fri, 20 Jan 2006 22:16:01

> Ecoute, si tu ne tiens à lire des livres qu'écrits en une langue que tu connais et comprends AVANT

relis ce que j'ai écrit, je ne me suis bien sûr pas détourné des philosophes incompréhensibilistes avant de les avoir appréhendés comme tels ! C'est parce que j'ai mis le nez dedans que j'en suis vite ressorti dégoûté.

>de les avoir lus... ça ne te laisse la possibilité d'accueillir que ce qui se publie depuis un usage pédagogique ou politique de la langue. Donc exit littérature, philosophie, poésie... et pensée.

Pas du tout, les bibliothèques sont remplies de livres géniaux et lisibles, lisibles de mille façons différentes d'ailleurs. La métapsychologie de Freud est pas vraiment du petit lait, pourtant il se fait comprendre. Le Tractatus, c'est des choses super difficiles à comprendre, exprimées dans un langage assez simple ; il y a simplement des mots-clés dont l'extension est difficile à saisir pour l'amateur éclairé. Bon on peut en citer 2000.

>Tu réclames des "limites au mépris", mais si tu ne vois pas les livres de Derrida ou de Lacan, pour prendre des exemples d'écriture et de pensée souvent jugés ardus, comme des objets généreux,

!!! sic !!! arides, désertiques, destinés aux happy fews de leurs Collèges oui ! pas pédagogiques pour un sou et stylistiquement anti-démocratiques ! Les aristocrates, à la lanterne.

>je ne comprends pas très bien où tu places le mépris (en gros, Derrida pratique une écriture complexe juste pour se foutre de ta gueule?

je suppose qu'il a ses raisons, qu'il existe ça ne me dérange pas, tant que ça n'est pas une obligation absolue (cf Joachim) de courber l'échine devant un mec qui se fout de la gueule DU LECTEUR, spécialement des intelligences d'origine populaire. Les petits pédants de jargonneux ! Et Tout se passe comme ci par là, et Tout se passe comme ça par li... On va pas jouer aux citations si' A qui trouvera la plus pénible, la plus tordue, la plus jargonnante, la plus asémantique, la plus incontrolablement pédantesque.

>En fait, il n'a pas voué sa vie à tenter un voyage inédit au sein de la pensée occidentale, mais à disposer un piège pour les Ludovic Bablon

Grave ! C'est l'insulte du moment... On s'amuse bien à dire mon prénom ludoéducatif assorti de son honni patronyme raglonicien d'époque babélonienne, j'ai pas demandé ça, ma pratique éditoriale a inlassablement demandé le contraire (les éditeurs ont dit c'est soit tu mets ton nom soit on publie pas... well...), quelqu'un y comprend quelque chose? Est-ce que je te traite dede Julien Pauthe moi? Jamais je ferais ça à personne. On s'est amusé un tout petit moment à ramener LL au défunt Chaplat, j'ai pas droit à cet honneur, il faut qu'on me rabâche mon camion de casseroles sans arrêt?

> PS. Quant à préférer un Duby confit d'une admiration d'enfant de chœur "devant son objet d'étude", pour reprendre tes termes, au point de s'interdire le moindre jugement de valeur, à la rigueur lumineuse d'un bouquin comme _La Civilisation de l'Occident médiéval_ de Le Goff...

j'ai parlé du style mon ami... du style... mon mail était clair, pourquoi me demandes-tu de le gloser' J'ai dit, ils peuvent être tous des penseurs bien puissants, s'ils écrivent à côté du stylo et de la feuille ça me sert à rien du tout, je vais pas les entendre chanter. Point. Mon avis ; pas besoin d'en débattre ; j'ai un droit inaliénable à faire des choix d'auteurs qui savent se mettre à portée plutôt qu'aux scribouillards de l'ardu et de l'abscons. Tu vois moi j'arrive à me faire comprendre et tu t'es exprimé de telle sorte que je t'ai compris aussi. Si on avait eu affaire à Lacan il nous aurait déjà fallu nous reporter 37 fois à six dictionnaires de langues anciennes et/oui extraterrestres, sans parler des renvois introuvables à la culture Mérou !
LUDOEDUCATIF, céphalopode, fourbe, anti-incompréhensibiliste, anti-état-civil et anti-vie privative, bonsoir à toutes mes amitiés.



de Julien Pauthe
20 Jan 2006 22:49:42


Pour préciser mon propos (et parer éventuellement aux objections de Ludovic que je pressens — hum, en fait le temps de rédiger ce mail et elles sont venues), ce que je reproche à Duby n'est pas d'écrire des livres depuis une position indéfendable, juste de donner beaucoup à l'admiration. Si c'est touchant dans certaines de ses études d'art médiéval, ça me gêne nettement plus lorsqu'il aborde les trois ordres du système sociétal féodal. Passons.
Ce qui par contre me révulse dans ton message, Ludovic, c'est cette injonction que tu fais aux penseurs et écrivains d'avoir à "traduire" leur langue pour t'être accessibles. Je me demande pour qui tu te prends, en fait...
Et je me demande aussi quelles figures tu te fais de l'usage de la langue (et ça recoupe ce qui se discutait de la confusion entre les langages animaliers et la langue humaine ; question d'usages plus que de structures neuronales, encore). Pour revenir sur son emploi pédagogique et/ou politique dont je parlais, je partirai d'une citation (pour changer) de Christian Prigent : "On ne fait pas écrivain si on est dans la langue comme un poisson dans l'eau, on fait pédagogue ou politique" (et Prigent fut aussi longtemps pédagogue, n'y voir aucun mépris, juste une différenciation). Comme nul ne sort de la langue, le travail de l'écrivain est la conquête d'une langue qui lui soit propre, au plus proche de l'effet que lui fait le monde. C'est conflictuel évidemment, et de manière inventive, jouissive : conflit permanent avec "le donné symbolique qu'est la langue de l'échange contractuel" (CP toujours). Mais c'est aussi la condition de survie de ce donné symbolique : que quelques uns y insufflent du non-communautaire, de la respiration, des expériences singulières, sinon ça tourne à l'académisation de la culture, à l'idéologie et à ce qui politiquement lui fait suite.
Que Derrida ne soit pas ta tasse de thé, tu sais personnellement je m'en fous pas mal. Mais que tu perçoives son travail comme animé d'une volonté malveillante, je ne saisi pas du tout. S'il avait vraiment voulu causer des migraines au bon peuple, tu ne crois pas qu'il se serait choisi une autre carrière?
Que Lacan parvienne à la prouesse d'avoir la syntaxe à la fois plus tordue que ses cigares et que celle de Mallarmé, ça ne dispense pas d'en imaginer les raisons (et entre autres qu'il entendait fuir la pédagogie qui arase toute parole aux toises universitaires ; et donner du fil à retorde à ses auditeurs, présents et futurs, les psychanalystes qu'il voyait un peu s'endormir à leur tour au ronron universitaire).
Pour finir il se trouve qu'aux époques où écrivirent Platon, Nietzsche, Flaubert, Derrida, etc. on ne manquait pas d'excellents pédagogues au style limpide et bien rangé. Il se trouve juste qu'on n'a pas mémoire ni de leur nom ni de leurs œuvres. Parce que ce qu'ils avaient à dire fut vite épuisé dans la parfaite compréhension bienveillante et sans conflit qu'ils appelaient de leurs vœux, de leur style, de leur désir.
Platon, Flaubert et Derrida, non. Ça nous tient encore.
J.
_______________________________________________

de Ludovic Bablon
20 Jan 2006 23:10:02

> Ce qui par contre me révulse dans ton message, Ludovic, c'est cette injonction que tu fais aux penseurs et écrivains d'avoir à "traduire" leur langue pour t'être accessibles.

raââ arrête ! écoute !!! relis !!! j'ai dit ça justement pas pour que tu rajoutes un pronom PERSONNEL ! c'est plutôt une question SOCIALE tu vois? C'est pas juste à moi qu'ils ne parlent pas, si c'était juste à moi j'en parlerais pas, tu ne crois pas ? Moi j'ai assez d'heures de lecture au compteur, les incompréhensibilistes je vois quand même de quoi ils parlent, le dégoût reste inchangé pour ce motif : Ils ne parlent pas à une grande quantité de gens. De là, on aura une inégalité criante dans le rapport au savoir, et une double-culture : les négligés vont aux séductions des usineurs de masse, et les privilégiés vont aux pédants hyper-intéressants et confidentiels pour cause de sur-chèreté cognitive - il faut s'acquitter d'un COUT en termes de TEMPS CONSACRE pour comprendre un gars qui ne fait pas l'effort de se mettre à portée ; c'est pourtant son boulot s'il PUBLIE. Aussi, les pédants créent (en masse, en s'adressant aux happy fews) des complexes d'infériorité qui alimentent l'anti-intellectualisme.

> Mais c'est aussi la condition de survie de ce donné symbolique : que quelques uns y insufflent du non-communautaire, de la respiration, des expériences singulières, sinon ça tourne à l'académisation de la culture, à l'idéologie et à ce qui politiquement lui fait suite.

Je suis pas d'accord en gros mais là je ne veux pas monopoliser la parole, je passe la main.
Juste : j'ai écrit un feuilleton en 2005, Kidnapping d'un junkie, qui est à la fois hyperlittéraire (abondante utilisation des codes et des figures) et hyperpopulaire dans ses thèmes et ses intentions ; ça produit une sorte d'illisibilité ludique, à cause d'une surenchère de verlanisation, arabisation du français, phôtes systématiques etc.
Je ne suis plus dans cet esprit : je vais faire plus lisible encore.

> Que Derrida ne soit pas ta tasse de thé, tu sais personnellement je m'en fous pas mal. Mais que tu perçoives son travail comme animé d'une volonté malveillante, je ne saisi pas du tout. S'il avait vraiment voulu causer des migraines au bon peuple, tu ne crois pas qu'il se serait choisi une autre carrière?

Au bon peuple, jusqu'à quel point veux-tu être plaisant, jusqu'où y adhères-tu? Je ne sais pas, je ne te connais pas assez.
Mais je crois qu'il y a égalité à peu près des intelligences, elles sont toutes éducables, pour peu qu'on veuille bien leur parler. ça implique de ne pas les exclure a priori en parlant une langue secrète. Je ne trouve pas les abscons malveillants, je ne dirais pas ça, je formulerais plutôt : ils sont indifférents à un souci pédagogique. Il faudrait voir au cas par cas, parfois c'est parce que l'auteur est d'un milieu élitiste, parfois c'est parce que c'est traditionnel dans sa discipline (faire de la philo allemande ce n'est jamais facile même pour un allemand :-) je plaisante), parfois c'est un manque de talent, parfois c'est une fermeture assez volontaire. Dans le cas de Deleuze c'est un corollaire de la très grande originalité de ses brassages, il emprunte à tellement de choses que son lecteur qui n'a pas le 100è de sa culture se retrouve perdu, et il ne perd pas de temps, Deleuze, à exposer (=déplier!) ses sources. Au passage ça prive les esprits de la possibilité d'examiner les pensées : il faut admettre, ânonner oui, faire Ja, ja, ou se reconnaitre imbécile... noeud gordien que je tranche au scalpel :-)

> Que Lacan parvienne à la prouesse d'avoir la syntaxe à la fois plus tordue que ses cigares et que celle de Mallarmé, ça ne dispense pas d'en imaginer les raisons (et entre autres qu'il entendait fuir la pédagogie qui arase toute parole aux toises universitaires

certains n'oublient pas de recouvrir les énoncés les plus simples des phraséologies les plus labyrinthiques, cest vrai. Langue de caste.

> Pour finir il se trouve qu'aux époques où écrivirent Platon, Nietzsche, Flaubert, Derrida,

tu vois les 3 premiers se font comprendre, d'après moi. Mais le 4è c'est pas le même genre.
etc. on ne manquait pas d'excellents pédagogues au style limpide et bien rangé. Il se trouve juste qu'on n'a pas mémoire ni de leur nom ni de leurs œuvres. Parce que ce qu'ils avaient à dire fut vite épuisé dans la parfaite compréhension bienveillante et sans conflit qu'ils appelaient de leurs vœux, de leur style, de leur désir.

> Platon, Flaubert et Derrida, non. Ça nous tient encore.

Sur Derrida faudra que je lise un bon vulgarisateur.
Bon, tu es plus aimable, je te remercie, je préfère, on peut discuter !
J'arrête là moi, je vais me calmer, j'ai presque réussi à me fatiguer...
++


de: bausson joachim
20 Jan 2006 23:24:43

Ludovic,
cette fois je m'étais décidé à ne pas répondre tout de suite, à réflechir aux formes à mettre et puis tout ça, mais là, je lis ta réponse à Julien, et je ne résiste pas. Je vais donc répondre à tout ça (mail privé y compris) :
1. Le consensus m'emmerde.
2. l'inuit, les hiéroglyphes, c'est moi, pas Derrida. (Là, tu m'aurais presque blessé)
3. Du fond de mon adolescence de bas-quartier, je te le sussure : IL N'Y A PAS D'INTELLIGENCE POPULAIRE (il n'y pas pire crachat à faire sur des gens que j'ai aimé, sur d'autres que j'aime encore, sur la plupart de mes amis, en fait, que de leur parler de leur "intelligence populaire", c'est-à-dire de leur répéter ce que des milliers de profs leur ont déjà incessament crié...). Le mépris me parait être de ce côté-là.Oui, vraiment... de ce côté-là.
4. Je n'ai jamais demandé à qui que ce soit de plier l'échine. J'aime Derrida, soit. Bataille, Deleuze, Blanchot, et même Lacan, soit. Je te proposais juste deux lectures qui t'aurais permis de parler AVEC Laurent, AVEC Raphaël, etc. Je ne te disais pas que tu avais tort , je te disais : à partager des espaces, on se comprends mieux, et surtout on va plus loin, les désaccord sont plus sérieux.
4bis. Je n'ai quasiment rien lu, voilà ! (oui, oui, c'est un aveu. Rien de plus. Rien de moins.)
5.De l'ant iintellectualisme, Barthes a dit de très belle chose.
et
6. Comme Laurent le sait (trop) et comme je l'écrivais à mots couverts à Philippe de Jonckheere il y a quelques jours : j'ai déjà une passion amoureuse. Elle a de beaux cheveux bouclés et une belle veste verte. Elle m'achète du Tony Duvert... Je m'y épuise régulièrement...
Je t'embrasse
Joachim


de Julien Pauthe
20 Jan 2006 23:36:47


Pour une respiration, un long (très long - je préviens, comme ça ce que ça ennuie d'avance peuvent d'or et déjà effacer ce message) extrait du Séminaire 1 de Lacan (à la syntaxe encore bien rangée, en 1953). Il y parle de la fonction créatrice de la parole, d'un langage des animaux et d'un rapport à la langue qui me semble assez bien illustrer ce qui se joue dans certains de nos derniers messages (des différences de la langue et de la communication, de la parole comme système autonome de la nature, etc.)
Bonne nuit.
J.
*****************************
« Alexander a fait un grand article, nous pourrons peut-être un jour en parler? qui s'appelle Logic of emotions (Logique des émotions). Il est certain qu'avec ça il est au cœur de la théorie analytique. Mais que le terme même, et tout le développement de l'article porte en soi-même, la même interrogation, qui est apportée par ce récent article, à savoir que c'est l'introduction dans ce que nous considérons habituellement comme le registre affectif, l'introduction pure et simple d'une dialectique ; et aussi bien d'ailleurs dans l'article d'Alexander, qui est en question, il ne s'agit de rien moins que de partir de là, le schéma logico-symbolique qui est bien connu, où Freud déduit les diverses formes de délires, les diverses façons de nier le je t'aime, c'est-à-dire ce n'est pas moi qui l'aime, ce n'est pas lui que j'aime, je ne l'aime pas, il me hait et même c'est lui qui m'aime ! Ce qui donne enfin la genèse parmi les autres formes de délires : jaloux, passionnel, persécutif, érotomaniaque, etc.
Il est certain que là nous voyons avec la plus grande évidence que c'est déjà dans une structuration non seulement symbolique, mais symbolique très élevée, puisqu'elle introduit déjà tous les développements de la forme la plus grammaticalement élaborée, que c'est uniquement dans ce registre que nous saisissons les différentes transformations, le métabolisme même de ce qui se produit dans l'ordre du préconscient. Il est certain que ce premier article a en effet l'intérêt d'être à contre-courant par rapport à toute une tendance théorique actuellement dans l'analyse. Le second me parait plus intéressant encore, pour autant qu'il essaie – et je souligne que Granoff a fait des remarques extrêmement intéressantes sur l'emploi, c'est la deuxième fois que je me réfère au mot emploi. Car, en fin de compte, qu'alIons-nous voir ici ?' Ce à quoi nous devons toujours penser pour construire une théorie correcte du symbole, c'est-à-dire ce dont il s'agit là, de la signification, la tendance, où le registre dans lequel une certaine pente de la pensée s'engage. Ce dont il s'agit exactement dans cet article, c'est de chercher à quel au-delà, à quelle réalité, à quel fait, comme on s'exprime dans cet article, se réfère la signification. Eh bien, vous ne comprendrez jamais rien à rien, vous vous engagerez toujours dans des voies en quelque sorte sans issue – ce qui se voit très bien, étant donné les impasses auxquelles arrive actuellement la théorie analytique – si vous ignorez que la signification ne renvoie jamais qu'à elle-même, c'est-à-dire à une autre signification. C'est pour cela que le terme emploi est très important. Nous partons là des exemples même de ce sur quoi nous sommes ; c'est comme cela que nous faisons d'habitude ; ce qui est arrivé ; et que nous ne pouvons interpréter correctement ces articles qu'en référant ce need à la façon dont il est employé dans un certain nombre de passages du texte. De même, le mot meaning a aussi un certain ensemble de références dans le contexte, ce qui permet de voir jusqu'à quel degré de... étymologique il est employé. Mais chaque fois que nous avons dans l'analyse du langage à chercher une signification, il n'y a pas d'autre méthode correcte que de faire la somme de ses emplois. Ou, si vous voulez, prendre dans la langue française la signification de main, par exemple, il faudra que vous fassiez le catalogue des emplois du mot main, et non seulement comme main, comme mot représentant l'organe de la main, mais aussi bien la main-d'œuvre, la mainmise, la mainmorte... C'est cela qui constitue l'ensemble des significations du mot main, ou plus exactement c'est cela qui constitue cette signification, la signification donnée par la somme de ces emplois. L'important est de s'apercevoir que c'est à cela que nous avons affaire dans l'analyse. Et que nous n'avons pas du tout besoin de nous exténuer à des références supplémentaires pour parler par exemple comme d'une réalité qui nous serait à expliquer des emplois dits métaphoriques. Toute espèce d'emploi, en un certain sens, l'est toujours. La métaphore, en ce sens, n'est pas quelque chose, comme le croit Jones, au début de son article sur la Théorie du symbolisme, qui est en quelque sorte à distinguer de l'usage du symbole. Que si je m'adresse à un être quelconque, créé ou incréé, du monde, en l'appelant soleil de mon cœur ; c'est tout à fait une erreur que de dire que pour l'appeler ainsi je suppose, comme le croit M. Jones au début de son article de la Théorie du symbolisme, une comparaison « Ce que tu es pour mon cœur et ce qu'est le soleil », etc. C'est tout à fait une erreur. La comparaison est un développement de ce quelque chose qui lui-même, au moment où il surgit, contient non seulement une somme de significations, mais une émergence à l'être d'un certain rapport qui est infiniment plus riche que tout ce que je peux à l'instant même élucider.
Cela implique tout ce qui peut même y venir, par la suite, et ce que je crois n'y avoir pas dit, d'abord, du fait de l'avoir formulé, c'est moi, mon être, mon aveu, mon invocation, qui entre dans ce domaine du symbole, et qui implique aussi bien que le fait que ce Soleil me réchauffe, me fait vivre ; et aussi est le centre de ma gravitation ; et aussi bien d'ailleurs tout ce que cela comporte de cette morne moitié d'ombre - dont parle M. Valéry - à savoir que ce Soleil est aussi ce qui vous aveugle, et ce qui donne à toutes choses cette sorte de fausse évidence, d'éclat trompeur ; on peut dire que le maximum de lumière est aussi la source de tout obscurcissement. Tout cela est impliqué déjà dans cette invocation symbolique, qui, littéralement, fait surgir dans les rapports entre les êtres humains un ordre d'être qui est littéralement créé par le surgissement du symbole lui-même. Vous me direz : « il y a tout de même des expressions irréductibles » ; et qu'au-delà nous pouvons essayer de réduire... au domaine factuel cette émission créatrice de l'appel symbolique dans cette occasion, et on pourrait en trouver des formules plus simples, plus rapprochées, plus organiques, plus animales. Faites-en vous-même l'essai, vous verrez que vous ne sortirez jamais du monde du symbole ; et, même, recourriez-vous à l'appel à l'indice organique, au mets ta main sur mon cœur que dit l'Infante à Léonor au début du Cid, pour lui exprimer, lui communiquer les sentiments d'amour qu'elle éprouve pour ce jeune cavalier... Il est évident que là encore l'indice même organique est invoqué à l'intérieur de l'aveu comme un témoignage, et un témoignage qui ne prend son accent et sa valeur que pour autant que – Je m'en souviens si bien que j'épandrai mon sang / Avant que je m'abaisse à démentir mon rang ! C'est-à-dire que c'est précisément dans la mesure où elle s'interdit ce sentiment où elle trouve à peine croyable qu'on la croit, qu'elle se réfère, et qu'elle invoque alors un élément factuel, mais qui littéralement ne prend son utilité, sa fonction, son sens qu'à l'intérieur de tout le monde symbolique dessiné dans cette dialectique du sentiment qui se refuse, ou auquel est refusée implicitement la reconnaissance.
Nous sommes, vous le voyez, ramenés au point qui a été celui de notre discours, sur lequel s'est achevé notre discours de la dernière fois. Chaque fois que nous sommes dans l'ordre de la parole, tout ce qui se situe, s'ordonne autour de cet ordre qui est précisément le domaine que nous rencontrons à la limite de la parole, prend son sens et son accent en fonction du registre de la parole. C'est pourquoi il est tellement important de l'approfondir, de nous apercevoir de tout ce que contient cet ordre de la parole, tout ce qu'il instaure, toute cette autre réalité dans la réalité.
Car c'est par rapport à lui, déjà, que toute une série de problèmes sont résolus ; et en particulier ce problème, cette dialectique de l'émotion en tant qu'elle peut s'inverser, être inhibée, est déjà résolu par le fait que l'ordre du symbole introduit déjà tout cet ordre qui est dans les limites, à la frontière des limites de cet ordre symbolique, d'où les autres ordres, imaginaire et réel, prennent leur place et s'ordonnent. je vais donc essayer une fois de plus de vous faire sentir... Faisons une petite fable Un jour, les compagnons d'Ulysse - comme vous le savez, il leur arriva mille mésaventures ; je crois que presque aucun n'a fini la promenade - furent transformés, en raison de leurs fâcheux pendants, en pourceaux. Bien entendu, le thème de la métamorphose nous intéresse toujours, parce que, après tout, c'est là que se pose justement la question de la limite de l'humain et de l'animal. Donc, ils sont transformés en pourceaux, et l'histoire continue ; et il faut bien croire qu'ils gardent quand même quelques liens avec le monde humain, au milieu de ces grognements de la porcherie, mais la porcherie est une société, par lesquels ils se communiquent les différents besoins : de la faim, de la soif, voire de la volupté, voire de l'esprit de groupe. Que peut-on dire, après tout, de ces grognements, quelques messages adressés à l'autre monde ' Pour tout dire, les compagnons d'Ulysse disent : « Nous regrettons Ulysse, nous regrettons qu'il ne soit pas parmi nous, nous regrettons son enseignement, ce qu'il était pour nous à travers l'existence. » Qu'est-ce que le grognement qui nous parvient des compagnons d'Ulysse?' Qu'est-ce qui fera en somme que quelque chose nous parvienne au milieu du volume soyeux accumulé dans l'espace clos de la porcherie ' Est-ce une parole? Pourquoi direz-vous que c'est une parole? Est-ce parce que là s'exprime quelque sentiment essentiellement ambivalent?
Car il est bien clair d'autre part qu'Ulysse est un guide plutôt gênant. Et assurément, au point où en sont les compagnons d'Ulysse, qu'est-ce qui fait que, sans nul doute, telle forme de communication vous apparaîtra une parole? C'est d'abord exactement en ce sens, qui saute d'abord aux yeux, qu'il y a un doute, et qu'à vrai dire, du moment où ils sont transformés en pourceaux, les pourceaux regrettent la présence d'Ulysse... Déjà vous avez là la valeur, l'appréhension de ce qu'est une parole. En d'autres termes, les compagnons d'Ulysse transformés en pourceaux veulent faire croire qu'ils ont encore quelque chose d'humain, la parole, et la nostalgie d'Ulysse exprimée en cette occasion, c'est exactement la revendication de la reconnaissance d'eux-mêmes, les pourceaux, comme étant toujours les compagnons. d'Ulysse. Et c'est là, en fait, qu'une parole est avant tout, dans cette dimension, qu'elle se situe ; la parole est essentiellement moyen d'être reconnu. Elle est là, avant toute chose qu'il y a derrière, et absolument insondable. Estce que c'est vrai? Est-ce que ce n'est pas vrai? C'est en quelque sorte un premier mirage. Un mirage qui, en effet, vous assure que vous êtes dans le domaine de la parole. Mais si vous regardez de quoi il s'agit, ça n'est pas par rapport à une réalité elle-même, informe, inconstituée par essence, dans cette occasion, qui est ce que nous appelons, quand nous entrons dans l'ordre des émotions et des sentiments, l'ambivalence. L'important de cette parole, ce qui en fait une parole même s'il est un grognement, c'est de savoir à quoi le pourceau qui parle, au nom du troupeau, veut faire croire. Et cette parole est parole exactement dans la mesure où un auditeur y croit. Sans cela, une communication est quelque chose qui transmet, à peu près du même ordre qu'un mouvement mécanique. J'évoquais à l'instant le froissement soyeux, la communication de leur froissement à l'intérieur de la porcherie. Ce n'est rien d'autre en fin de compte. Le grognement est analysable entièrement en termes de mécanique. Mais à partir du moment où ça passe à cet autre registre d'être essentiellement quelque chose qui veut faire croire à une assimilation, il exige la reconnaissance. C'est d'abord dans ce registre-là qu'existe la parole. Et c'est pour cela en effet que, jusqu'à un certain point, on peut parler du langage des animaux. Il y a un langage des animaux, exactement dans le sens où il y a quelqu'un pour le comprendre. »


de Ludovic Bablon
20 Jan 2006 23:42:25

>6. Comme Laurent le sait (trop) et comme je l'écrivais à mots couverts à Philippe de Jonckheere il y a quelques jours : j'ai déjà une passion amoureuse. Elle a de beaux cheveux bouclés et une belle veste verte. Elle m'achète du Tony Duvert... Je m'y épuise régulièrement...

Bon... c'est sans doute très intéressant mais ces auteurs à part Deleuze ne sont pas mon trip, du tout. Kirch avait esayé de me faire goûter Blanchot, j'avais commencé... bon, non. Rien à conclure, pas ma famille c'est tout. Avec raphael et laurent on peut parler de tellement d'autres choses ! J'en ai déjà assimilé certaines d'ailleurs, et j'ai mis grâce à eux plus, ou moins, de doute dans certaines constructions de connaissances autodidactes et maladroitement anarchiques. Genre laurent m'a envoyé voir B Maris, en contre-économie, et raphael m'a mis en tête le nom de rorty, que je dois chercher. Pas obligé de communier sur tout.
Sinon : je n'ai pas dit "intelligence populaire" ! Mais intelligenceS d'ORIGINE populaire. L'intelligence est une compétence sans classe sociale ni sexe ni rien, on ne peut pas dire que telle posage de problème est typiquement le fait d'une CSP et telle résolution d'une autre ! Par contre la pédagogie et la relative clarté de l'_expression_ ont des sous-entendus d'inclusion ou d'exclusion de strates sociales.
Plusieurs ici, d'ailleurs, ont dit leur cursus : on y trouve souvent à la fois une origine populaire ou du moins pas bourgeoise, ET un accès qui s'est fait et vécu en partie dans la douleur, aux classes prépas. Là-dedans, on a senti souffler contre nous le vent de l'élitisme, subi des cultures pointues pour la sélection plutôt que pour la passion, vécu divers chantages en termes de projet existentiel (proposer aux prolos de devenir des dominants et des administrateurs de prolos c'est un dilemne que les plus honnêtes tranchent en prenant la fuite.) On a le droit d'aimer les pensées difficiles... reste qu'elles excluent de facto, effraient, imposent une acculturation langagière (ne surtout pas faire simple!), etc.

>Je t'embrasse

je veux bien mais à tes risques et périls, j'ai une mycose !!!! après avoir incarné Manimal je tente le coup de devenir champignon... pour une enquête "de l'intérieur" de la girolle !



de Julien Pauthe
20 Jan 2006 23:57:44

>tu vois les 3 premiers se font comprendre, d'après moi. Mais le 4è c'est pas le même genre.

Ben, tu vois, on ne parle pas la même langue : pour moi si Platon s'était fait comprendre il ne serait tout simplement pas publié de nos jours, on serait passé à plus coriace. Les manuels scolaires qui m'instruisent de la philosophie platonicienne, je comprends ; mes propres imprécations anti-platoniciennes quand je m'exalte, je comprends derechef ; mais quand je j'ouvre de nouveau Le Banquet (récemment dans la traduction de Boutang chez Hermann), je me dit que putain j'ai encore bien des choses à y apprendre et à en savourer.
Comprendre Nietzsche, je ne vois même pas ce que ça pourrait être. Quasiment chaque paragraphe m'est un chausse-trappe, un bonheur, une relance.
De Flaubert je relis régulièrement Madame Bovary, autant te dire que je n'y comprends rien (et je ne cherche pas le paradoxe : je ne comprends toujours pas le miracle de cette œuvre d'art, et je la relis et je relis l'étude de Nabokov — et rien ne s'épuise : c'est toujours lisible et reste toujours de l'incompréhensible.)
J.



de Julien Pauthe
Jan 2006 00:19:35


>Sinon : je n'ai pas dit "intelligence populaire" ! Mais intelligenceS d'ORIGINE populaire. L'intelligence est une compétence sans classe sociale ni sexe ni rien, on ne peut pas dire que telle posage de problème est typiquement le fait d'une CSP et telle résolution d'une autre ! Par contre la pédagogie et la relative clarté de l'_expression_ ont des sous-entendus d'inclusion ou d'exclusion de strates sociales.

Tu sais, Ludovic, une langue qui prétend s'adresser à tous c'est une langue qui ne s'adresse plus du tout. C'est l'idéologie en parole. C'est de la mort. "La langue de tous c'est la langue de personne." (CP encore)
Quant à une langue qui connaît quelque chose comme des classes sociales, pour elle-même, pour son désir d'énonciation, hé bien je ne préfère pas la fréquenter.
Pour finir, je ne sais pas où tu situe politiquement des gens comme Stéphane Mallarmé et Pierre Guyotat (surprise au sujet des ciseleurs de syntaxe ardue), mais moi je sais bien où placer la démagogie qui veut faire croire qu'un tableau du Tintoret ou de Rothko puisse s'aborder avec intérêt sans une somme considérable d'efforts personnels.


J.


de Ludovic Bablon
Jan 2006 06:57:23


Salut les amis,
après quelques petites heures de perlaboration et de ruminage bovin, je me sens à même de produire une synthèse des enjeux en cours.
Je crois en fait que dans tous les conflits récents la question centrale a été celle du langage, alors revenons-y.
Ceux qui n'aiment pas que l'animal soit un homme se basent sur deux courants culturels que disons-le je hais, à savoir les cultures théologiques et philosophiques grecques et judaïques, qui a une certaine époque se sont associées pour fonder notre ami le christianisme.
Ce qui rassemble ces gens hellènes et judaïques, c'est le Logos, le Verbe. Ce Verbe est très gentil, il fonde le monde en le nommant ; ça s'appelle d'abord et ensuite seulement ça vient ! Au pied toutou !
Bon, cela c'est, il faut quand même être très clair, en long en large et en travers : du spécisme. A savoir que ce verbe, ce langage pensé et parlé, est le gros argument théologique en faveur d'une séparation métaphysique entre les pauvres animaux sans parole, et les grands locuteurs humains. Alors que dans une perspective naturaliste parcimonieuse et non-dogmatique les données disent qu'en l'absence de locuteurs le langage n'était pas là aux genres de dates où on retrouve des ammonites fossiles, et pas non plus à celles de toute la paléontologie, et que donc la généalogie serait plutôt : d'abord le monde, ensuite des bouts de monde qui lui donnent un nom (et le cas échéant le traitent comme un chien).
Aspect suivant : le logocentrisme descripteur spécifique de l'humain est devenu bien rigolo à partir du moment où les sciences humaines un peu mûres se sont mises à étudier toutes les autres formes d'émission de signaux, non plus la seule émission verbale : on a donc appris tout un tas de choses sur les communications infra-verbales (grognements, souffles, silences), les accompagnements pragmatiques (i.e le contexte contient la moitié de la signification d'un énoncé), les méta-codes extérieurs à l'énoncé, les infrastructures cognitives (par ex, au-delà des lexiques existent les modèles mentaux, des imago mundi qui sont des reconstitutions par assemblages de traits sémantiques charriés par les lexiques), le langage des gestes, des attitudes (cf éthologie humaine et primate des émotions et expressions posturales) et des distances (E. Hall par ex : la distance entre interlocuteurs code le statut, le lien, la situation), la charge signifiante des dispositifs techniques (B. Latour : un objet comme la ceinture de sécurité est une matérialisation contraignante d'un texte de loi, une pensée matérialisée et produite en série) ; le pauvre Logos, il s'est retrouvé bien isolé : ni Platon ni Plotin ni la Bible n'avaient envisagé ni repéré ni reconnu toute ces façons de fabriquer du "dire". Or ce que l'éthologie entre autres a montré, c'est que ces formes de "communication"-là, elles étaient partagées dans une grande partie du vivant, le Primate Beau Parleur n'étant qu'un cas parmi tant d'autres d'animaux doués de la faculté d'exprimer à d'autres êtres une émotion, une idée ou un état d'esprit. Ah le noble animal, la tête qu'il a fait quand cette révolution lui a ravi un de ses derniers privilèges !
Maintenant, le cas Mallarmé : via son Aboli bibelot d'inanité sonore, qui a le mérite d'être clair à travers son verbiage, le bourgeois professeur d'anglais a lancé la poésie dans la voie formaliste d'une absence de discours et d'une autonomie d'un langage découplé du réel et des réalités du dire. Que dit la poésie' Rien qu'elle-même ; et en effet très souvent il s'est trouvé qu'on recevait en fait de courrier une simple enveloppe, vide. ça a pu donner deux-trois trucs marrants mais le public n'a jamais suivi et finalement c'est plutôt sec et mort.
Synthèse :
Le langage a servi trop longtemps les intérêts religieux et philosophiques logocentriques, il a produit trop d'oeuvres qui ne lui servent qu'à se justifier lui-même !
Heureusement, sauvés, nous jetons l'acide sale de ce bain révélateur en gardant le bébé : le langage verbal plus que toute autre forme de production signifiante est apte à dire le réel tel que les réalités le vivent. Au lieu de l'utiliser pour s'auto-justifier de manière stérilement tautologique (je parle=je parle), on peut en faire l'outil de compte-rendu de tout ce qui dépasse et déborde la pauvre et misérable condition humaine : philosophiquement ambitieux, il servira à dire par exemple le vécu animal, à décrire amplement ou minusculement des points de vue autres qu'humains (car à quoi bon, les connaissant déjà trop bien de l'intérieur?), des échelles autres que celles de nos sens bien limités, des temporalités également autres, etc etc.
L'intérêt? Eh bien, produire une mystique du monde désanthropocentré, toujours ça ! Si le singe humain ne parle que de singeries, on s'ennuie et on invente des dieux pour passer le Temps ; si au contraire le langage est mis au service d'une quête transcendante des vécus inouïs et des modes d'être étrangers, les tendances religieuses presque inhérentes à l'esprit humain seront satisfaites dans un cadre paradoxalement matérialiste, naturaliste, évolutionniste, athée et anti-spéciste !
Dé-lyrant, le spécialiste du langage quitterait les seules ornières humaines pour adopter les points de vue des choses, des plantes, des planètes ; elles parleraient à travers les singes...
A des années-lumière de l'esthétique aride et élitaire d'un Mal-armé, la littérature transobjective parlerait le seul langage qui vaille la peine d'être consigné par écrit pour les siècles des siècles : celui qui DIRAIT LE MONDE. Yes !
A bientôt les petits lapins.



de Caroline Leduc
21 Jan 2006 10:39:32

Raf a dit :
La subjectivité ne s'évalue pas à l'aune de sa capacité de nuisance. Sur ce point l'homme et le virus se valent.

Je pense que c'est au contraire un trait différentiel intéressant. Les virus n'ont pas fabriqué de bombes atomiques

caro



de Raphaël Edelman
21 Jan 2006 11:02:31

> l'épiderme animal reste terriblement muet (je renvoie aux courriers précédants éclairant la notion de signifiants dans la conversion et la différence radicale avec les maladies psychosomatiques. J'espère que tu archives tes messages!)

je les empile dans ma corbeille, pourquoi?

> mais non; s'il imitait, nos automobiles se déhancheraient maladroitement sur des ridicules parodies de pattes, comme les gadgets de Georges Lucas. D'autre part, c'est écarter radicalement le concept du champ des objets (je dirais, de façon étendue: une pensée est un objet). Qu'imite la maïeutique comme pratique' La dissemblance (Didi-Huberman) comme concept' Le poème comme manifestation extême du sujet dans son discours' Et je rajoute un énorme etc.

Pour sûr. L'imitation est faible. Je rappelais de mémoire Rousseau qui voyait l'homme à l'état de nature emprunter ses qualités aux autres animaux. On pourrait ajouter qu'il les emprunte à l'univers. Les roues des voitures ne descendent-elles pas des avalanches ' Bon, on se situait au niveau d'une humanité naissante. La reproduction à cèdé rapidement la place à la production, au sens d'invention.

>le sujet adventif sans espèce, c'est ce que j'en ai dit dans ce même fil; est-ce que ça signifie que c'est plus clair quand tu le dis?C'est vexant...

Allons, on peut juste exprimer différemment cette conscience qui s'est développée, je le reconnaîs, à ton contact.

raf



de Julien Pauthe
21 Jan 2006 11:02:00

> Je pense que c'est au contraire un trait différentiel intéressant. Les virus n'ont pas fabriqué de bombes atomiques

Et puis l'on rencontre rarement des virus qui se veulent malfaisants ("I'm not guilty, I was designed to fuck you up" déclarait H5N1 à la cour internationale de justice.)

J.


de Caroline Leduc
21 Jan 2006 11:04:20


>Tss ! Une musulmane m'avait fait le coup, ça ne résiste pas à la discussion. C'est un peu ce qu'on dit quand le sac est vide d'arguments ! L'athéisme ne repose sur aucune révélation

Ah bon? Il n'y a pas eu un jour où tu t'es dit : "Ah oui, c'est ça, je suis athée !"
L'écriture à quoi cette révélation se réfère n'étant bien sûr pas un corpus livresque, mais mettons pour faire court, un trajet personnel.

puis LB dit tout seul (croit-il) :

« il les disqualifie toutes comme créations humano-humaines (vieille idée : évhémérisme au 3è siècle avant JC, appliqué au paganisme grec, repris au 18è contre le dogme chrétien). Il n'énonce aucun dogme, il les empêche tous»

Tout rapport au divin met en jeu une négativité (interdits, etc) : point commun
Quant à la fonction de la croyance, elle est partagée bien au-delà de la communauté des croyants (on retourne à Bataille)
Il n'a pas de culte et pas de
fidèles,
Tu rigoles, y a pas plus prosélyte qu'un athée bouffe-curé !
il s'épargne les appels désespérés à des données inconnaissables et mystérieuses, il laisse planer le doute là où le savoir est impossible.
C'est une démission alors ' Une façon de ne jamais perdre la face ' Mettre le vide à la place de Dieu ne change rien à la logique du raisonnement.
Tu penses qu'une attitude areligieuse est impossible ? On peut ne jamais mettre les pieds dans une église.
On peut aussi se construire chacun sa petite église interne (je sais pas moi, par exemple l'intériorité des animaux comme dogme)
caro, athée crédule.
(je crois que je ne crois pas qu'un Autre me détermine)


de Raphaël Edelman
21 Jan 2006 11:19:18

>http://www.dauphinlibre.be/langage.htm#1.%20LA%20FONCTION%20DU%20LANGAGE%A0 Qu'est-ce qui te gène là dedans?

On lit ça :

"L'intelligence verbale des cétacés n'a que faire de nos littératures, de nos gadgets technologiques aussi nuisibles qu'inutiles ou de nos réflexions narcissiques sur le rôle majeur de l'Humanité. Elle est pour eux un instrument de contrôle de la réalité et à ce titre, remplit deux fonctions propres: la survie dans le milieu naturel et la gestion des relations sociales."

cela ma donne l'idée que ce qu'on entend par "communication" et que l'on applique aussi à l'animal n'est qu'un segment infime du langage humain marqué par l'utilitarisme. Au point que l'on parle d'échec de la communication là où le langage développe son ampleur poétique. Mais le langage humain, c'est justement la possibilité de prendre en charge la coupure avec l'autre. Plus généralement, l'art est l'apogée de l'incommunicabilité qui pourtant se montre.

raf (un peu nébuleux ce matin)


de Caroline Leduc
21 Jan 2006 11:16:29


Julien cite (flemmard !) :
« Que si je m'adresse à un être quelconque, créé ou incréé, du monde, en l'appelant soleil de mon cœur ; c'est tout à fait une erreur que de dire que pour l'appeler ainsi je suppose, comme le croit M. Jones au début de son article de la Théorie du symbolisme, une comparaison « Ce que tu es pour mon cœur et ce qu'est le soleil », etc. C'est tout à fait une erreur. La comparaison est un développement de ce quelque chose qui lui-même, au moment où il surgit, contient non seulement une somme de significations, mais une émergence à l'être d'un certain rapport qui est infiniment plus riche que tout ce que je peux à l'instant même élucider.Cela implique tout ce qui peut même y venir, par la suite, et ce que je crois n'y avoir pas dit, d'abord, du fait de l'avoir formulé, c'est moi, mon être, mon aveu, mon invocation, qui entre dans ce domaine du symbole, et qui implique aussi bien que le fait que ce Soleil me réchauffe, me fait vivre ; et aussi est le centre de ma gravitation ; et aussi bien d'ailleurs tout ce que cela comporte de cette morne moitié d'ombre - dont parle M. Valéry - à savoir que ce Soleil est aussi ce qui vous aveugle, et ce qui donne à toutes choses cette sorte de fausse évidence, d'éclat trompeur ; on peut dire que le maximum de lumière est aussi la source de tout obscurcissement. »

Je savais bien qu'un jour, tu me ferais une déclaration publique...

Caro, démonstratrice par l'exemple et astre hélas certainement secondaire


de Raphaël Edelman
21 Jan 2006 11:36:57

>Dr C. a écrit :
Quand je dis que la Nature est un chaos, je veux dire qu'elle n'a pas de finalités (spatiales et temporelles) déterminables et prévisibles, qu'ontologiquement elle n'induit aucun sens, a fortiori aucune valeur.

Voilà qui va à l'encontre de la morale physicaliste de Ludovic

>Sade a beau essayer d'agir contre-nature (d'imaginer des actions contre-nature), comment pourrait-il y parvenir dès lors que tout ce qu'il est et fait s'y inclut nécessairement. Je ne sais pas si cette interprétation est tout à fait orthodoxe.

je pense que Sade se veut amoral et nie toute naturalité à la morale qu'il ne prend que pour une sotte convention. Par contre, la Nature elle-même semble être une référence forte. Le terme revient souvent pour contrer les conventions. Exemple : "(...) la chasteté n'est point une vertu ; elle n'est qu'un mode de convention, dont la première origine ne fut qu'un raffinement du libertinage ; elle n'est nullement dans la nature, et une fille, une femme ou un garçon, qui accorderait ses faveurs au premier venu, qui se prostituerait effrontément en tous sens, en tous lieux, à toute heure, ne commettrait qu'une chose contraire, j'en conviens, aux usages du pays qu'habiterait peut-être cet individu ; mais il n'offenserait en quoi que ce puisse être, ni son prochain, qu'il servirait bien plutôt que de l'outrager, ni la nature, aux desseins de laquelle il n' a fait que complaire en se livrant aux derniers excès du libertinage".


> Ainsi il n'y a rien à induire de la Nature, elle ne peut être que Totalité, mais ceci n'exclut pas qu'on puisse discrétiser la matière, si?

euh, non. Une totalité peut contenir des différence. C'est l'unité des différences.

raf



de Caroline Leduc
21 Jan 2006 11:36:08

>Et puis l'on rencontre rarement des virus qui se veulent malfaisants ("I'm not guilty, I was designed to fuck you up" déclarait H5N1 à la cour internationale de justice.)

En plus, il n'y pas la StarAcadémy chez les virus



de Julien Pauthe
21 Jan 2006 11:43:26

> Julien cite (flemmard !) :

"Désormais nous travaillerons sans citations !" Lénine, cité par Denis
Roche en exergue à Louve Basse - si je ne me trompe)

> Je savais bien qu'un jour, tu me ferais une déclaration publique...

Mais telle était bien mon intention... Bon, faudra que je revois mes sources et mon style pour les prochaines...

> Caro, démonstratrice par l'exemple et astre hélas certainement secondaire

Oui, exemplifions (pour parler l'horrible langue qu'emploient ceux qui la disent transparente), ou l'on va s'endormir sur les infinies reprises de nos propos les uns aux autres. (On aura toujours prouvé au passage une proriété du langage humain : que quand ça cause ça ne s'entend pas.)

Bacci, unico astro mio

J.


de L.L. de Mars
21 Jan 2006 14:19:06

>ainsi on prête de la psychologie aux castors à cause de leurs architectures

erratum: ainsi on prête de la psychologie aux castors à cause de notre architecture


de Raphaël Edelman
21 Jan 2006 15:06:09

> Je n'accorde pas que ce soit factuel. Ni Rousseau, ni Epicure, ne bénéficient de sources sérieuses pour étudier l'animal, la diversité des espèces et la possibilité de tenter de les comprendre "de l'intérieur" sans anthropomorphisme ni idéologie religieuse. Ils n'ont ni sociologie ni psychologie constructiviste ; bref, ils n'ont pas l'outillage nécessaire pour penser un homme inséré dans la nature.

je n'adhère absolument pas à ton enthousiasme positiviste et progressif. c'est une idéologie comme une autre et pas la plus sympathique à mes yeux.

> Rousseau protestant a dans son univers mental un Dieu créateur stigmatisant l'homme et la femme couverts de pêchés. [...] dans son
environnement d'origine n'était pas moins apte que les autres animaux, et une fois anthropisé s'est même trouvé apte à conquérir les milieux les plus diversifiés, et ce sans le secours de mutations génétiques le rendant physiquement apte, uniquement par le jeu de mutations psychologiques/culturelles. La philosophie ancienne n'est pas bonne conseillère pour penser tout cela.

C'est que tu mélanges une image philosophique sur un état de nature virtuel destiné à réfléchir sur l'homme et une science historique. Tu veux hiérarchiser ce qui est séparé et complémentaire. A ce petit jeu, on pourrait dire que la science de la nature ou l'histoire naturelle sont des philosophies récentes. En tout cas, ta description darwinienne de l'homme va tout à fait dans le sens de ce que je disais : l'homme s'invente des qualités, pas seulement au sens de fictions mais aussi de créations.

>permettent une approche plus subtile et moins idéologique (moins marquée par notre déni orgueilleux, la 4è ou 5è humiliation de l'homme dans son acquisition de connaissances'). L'éthologie montre que TOUT le comportement animal n'est pas réductible aux seuls déterminismes instinctifs ; ce reste est intéressant.

Vraiment? Je peux vivre dans les arbres, construire des barrages, me nourrir de glands si je le désire. Mais mon chien (dieu merci je n'en ai pas) ne pourra pas décider de se mettre à la peinture ou au collage, de chanter du Purcell ou de partir une semaine à la montagne pour fuir l'humanité, ni même de se lécher le cul. Je veux bien que ce soit une question de degré, mais le comportement d'une fourmi qui va à gauche au lieu d'aller à droite me semble à mille lieu de la plasticité humaine. C'est d'ailleurs une question politique. Je ne supporte pas que les hommes acceptent de vivre comme des fourmis, c'est-à-dire d'avoir le niveau de liberté que tu leur reconnais. Mais t'attends encore, ô homme de science,que tu me montres chez l'animal la liberté que tu leur accordes.

>de transmission culturelle et acquisitive mais c'est surtout par imitation, le fait de passer par un langage très riche et très modulable qui donne aux objets et aux actions des noms "universellement" utilisables (une instrumentalisation du monde par le langage) est quelque chose que seul l'homme possède à ce point, et qui lui a d'ailleurs fait franchir un seuil.

Je ne vois pas d'homme là mais un animal très évolué. Mais qu'y a-t-il une fois le seuil franchi '

raf

Sinon, la conscience de la mort ou du moins un certain rapport au cadavre de l'enfant, du parent, du pair, n'est pas absente du règne animal ; mais là encore, sans capacités cognitives pour le traiter comme nous le faisons.
Donc pas vraiment la conscience de la mort

> de nos pièces européennes actuelles où nous nous angoissons sur la mort, nous ne contiendrions aucune humanité en nous. Les spécificités humaines ne sont pas données d'un coup ni développées sui generis, mais acquises, entièrement acquises.

Oui acquises. Sauf qu'il n'y a pas beaucoup d'espèces à pouvoir les acquérir.

raf


de Ludovic Bablon
21 Jan 2006 15:08:13


> L'écriture à quoi cette révélation se réfère n'étant bien sûr pas un corpus livresque, mais mettons pour faire court, un trajet personnel.

Es-tu sûre que tu m'as comprise? J'ai oublié la majuscule, ce que je voulais évidemment dire c'est qu'il n'y a pas eu de Révélation de l'athéïsme (c'est tellement absurde... pourquoi je dois l'expliquer...) comme il y a eu Révélation de la loi à Moïse avec buisson ardent et tout ou Révélation du Coran à Muhammad avec caverne et Gabriel et tout. C'est plus clair?

> Quant à la fonction de la croyance, elle est partagée bien au-delà de la communauté des croyants (on retourne à Bataille)

Euh, en fait c'est plus ou moins une secte la liste non? Il y a moyen de ne pas postuler le divin?

>Tu rigoles, y a pas plus prosélyte qu'un athée bouffe-curé !

Par ex moi mon prosélytisme est pas particulièrement athée c'est plutôt un cancer généralisé de l'_expression_...

> C'est une démission alors ' Une façon de ne jamais perdre la face ' Mettre le vide à la place de Dieu ne change rien à la logique du raisonnement.

Hum, comme ça sent la foi !!!! METTRE LE VIDE !!! Faut vraiment une tournure religieuse bien profondément perverse pour comprendre ça quand on parle de ne pas faire intervenir dieu dans nos rapports au monde !! Au lieu du Grand Extérieur je te ramène un PLEIN énorme, et gratuitement en plus ! Tu fais le plein de toi-même en temps que matière vivante sous forme d'animal, tu fais le plein du monde en tant que puissant, autonome, libre, tu fais le plein des autres en tant que porteurs de multitudes de potentialités non-conditionnées par les providences !!! Ecoute, accepte cette offrande !

>On peut aussi se construire chacun sa petite église interne (je sais pas moi, par exemple l'intériorité des animaux comme dogme) caro, athée crédule. (je crois que je ne crois pas qu'un Autre me détermine)

T'as l'air un peu atteinte quand même par la maladie de la foi...


de Raphaël Edelman
21 Jan 2006 15:18:05

>> j'espère ne jamais le rencontrer.
>raté !

Doucement


de Raphaël Edelman
21 Jan 2006 15:36:45

>> Mais si je ne refuse pas notre animalité, je dis que ce n’est pas suffisant.
> suffisant pour quoi ' il y a aurait aussi une... âme '

Suffisant pour faire un homme. Une âme, je n'ose pas dire oui. Mais alors toute cette littérature sur l'âme, l'esprit, le sujet serait un délire collectif qui cessera lorsque nous serons parvenus à maturité?

>> Philosophiquement, je pourrais dire que du point de vue de l’intelligence l’homme est le plus intelligent des animaux,
> philosophiquement*??'

Tu coupes où bon te semble. Je dis "philosophiquement" parce que j'évoquais l'opinion de quelques philosophes.

>> qualité propre. Ce qu’il fait, c’est imiter. Il emprunte, combine, ruse.
>je lis une certaine contradiction dans ce propos.

Pourquoi? Le sens était qu'il n'a aucune qualité a priori à part celle, en effet, de s'en créer.

> tu as donc une existence assez sinistre. Oui à la responsabilité, à la conscience de la séparation et de la mort. Mais pourquoi l'angoisse? C'est tout à fait inutile, l'angoisse !

oui, j'ai une existence sinistre (ce qui ne m'empêche pas d'en profiter, heureusement) et n'ai aucune raison de simuler l'animateur télé. Quant à l'angoisse, eh bien l'inutilité que tu lui trouves me la rend tout à coup charmante.

>non, non, c'est renoncer à des siècles de tentative de contrôle mental.

Excuse moi, mais je ne vois pas bien


raf


de Raphaël Edelman
21 Jan 2006 15:48:35

>Ce qui se pense clairement... s'écrit.

Il faut bien tout de même que nous ne nous contentions pas de répéter les lieux de nos prédecesseurs. Hors une nouvelle idée, ça peut être difficile à faire passer. Il faut parfois faire subir au langage des contorsions pour s'adapter à de nouveaux objets. Je m'efforce d'être clair ou au moins d'accompagner mes obscurités. Mais une langue s'apprend aussi, chacun étant une langue différente. Et ce que je lis aujourd'hui avec facilité (relative) m'était hier assez abscons.

raf



de Ludovic Bablon
21 Jan 2006 15:48:39


> je n'adhère absolument pas à ton enthousiasme positiviste et progressif. c'est une idéologie comme une autre et pas la plus sympathique à mes yeux.

C'est bien étrange. ça ressemble à ce que vient de dire Caroline en répétant la calomnie suivant laquelle l'athéïsme serait une sorte de foi... comme si les détracteurs étaient prisonniers de leur univers mental !
ça fait plusieurs fois que tu parles péjorativement de positivisme.
Si tu désignes le premier positivisme 2è moitié 19ès je pense que peu de gens en défendraient une valeur autre qu'historique, comme point de passage ringard de la scientificité.
Si tu désignes la méthode... il va vraiment falloir que tu amènes des arguments épistémologiques solides !!! Toutes les sciences sont évidemment positivistes, reposant sur l'étude et la consignation des faits observables ! J'entends une armée de gros sabots qui va me rétorquer tous les cas-limites et les impossibilités de connaitre qui laissent le champ libre à des spéculations d'abord invérifiables techno/logiquement. Mais ça restera vrai : en psycho, on répète les tests, en socio, on contrôle strictement les données et du moins on peut en soumettre le recueil et l'interprétation au feu de la critique en cherchant donc à établir le factuel, dans plein de disciplines on consigne, enregistre, archive, accumule, de sorte que ça donne de la matière pour faire des synthèses et monter des théories les plus adéquates possibles à l'observé. Donc difficile d'être autre chose que positiviste, avec des bémols sans doute, des points d'ombre, des lacunes dans la vérifiabilité, mais enfin, dans le fond, toute connaissance est positive...

> L'inaptitude l'homme est ici une image (qui aurait pu plaire aux amis de la nature) pour réfléchir à sa spécificité qui est d'être un être sans qualités particulières outre sa capacité à s'en construire.

Penser à partir de dogmes quand ça contredit ce qu'on observe et ce que les disciplines scientifiques recensent et élaborent, si, c'est une faute intellectuelle majeure.
Sans qualités : non, évidemment plein de qualités ; autant qu'un canard doté d'ailes et d' "instinct migrateur" est équipé pour le voyage, l'homme est équipé pour une vie d'animal mobile, omnivore, social, etc, il est paramétré pour via le double jeu du patrimoine génétique, du développement phénotypique qui lui donne ce corps plein de qualités positives, et de la longue longue longue histoire de l'anthropisation de son écosystème (il ne faut pas l'oublier, on ne nait justement pas dans le vide intersidéral mais toujours, et ce depuis des milliers d'années, dans un univers façonné par les soins de nos ancêtres. Chaque fois que quelqu'un bouffe du blé il se réfère à la sélection pré-agricole de la variété des céréales par les chasseurs-cueilleurs, par exemple ; cette bête a fait en sorte que le monde soit un peu une partie de son corps et recèle une bonne partie de ses possibilités de satisfaction de ses besoins). C'est un fait biologique maintenant, "matériel" si tu veux, qu'il est plein d'aptitudes particulières. Il n'est pas "nu" comme voudrait croire la Bible pour inférioriser ensuite ses moutons en leur prouvant qu'ils ont besoin d'un Père.
Je me demande comment tu arrives à être anarchiste en étant défenseur de la foi, de notre maître Dieu, de la solitude tragique des consciences, etc. Ton anarchisme... n'éprouve aucune joie?
AN-ARCHè : pourquoi accepter le dogme de la puissance divine? Pourquoi maintenir la fiction d'une petite porte secrète à l'intérieur de l'esprit par laquelle le Grand Extérieur viendrait nous sussurer ses commandements ?


> Vraiment? Je peux vivre dans les arbres,

au passage, tels que nous sommes maintenant, nous ne "pouvons" pas sauf à changer considérablement le sens concret de cette phrase. Dans un arbre après deux nuits de gel tu serais en bien mauvais état. ça fait bien longtemps que les primates sapiens sapiens ont (comme les oiseaux ont des nids etc) un habitat plus adapté à leurs besoins corporels. Dans un arbre tu aurais du mal à dormir et à te passer de tout le formatage culturel qui t'a fait tel que tu es maintenant. Tu aurais bien du mal à revenir en arrière ! Un bébé oiseau coupé de tout partage ne deviendra pas oiseau ; un humain non plus. Un bébé oiseau devenu oiseau par imitation, développement de ses potentialités concrètes, empreinte, expression etc, ne pourra pas non plus se "désaviariser" de même que tu aurais du mal à te déciviliser.

> chanter du Purcell ou de partir une semaine à la montagne pour fuir l'humanité, ni même de se lécher le cul. Je veux bien que ce soit une question de degré, mais le comportement d'une fourmi qui va à gauche au lieu d'aller à droite me semble à mille lieu de la plasticité humaine.

ah, elle aurait donc une petite liberté'
Oui, notre plasticité est bien plus grande. Il ne faut pas féliciter d'ailleurs le Sujet tout-puissant, ce qui nous fait libres plus que les autres bêtes c'est le partage collectif multimillionnaire et multimillénaire. On voit parfois des gens humains qui croient qu'ils ont tout inventé : bien sûr qu'ils savent que la terre ne tourne pas autour du soleil ! Les prend-on pour des cons' Ils mangent avec des fourchettes qu'ils n'ont ni inventé ni fabriqué des aliments qu'ils n'ont ni cultivé ni cuisiné ni transporté jusqu'à l'assiette, mais ils se croient quand même très libres, très autonomes.
Les expériences scientifiques et également les pratiques des cultures humaines ont montré que les animaux pouvaient vivre un éthos humain : animaux domestiques à la personnalité humaine, singes de laboratoire s'acculturant aux moeurs des gens qui les regardent, hébergent, nourrissent.
Ceci pour dire que cette humanité dont tu sembles te féliciter, elle n'est pas de toi et elle est adoptable même (en partie) par des animaux non-humains... c'est dire qu'il n'y a pas de barrières bien franches.

> niveau de liberté que tu leur reconnais. Mais t'attends encore, ô homme de science,que tu me montres chez l'animal la liberté que tu leur accordes.

Eh bien j'ai déjà regardé des animaux brouter dans des champs et des chevreuils et des sangliers s'enfuir et j'ai vu qu'ils hésitaient, comme nous, prenaient des temps de pause, comme nous, je n'ai pas eu l'impression qu'il s'appliquait à eux un déterminisme strict.

> animal ; mais là encore, sans capacités cognitives pour le traiter comme nous le faisons. Donc pas vraiment la conscience de la mort

en effet, pas pareil. On observe simplement de la part de certains animaux des attitudes étranges concernant le cadavre d'un pair. Je crois qu'ils ne savent pas qu'ils meurent, même ceux qui auraient voulu l'observer n'ont pas pu, on est d'accord.

> Oui acquises. Sauf qu'il n'y a pas beaucoup d'espèces à pouvoir les acquérir.

De même que tu ne peux pas acquérir les spécificités des chiens des oiseaux ou des chauve-souris ! tu es tout aussi déterminé qu'eux à n'acquérir qu'une partie du patrimoine animal !!


de L.L. de Mars
21 Jan 2006 15:52:18

>Raph : Oui acquises. Sauf qu'il n'y a pas beaucoup d'espèces à pouvoir les acquérir.

et dans la seule (qui n'en est pas une) pouvant les acquérir toutes, certains sujets peuvent n'en acquérir aucune et certains en inventer d'autres...

>Caro: Si je n'arrive pas encore à trouver ma place dans les conversations très philosophiques,

il y a d'une part dans ces conversations des zones desquelles toute philosophie est exclue (la tambouille antispéciste) et des zones desquelles toute place à trouver est exclue pour le lecteur (le monologue antispéciste).
Moi-même, je suis ravi de n'y avoir aucune place; portée à un tel degré de taxinomie empressée et de confusion (la vérification et la comptabilité occupent beaucoup l'ésotérisme), d'inculture crasseuse, comment la conversation pourrait-elle être philosophique? Tu peux te sentir flattée de ne pas y trouver ta place.
Une abeille a-t'elle eu un jour assez honte d'être une abeille pour donner un autre tour à son espèce? Moi je fais ça tous les jours. Ludovic Bablon n'est pas l'espèce humaine, mais un homme qui se rêve abeille, c'est-à dire une espèce, qui disparaitra avec lui.

L.L.d.M.



de L.L. de Mars

>non, non, c'est renoncer à des siècles de tentative de contrôle mental.

je ne comprends pas bien ce dernier échange... J'ai beau prendre ça par tous les bouts, je ne vois pas de raccord entre la proposition et la réponse...


de Raphaël Edelman
21 Jan 2006 16:18:56

>>Je pense que c'est au contraire un trait différentiel intéressant. Les virus n'ont pas fabriqué de bombes atomiques

> Et puis l'on rencontre rarement des virus qui se veulent malfaisants ("I'm not guilty, I was designed to fuck you up" déclarait H5N1 à la cour internationale de justice.)

Ben je suis d'accord avec vous deux. Je me demande seulement si on sort pas du contexte de ce à quoi je répondais (pas le temps de retourner dans les vieux messages, il y en a assez en amont).

raf



de L.L. de Mars
21 Jan 2006 16:22:57


> Tu réclames des "limites au mépris", mais si tu ne vois pas les livres de Derrida ou de Lacan, pour prendre des exemples d'écriture et de pensée souvent jugés ardus, comme des objets généreux, je ne comprends pas très bien où tu places le mépris (en gros, Derrida pratique une écriture complexe juste pour se foutre de ta gueule ' E

Bon, c'est là que j'interviens: j'ai cessé de lire les messages litaniques et sourds de Ludovic sur un sujet auquel, définitivement, il ne comprend rien (et dans lequel il trahit un degré de superstition étonnant devant la puissance magique qu'il impute aux mots: le mot Dieu lui fait immédiatement croire qu'il a affaire à un croyant, deux personnes qui parlent de métaphysique, et hop, c'est une secte. Pauvre garçon, s'il savait à quels athées de qualité il parle, il rougirait de honte au lieu de se signer comme un bigote devant ces squelettes que sont les mots); qu'il continue à confondre instinctif et constitutionnel fait de lui un homme devant la mouche, qui, elle, n'a pas le choix des termes ni la possibilité de la constitution... Qu'il bégaye logocentrisme ou théocentrisme parce qu'il ne comprend pas et qu'il n'avait pas prévu le mot «sujet» éclaire la position de la question chez lui: elle suit la réponse. Mais peu importe, là n'est pas le sujet, on reparlera sans doute de psychanalyse dans trente ou quarante ans, quand il aura lu autre chose que la vulgate américaine de Science & Vie, et de théologie quand il se sera rendu compte que les plus brillants sur la question sont rarement les plus bigots (comme disait Borges, mais vous connaissez sans doute la suite).
Mais là, dans ta réponse, je tombe sur cet extrait des déclarations Ludoviciennes, et c'est insupportable. Nettement.
Là où j'interviens, c'est contre les déclarations minables portée à l'encontre de Derrida, de Lacan, etc. Quand je pense que j'ai envoyé chier J.F. Battagliani sur cette même liste pour moins que ça, à savoir deux déclarations consternantes faites ici pour faire le malin (je me demanderai encore longtemps quel intérêt J.F. a pu croire y trouver), épousant la doxa libérale.
Hé bien l'espèce de merde idéologique qui commence à donner à Ludovic cette épouvantable haleine de trou du cul ne fait pas que trahir une immense connerie (les exigences de lisibilité, ici, de la part d'un type qui est incapable de se faire comprendre sans bafouiller dix sources contradictoires dont il est incapable de voir lui-même les contradictions - les passages sur les égyptiens resteront longtemps mes préférés - et dont les superbes romans sont illisibles pour ces millions de lecteurs qui trouvent déjà que Telerama est un magazine intello, c'est à se pisser dessu de rire), mais une profonde aversion pour les seules choses qui rendent cette liste nécessaire : le déplacement de la valeur de l'objet vers le sujet, l'exaltation des vertus de l'inconnue telle qu'elle se donne au travail dans les oeuvres d'art, le mépris des rapports instrumentalisants et fonctionnels, l'ivresse de penser et la joie devant la résistance à être pensées des choses que l'on se donne à penser, le rejet de la computabilité, le décloisonnement épistémologique.
Dans tes propos, le sens est une marchandise.
Alors n'essaie même pas de répondre à ce courrier, n'essaie pas une seconde de nous assommer dans un tissu de répétitions pour défendre tes grosses foutaises, je ne veux plus tolérer ce qui, sur la charte, est absolument et clairement proscrit ici : la haine de l'intello. Tu veux pisser des copies avec Sokal Et Brickmont? Fais, choisis bien tes amis, ces deux corniauds se seraient fait accueillir par moi avec le même égard. Tu es un romancier exceptionnel, mais un penseur navrant. Tyrannique, vaniteux, empressé de localiser tes interlocuteurs dans les sinistres et minuscules catégories dont tu disposes et qui sentent la poussière des caveaux autant que les pages du Reader's Digest, tu n'as pas pu imaginer une seule seconde que la bêtise seule pouvait être ton vrai problème devant, par exemple, Derrida.
Alors je vais te le dire beaucoup plus simplement que Julien : pour Lacan et Derrida, t'es juste trop con.
Dieu soit Loué, tes romans sont plus intelligents que toi.

L.L.d.M.



de Raphaël Edelman
21 Jan 2006 16:37:25

>Donc difficile d'être autre chose que positiviste, avec des bémols sans doute, des points d'ombre, des lacunes dans la vérifiabilité, mais enfin, dans le fond, toute connaissance est positive...

Je ne nie pas le rôle de l'expérience. Mais tu faisais comme si elle allait de soi, comme si les dispositifs, les synthèses et les théories n'étaient pas imprégnés de préjugés. D'accord pour les bémols.

raf



de Ludovic Bablon
21 Jan 2006 16:45:21

> mais une profonde aversion pour les seules choses qui rendent cette liste nécessaire : le déplacement de la valeur de l'objet vers le sujet,

bon je vois plus bas qu'il m'est interdit de répondre mais je note ça, là il y a vraiment quelque chose !!! ça semble central dans ce pourquoi on ne se comprend pas !
Mes acquisitions "lamentables" m'ont amené à penser dans l'autre sens !!! Du sujet à l'objet, de l'esprit reconsidéré comme second à la matière reconnue comme première ! Et pas mal de choses lues en sciences humaines semblent aller vers ça aussi !
Mais ais-je bien compris ce que tu as dit?

> l'exaltation des vertus de l'inconnue telle qu'elle se donne au travail dans les oeuvres d'art, le mépris des rapports instrumentalisants et fonctionnels, l'ivresse de penser et la joie devant la résistance à être pensées des choses que l'on se donne à penser, le rejet de la computabilité, le décloisonnement épistémologique. Dans tes propos, le sens est une marchandise. Alors n'essaie même pas de répondre à ce courrier,

écoute en effet je n'ai pas de quoi te répondre en détail parce que je suis loin de comprendre tout ce que tu dis, c'est tout à fait vrai, je suis quand même soulagé que tu dises ce que tu penses sans pour autant me baillonner, je suis content de ta réponse !! Ouf !! Tu ne me détestes pas tellement alors ! Tu me laisseras rester pas loin de toi pour continuer d'apprendre, je ne dis pas que je me servirai de ce que tu m'apprendras pour aller dans ton sens, je crois que j'irai plutôt à rebours, mais je sais que j'ai besoin de toi... aussi différents qu'on puisse être... Et content que tu apprécies ce que j'écris en littérature, tu verras que ça s'améliorera beaucoup quand j'y intégrerai ce que j'ai mis longtemps à penser comme fadaises... :-) Quant à moi je suis admiratif de beaucoup de choses que tu as faites et dites.
Je n'ai toujours pas saisi en quoi "dans mes propos, le sens est une marchandise", tu peux prendre un moment pour me l'expliquer vraiment en termes aussi simples que possible? (en privé si tu veux) ça fait plusieurs fois que tu y reviens, je ne sais pas quoi en penser pour l'instant... si je fais complètement fausse route ça m'arrangera bien de revenir au droit chemin... et s'ils se trouve qu'on est des adversaires irréconciliables je serai bien content que ça soit toi plutôt qu'un crétin mon adversaire !!! Si on pouvait n'avoir que des adversaires qu'on admire... le conflit serait encore plus amusant :-)

> t'es juste trop con.

mais oui !!! mais t'as pas vu vraiment à quel point c'était pire avant !!! mais je progresse toujours !!! d'ici quelques années mes textes littéraires seront amplement cités ici parde Julien Pauthe avec des guillemets ! Yes !



de Ludovic Bablon
21 Jan 2006 17:34:50

> Je ne nie pas le rôle de l'expérience. Mais tu faisais comme si elle allait de soi, comme si les dispositifs, les synthèses et les théories n'étaient pas imprégnés de préjugés. D'accord pour les bémols.

oui, on sait que c'est construit bien sûr, en fonction de tout un tas de choses, je ne peux pas synthétiser ça clairement mais enfin c'est connu et accessible. L'observation... n'est pas native, les connaissances les plus intéressantes seraient en fait issues de dispositifs de TEST et de création des conditions de test plutôt que de l'observation im-médiate. En regardant un oeil même attentivement et de près on ne voit pas pourquoi et comment il voit les couleurs et les contrastes avec les cônes et les bâtonnets... il faut que de grands nombres de gens y réfléchissent longtemps pendant des décennies dans le contexte d'un nombre encore plus grand qui réfléchit à des tas d'autres choses, avant de récolter des données éclairantes. ça donne lieu à des tas d'hypothèses fausses...
Mais quand elles sont récoltées et qu'on a des contradictions nettes entre les données de l'observation "raisonnablement" construite dans un dialogue critique multilatéral et ouvert, ça prime bien entendu sur toutes les données des dogmes révélés pour les plus anciens, il y a 3 ou 4 milliers d'années, et pour le plus récent, il y a quand même 1400 ans.
Maintenant le champ des sciences est un champ de batailles et de remises en question des acquis, des méthodes, des "résultats"... même les paradigmes scientifiques dogmatiques genre le béhaviourisme peuvent être balayés, et l'éthologie aussi a bougé, évolué, s'est recentrée, a abandonné des questions et des réponses, en a formulé d'autres, et elle mourra aussi donnant lieu à d'autres manières d'interpréter. Mais ce qui est conquis est conquis. Homme=animal, c'est irréfutable aujourd'hui, n'importe où qu'on se place dans la bataille. Dieu jamais trouvé dans les données, c'est irréfutable aussi (tu parles que ça se saurait si on avait pu montrer un quelconque indice de son intervention !) (je dis ça pour les gens qui ont un faible religieux, je crois que c'est profondément obsolète et que s'il y a des choses à en garder il faut mettre à jour la manière de la faire sinon c'est tellement rétrograde que ça fait rire l'esprit de sérieux lui-même.)



de L.L. de Mars
21 Jan 2006 18:04:40

faites et dites. Je n'ai toujours pas saisi en quoi "dans mes propos,le sens est une marchandise", tu peux prendre un moment pour me l'expliquer vraiment en termes aussi simples que possible'

Il n'en est pas question; ces exigences de décortication relèvent non pas du désir d'approcher un objet conceptuel par un abord neuf, mais d'une tentative d'épuisement telle qu'elle est systématiquement opérée par toi avec tous les interlocuteurs qui ont eu la faiblesse de te croire dans une demande quelconque jusqu'ici.
De quelle incroyable patience, de quelle indulgence ont-ils fait preuve, quand tu glissais systématiquement sur les pistes qu'ils t'offraient pour enfourcher ton vieux cheval de labours positiviste? (hé oui, tu l'ignorais, mais positiviste, c'est effectivement un gros mot ET une religion; là non plus, ne compte pas sur moi pour t'expliquer en quoi, tu finirais probablement par faire tourner les tables avec Comte).
J'admire Raphaël et tous les autres de ne pas t'avoir pris plus violemment de haut lorsque tu ignorais aussi effrontément les efforts faits pour te répondre ; j'ai une triste hypothèse à ce propos : la confiance intellectuelle qu'ils m'accordent et le crédit que j'accorde moi à ton travail d'écrivain les ont invités à une certaine mesure. Je me sens, du coup, terriblement coupable d'avoir enmené un si grossier personnage, braillard, mal élevé, lourd, insistant, collant, maniaque, plus comptable qu'un élève d'école de commerce et aussi bienveillant qu'un directeur de chaine télévisée à une soirée entre amis...
Si tu voulais des réponses à la question instrumentalisante du discours et à la violence économique des valeurs fixes (quelle fiction...) devant le sens, tu les aurais trouvées mille fois dans les réponses si calmes qui t'ont été faites. Mais la vérité est que tu n'es pas foutu de voir des réponses avec les yeux collés dessus; c'est ainsi. Retour à Nietzsche, à Ecce Homo, à la citation qui fut discutée ici-même avec le Dr C : là où tu ne vois rien, tu as l'illusion de croire qu'il n'y a rien. Si t'étais en train de chercher des fleurs, tu ne reconnaitrais pas l'odeur de la merde avec le nez fiché dans un cul.



de Ludovic Bablon
21 Jan 2006 18:30:07

laurent, très bien, tu ne réponds pas, sans explications je suis tenté d'interpréter ton propos concernant le sens-marchandise comme une énième marque de mépris envers le monde matériel, semblant faire tableau et portrait avec d'autres traits tels que la haine de l'argent (ce moyen de créer et cette juste rémunération du taf intello!!! car faut être pragmatique et ouvert plutôt que de s'isoler), la déconsidération de ta part animale, la surestimation narcissique du Logos, etc.

J'aimerais bien quand à moi que tes oeuvres soient des marchandises prisées t'apportant les moyens nécesaires pour en produire toujours plus d'autres, toujours meilleures, que tu aies de quoi financier par exemple une Maison de création et de pensée à Rennes ou alentours (sans les sacrées institutions !!) réunissant tes amis qui ont un engagement artistique ou intellectuel et leur donnant des moyens d'agir et de trouver leur public, pour les bêtes c'est pareil que pour l'homme on a besoin d'aliments, chez nous ça s'achète, forme sophistiquée du troc, forme elle-même sophistiquée de l'activité de satisfaction d'êtres fondés par l'état de besoin, rien de méprisable là-dedans, simplement notre nature. Je regrette beaucoup de choses dans notre monde commercial, par exemple que le simple fait de disposer d'un lieu de vie et de travail soit payant et trop souvent locatif (alors que la maison une fois construite, le coût d'entretien est négligeable...), mais je crois que si on aime vraiment la création et la pensée il faut transiger sur l'accessoire afin de préserver l'essentiel, donc il faut vendre, mettre en commerce ou au moins en échange, ça n'empêche pas d'ailleurs de donner largement.

On n'est pas en conflit juste sur un point ou deux, mais je le vois,sur toute une vision et une pratique du monde... Je me trompe peut-être, et je veux bien en discuter... pour ma part. Pas toi, tant pis, je m'imprégnerai en lisant les réponses que tu fais aux autres.

Je t'embrasse Laurent ! de tout le goût atroce de mon champignon hallucinogène gratuitement hébergé, "aux frais de la princesse" ! Cette atrocité me loge sur le substrat matériel du Logos, sans payer aucune redevance ! c'est inacceptable mais c'est comme ça.

Ah, je voulais te dire que c'est l'homme qui a fait la Shoah et pas l'animal. Dans le monde animal, pas de rwanda, pas de guerre de Yougoslavie, pas de racisme, pas de spécisme, etc. Heureux celui qui n'a pas eu l'occasion de méditer ces mauvais coups dont nous sommes seuls capables - la grande spécificité humaine : le massacre gratuit.


de L.L. de Mars
21 Jan 2006 19:03:43

> vrai : en psycho, on répète les tests, en socio, on contrôle strictement les données et du moins on peut en soumettre le recueil et l'interprétation au feu de la critique en cherchant donc à établir le factuel, dans plein de disciplines on consigne, enregistre, archive, accumule, de sorte que ça donne de la matière pour faire des synthèses et monter des théories les plus adéquates possibles à l'observé.

Il y a un autre endroit où on «consigne, enregistre, archive, accumule, de sorte que ça donne de la matière pour faire des synthèses et monter des théories les plus adéquates possibles à l'observé».
Cet endroit s'appelle la psychose.
Lire les Cahiers de l'Art Brut pour les plus jolis effets? Non, trop long. Alors juste regarder la bourse. Délire moins créatif, mais pas moins délire.
Le mode ne nous renseigne pas sur la fiabilité des objets dont il est le comptable (voir aussi les comptabilités hallucinées et absurdes d'Auschwitz).

Superstition quand tu nous tiens... Avec la communication, la machine?

Et plus bas , histoire de pas engorger encore les boîtes aux lettres: pour l'argent, Ludovic, n'insiste pas: ça non plus, tu ne l'a absolument pas compris et je te trouve suffisamment casse couilles avec les sujets publics pour te demander de ne pas ramener en plus le fardeau de nos conversations privées ici. Tant que tu placeras mon rapport à l'argent sur ce mode affectif, tu ne l'auras pas compris. Ça satisfait la courtesse de tes vues sur le sujet (hé oui, encore un) mais c'est sans rapport aucun avec la réalité. Contrairement à toi, je n'ai aucun problème avec l'argent. Juste: il ne m'intéresse pas.

L.L.d.M.


de Ludovic Bablon
21 Jan 2006 20:34:25


>la mort d'une huître ne sera jamais équivalente à celle d'un humain, et les antispécistes n'hésitent la plupart du temps à aller jusque là.

Oh non ou s'il y en a qui le disent ça me semble ridicule. Bien sûr que non. Je viens de capturer des rats, je ne me sens pas coupable de barbarie, je les nourris, mais s'ils crèvent, c'est pas si grave. Par contre je suis certain qu'ils ont une vie mentale, ils flippent grave quand ils me voient arriver... mais aussi ils s'habituent, on apprend à se connaitre.
Les huîtres ça n'a pas de cortex ! Alors pas de pitié, où est le citron?

> Que l'homme ai fait la shoah est une chose, qu'on se serve de ça pour dire que l'animal n'est, "lui", ni capable de mauvais coups, ni d'extermination, ni de massacre gratuit est une connerie énorme il n'y a qu'à observer un chat avec une souris ou un oiseau pour le comprendre. Personnellement ça ne me choque pas qu'un chat mette une heure à tuer une souris ou un oiseau sans même le bouffer... c'est comme ça...

c'est ta phrase qui est énorme... la haine est inconnue de l'animal autre qu'humain. Ils sont pas tendres entre eux les animaux ! ça je suis bien d'accord, ça me plait, je l'accepte ! C'est pas tout rose la vie, c'est carnassier de temps en temps.

>Autant je suis contre l'industrialisation de la bouffe dans notre société qui va dans le sens d'une exploitation animale qui s'est développée jusqu'à en devenir malsaine,

ça c'est un enjeu réel. Il semble donc qu'on soit à la base charognards. Ensuite, chasseurs. Ensuite, éleveurs. Donc en tout cas : on mange de la viande, ou au minimum certains êtres humains qui le souhaitent doivent pouvoir en manger, ça a l'air de coller avec ce qu'on est. Maintenant leur faire vivre la prison dès la naissance avant de les abattre froidement sans jamais les avoir laissé voir le soleil ça c'est bien de la barbarie humaine, il n'y a pas d'autre mot. Qu'on les bouffe ; qu'on les tue ; mais qu'on les respecte comme animaux ayant besoin de nature, également.

> Pour élargir le propos, la souffrance est un concept très humain (nous l'avons élaboré et nommé) qui n'existe que parce que nous l'analysons et que nous avons conscience du mal qui peut nous être fait ou qui nous est réellement fait. Je ne nie pas que certaines espèces animales ressentent une sorte de souffrance, mais il faudrait voir à ne pas aller trop loin, tuer un être humain ou une vache, poule ou lapin n'a rien a voir. Tuer un être humain et un singe ou un dauphin se rapproche déjà davantage - de plus c'est une réalité scientifique indéniable -, mais ça reste différent pour bien des raisons.

Je suis d'accord avec ça, parfaitement. Les bestioles ressentent sans doute un stress psychique mais ça n'est pas la souffrance morale dont je crois l'homme seul capable. Par contre pour éprouver de la douleur, il suffit d'être doté de sensibilité nerveuse, et ça il semble que même les lombrics en aient (') en tout cas les poules, les ptits lapins, les vaches, les singes, les poissons, les mammifères marins... l'éprouvent. Ils crient quand ça leur fait mal. Descartes disait que quand on bat un chien, il crie, mécaniquement. Le béhavioriste croit la même chose du vide qu'il infère dans sa boite noire. Mes ruraux de haute-Marne étaient des barbares envers leur bétail. Et que je te cogne dessus comme un taré pour te déplacer, et que je te nique à l'abattoir à coup de décharge électrique ! Les cultures qui cohabitent avec l'animal ont d'autres pratiques. Pour trouver de l'eau, les bushmen capturent un singe, l'assoiffent, le lâchent en laisse et le suivent ; le bushmen sait que le singe l'amènera vers une source. Beauté de cette ruse humaine utilisant l'intelligence animale, la détournant à son profit, sans trop lui nuire.

>La hiérarchie qui nous est imposée par le règne animal et plus globalement par la chaîne alimentaire dont nous faisons partie semble peut être dure mais c'est ainsi, le but étant de ne pas en abuser bien entendu ce qui est, je suis le premier a le déplorer, souvent le cas... surconsommation etc bla bla bla. Mais encore une fois il faut voir à ne pas dire n'importe quoi : les propos sur la Shoah me donnent déjà envie de fuir, dire que dans le monde animal il n'y a pas de racisme, de spécisme etc. c'est vraiment le néant de la réflexion le plus total... même un gosse de 5 ans observant la nature serait capable de prouver le contraire... Le spécisme et l'antispécisme sont des concepts pourris qu'on se le dise et je n'aurais de cesse de lutter contre... Hitler était végétarien, tout le monde le sait sans doute, et ça ne fait pas de tous les végétariens/végétaliens/antispécistes des gros nazis, bien sur, néanmoins ceci s'ajoute à ce qu'on vient de lire et cela met en valeur le fait que les fondement mêmes de ces théories sont dangereux.
A titre d'information pour ceux que je vois venir me taxer d'intolérance, la personne avec qui je vis est végétalienne et un peu "anti-spéciste" (ça se passe très bien, merci ;-) ).

Well, beaucoup de confusions là-dedans, tu écris tout ça après mes messages, et tu critiques abondamment des choses que je n'y ai pas mis, que l'anti-spécisme n'y mets pas, et avec lesquelles je suis ma foi entièrement d'accord.
L'anti-spécisme ça n'implique pas de s'inscrire à la SPA ni de pleurer avec Brigitte Bardot. L'anthropisation s'est largement faite sur le rapport au cadavre animal - sa mise en valeur, en utilité. Cabanes préhistoriques rondes, faites de défenses d'éléphants et tendues de peaux de ruminants. Flèches de chasse et hameçon, très habilement taillés dans l'os ou le bois de rennes (pas le village des irréductibles bretons, l'animal). La guerre humaine aussi se fait avec des chevaux tirant des chars ou supportant des cavaliers, et lros de la deuxième guerre mondiale, des dauphins porteurs de mines, instrumentalisés par les militaires, ont fait sauter des navires de guerre. C'est une constante de notre histoire, je ne vois pas que du mal là-dedans : c'est notre privilège d'être les plus malins, ça crée une sorte de droit. Simplement, il y a l'amour et il y a la haine ; le cavalier aime et connait son cheval, il le ferre, il le soigne, il le nomme, il nourrit une affinité particulière avec lui. L'éleveur texan le capitalise, le démocrate australien l'élimine en le bombardant, et le cocher de Nietzsche le bat jusqu'au sang...


de Caroline Leduc
21 Jan 2006 22:10:32


Laurent, je fais un essai, tu permets?

>Oui, oui je vois vaguement ce que c'est. J'essayais de métaphoriser, avec pas beaucoup de justesse d'ailleurs, ce que je n'avais pas eu l'occasion de penser jusqu'ici.

Le religieux et l'athéisme sont des choses très différentes, certes, mais s'articulent : pas d'opposition frontale.
Tout rapport au divin met en jeu une négativité (interdits, etc) : point commun

> Euh, en fait c'est plus ou moins une secte la liste non? Il y a moyen de ne pas postuler le divin?

Tu sais, cette discussion est une vieille rengaine du Terrier...
Si tu le permets, je voudrais m'expliquer succintement sur cette question de la fonction de Dieu. Tu parlais sur un autre fil de la démarche positiviste du scientifique qui exclut Dieu pour la nécessité de la démonstration, à partir de l'expérience. Or il est possible de penser cette exclusion de Dieu comme précisément sa fonction. Et c'est là où se rejoignent épistémologiquement parlant athées et croyants : la place d'un inconnaissable, même si les conséquences et l'imaginaire qui l'habille en sont tout à fait différentes. Cet inconnaissable, tu en reconnaissais l'existence aussi dans la démarche scientifique. Mais pour ma part, je ne crois pas qu'il soit contingent et qu'un jour, le progrès des connaissances aidant, on aura sous la main une réalité transparente à elle-même. C'est un inconnaissable structural, terrifiant comme tel, et parfois on peut s'en servir (c'est par exemple le moteur à chercher). Évidemment, il est possible de lui donner d'autres noms que Dieu (la mort, le candidat socialiste à la présidentielle, ou la mouche en tant que telle !)

> Par ex moi mon prosélytisme est pas particulièrement athée c'est plutôt un cancer généralisé de l'_expression_...

Qu'entends-tu par là?

>Au lieu du Grand Extérieur je te ramène un PLEIN énorme, et gratuitement en plus ! Tu fais le plein de toi-même en temps que matière vivante sous forme d'animal, tu fais le plein du monde en tant que puissant, autonome, libre, tu fais le plein des autres en tant que porteurs de multitudes de potentialités non-conditionnées par les providences !!! Ecoute, accepte cette offrande !

Mais oui nous sommes d'accord, on peut dire le plein (=le vide de langage). Et je pense qu'un certain nombre de malentendus sont levés quand tu parles du plein de la matière vivante et de l'animal.

>T'as l'air un peu atteinte quand même par la maladie de la foi...

J'aime bien croire, c'est vrai, à plein de choses.
Ce qui est triste, c'est que Dieu ne croit pas en moi.

Caro


de Ludovic Bablon
21 Jan 2006 22:55:46


> Laurent, je fais un essai, tu permets ?

démarche scientifique : on poste des trucs dans la boite noire et on regarde comment l'animal réagit... "oh oh, j'entends des petits grattements suspects", note la scientifique caroline dans son Journal !

> Tu parlais sur un autre fil de la démarche positiviste du scientifique qui exclut Dieu pour la nécessité de la démonstration, à partir de l'expérience.

c'est encore un peu pire que ça,
1/ par parcimonie on ne le postule pas
2/ expérimentalement ou dans l'observation on ne le retrouve pas
3/ on fait donc son établissement de connaissances dans une parfaite indifférence à cette question.
Ensuite on va dehors, on voit des prêtres et on leur dit "euh, de quoi tu parles ? on a jamais rien vu de tel que le truc que tu crois qui t'a créé !"

> Or il est possible de penser cette exclusion de Dieu comme précisément sa fonction.

C'est ce que m'avait expliqué Laurent ! Le Tzimtsoum ! Il s'est retiré du monde afin de laisser la liberté aux hommes... un beau cadeau pour les exterminateurs de tous poils. ça a permis le choix moral... et les affres de Bernanos.

> Et c'est là où se rejoignent épistémologiquement parlant athées et croyants : la place d'un inconnaissable, même si les conséquences et l'imaginaire qui l'habille en sont tout à fait différentes. Cet inconnaissable, tu en reconnaissais l'existence aussi dans la démarche scientifique.

Non non, pas vraiment le même ! Toi tu parles d'un inconnaissable connu comme le loup blanc, un inconnaissable dont on saurait, musulman, les 99 noms (et pas le 100è classé top secret!), un inconnaissable capable de mettre le feu aux buissons sans chaleur ni combustion, un inconnaissable agissant un peu comme un serial-killer sur les corps de ses saintes victimes catholiques (cf Sainte Lydwine de Schiedham chez Huysmans), un inconnaissable envoyant son esprit saint faire "parler les langues" dans les temples protestants (ça a traumatisé mon pote Julien B. ça), bref un inconnaissable fiché, classé, étudié, révélé sous le soleil ! Un scolastique t'entendrait parler je crois qu'il irait dévorer la cloche de son église en ruine, par colère ! Ils pensaient qu'on pouvait y accéder (au lieu sublime, au moteur invisible qu'on peut suivre à la trace par ses giclures le long de l'histoire sainte des alliances, des guerres qu'il soutient, des masacres de païens qu'il cautionne, etc) par la raison, mais quand la raison a découvert un peu plus tard que cette opinion avait tort, la foi s'est réfugiée dans un "tu peux pas m'attraper, je suis caché", une sorte d'absence de cabane dans un fantôme d'arbres, un jeu joué par de trop petits enfants du Père.
Tandis que mon inconnaissable scientifique il est de deux ordres,
- structural comme tu as dit, épistémologiquement inconnaissable (ben y'a pas moyen de dire ce qui se serait passé si Cléopâtre VII avait eu le nez de Pinocchio, si ce n'est peut-être qu'Antoine aurait fini borgne à trop la cajôler, dans un autre domaine on ne peut pas calculer à l'atome près la quantité de matière dans l'univers parce que l'instrument de mesure lui-même n'aurait pas l'occasion de geler le temps qu'il s'en dissout et qu'il s'en crée)
- ou conjoncturel, à savoir qu'avant d'avoir bien cherché on ne peut pas encore avoir trouvé (par exemple, la première chose qui me vient : pour démantibuler le racisme biologique (en réalité sourcé dans l'idéologie essentialiste!!! entre autres religieuse, chrétienne, les bons pères belges du Rwanda...), qu'on pouvait pas bien niquer avant, les démographes ont fait de la recherche génétique statistique sur les populations au niveau mondial ; on a étudié divers traits biologiques (genre le rhésus, la mélanine...) et on a regardé la répartition ; ça montre clairement que c'est un sacré mêli-mêlo et que tous les rigolos "anthropologues" européens qui ont utilisé le concept de race surtout en la voulant pure ou purifiable se le sont mis dans l'oeil et bien profond.)
A part ça, j'ai cru lire quelque part que Husserl (est-ce bien lui') avait interdit un scepticisme radical en disant simplement que si le sceptique dit qu'on ne peut rien savoir, il commet déjà une faute logique qui consiste à affirmer qu'on sait qu'on ne sait pas, son énoncé entrant en contradiction avec lui-même.
Donc je vais te demander, toi, ton inconnaissable, par quels moyens tu le connais' Tu as regardé un truc un jour et tu as vu que c'était invisible'
Pour moi cette idée de dieu est simplement issue d'un monde où tout ce qu'on sait aujourd'hui était ignoré, à l'époque c'était une idée et une pratique qui allait dans le sens de l'affirmation d'une intelligibilité du monde ; c'était un progrès, mais ça a fait son temps, on n'est pas restés non plus scotchés à B(o)uffon quant à décrire les animaux, et il n'y a guère qu'Héraclite qui reste inactuel avec son "Tout coule, mon amie, tout coule, faut s'y faire".

>>Par ex moi mon prosélytisme est pas particulièrement athée c'est plutôt un cancer généralisé de l'_expression_...
>Qu'entends-tu par là?

C'était rien qu'une vanne pour décontracter les anus. Je suis prosélyte sur tous sujets, animaliste (par amour), sexuel (pour des pénétrations fréquentes et profondes), littéraire (pour Büchner et Koltès), politique (proarabes immigrés, propeuple capable d'apprendre, anti-propriété immobilière locative), insupportable à tous propos, pas juste sur la religion ou les animô (dont le nom vient malheureusement d'âme, indéracinable dualisme...)

>Mais oui nous sommes d'accord, on peut dire le plein (=le vide de langage). Et je pense qu'un certain nombre de malentendus sont levés quand tu parles du plein de la matière vivante et de l'animal.

ah? c'était ambigû? Question sans méchanceté, manque le ton.
Pardon au passage pour un "en temps que" dans ce à quoi tu répondais !! En tant que !

> J'aime bien croire, c'est vrai, à plein de choses. Ce qui est triste, c'est que Dieu ne croit pas en moi.

Toute l'histoire sainte a montré que c'était, comme dit Kinski qui est "der Zorn gottes" (la colère de Dieu) der grösser Verrätter (le Grand Traître), il n'a fait que trahir les Alliances qu'il a infligées à ses peuples en leur demandant de produire des sacrifices (animaux plutôt qu'humains, à l'époque c'était déjà un progrès vers une humanité plus douce), les mettre en guerre et les laisser exterminer. Il ne nous veut pas du bien. Il faut trouver le lieu où il habite et l'étouffer avec son oreiller. Sans pitié. Alors comme dit Nietzsche nous serons gais comme des enfants sur la terre !
Prends soin de toi Caro, trouve toi un mari ou une épouse sur la terre, quelqu'un digne de confiance.


de Caroline Leduc
21 Jan 2006 23:10:02


Je vais me trouver dans l'obligation malheureuse de couper dans tout ça.

>après quelques petites heures de perlaboration et de ruminage bovin, je me sens à même de produire une synthèse des enjeux en cours.

Je crois en fait que dans tous les conflits récents la question centrale a été celle du langage, alors revenons-y.

(...)

> Ce Verbe est très gentil, il fonde le monde en le nommant ; ça s'appelle d'abord et ensuite seulement ça vient ! Au pied toutou !

Oui, c'est tout à fait désagréable. Et ça n'en n'est pas moins vrai pour ce qui concerne l'humain. Un exemple, mettons, mon nom de famille m'était promis avant même ma conception.
(je précise par la suite la frontière côté animal).
Quant à l'origine du langage, on va poser qu'on s'en fout (c'est la fonction Dieu).
Il y a du réel sans nom, mais personne pour le dire (définition approximative numéro 1). Si on gagne du terrain sur ce réel, il se chiffre ou se nomme (sciences dures et molles). Donc la question est : comment parvient-on à mordre sur le réel?'

(...)

> ce langage pensé et parlé, est le gros argument théologique en faveur d'une séparation métaphysique entre les pauvres animaux sans parole, et les grands locuteurs humains.

Concernant ce que tu appelles ailleurs le "narcissisme du Logos" : pourquoi serait-ce la caractéristique d'une supériorité ? Ne peut-on plutôt concevoir le langage comme un parasite de l'humain qui n'a rien d'enviable, quelque chose comme une maladie? Exemple : on ne peut pas s'empêcher d'interpréter ce que les autres nous disent en termes de savoir ce qu'ils nous veulent, ce qui cause bien des embarras (vu qu'on se gourre lamentablement).

> Alors que dans une perspective naturaliste parcimonieuse et non-dogmatique les données disent qu'en l'absence de locuteurs le langage n'était pas là aux genres de dates où on retrouve des ammonites fossiles, et pas non plus à celles de toute la paléontologie,

(Fonction Dieu)
Remarque : en l'absence de locuteurs, le langage n'est forcément pas là.

> et que donc la généalogie serait plutôt : d'abord le monde, ensuite des bouts de monde qui lui donnent un nom (et le cas échéant le traitent comme un chien).

Tu réintroduis donc le langage comme une aptitude de l'homme qui fait témoignage, sinon de sa supériorité, du moins d'une différence avec l'entité que tu appelles monde (mais qui en fait ne se nomme pas).

>Aspect suivant : le logocentrisme descripteur spécifique de l'humain est devenu bien rigolo à partir du moment où les sciences humaines un peu mûres se sont mises à étudier toutes les autres formes d'émission de signaux [..] la charge signifiante des dispositifs techniques (B. Latour : un objet comme la ceinture de sécurité est une matérialisation contraignante d'un texte de loi, une pensée matérialisée et produite en série) ;

Définition approximative numéro 2 : le langage ne se résoud pas dans une parole effectivement prononcée. C'est la question de l'intentionnalité supposée à l'autre (contextualisme), ce qui suppose nécessairement un usage du langage.

> le pauvre Logos, il s'est retrouvé bien isolé : ni Platon ni Plotin ni la Bible n'avaient envisagé ni repéré ni reconnu toute ces façons de fabriquer du "dire".

Non, mais avec Lacan, tu y viens ! Il ne suffit pas que ce soit tu (taire) pour que ce ne soit pas du langage. Et même, si c'est tu, c'est très probablement tout à fait déterminé par du langage !
En te lisant, on a l'idée qu'il y a une intersubjectivité sans reste, comme si tout était transmissible d'une personne à l'autre. Je trouve diablement plus intéressant de questionner les choses sous l'angle de ce qui rate. Les exemples foisonnent de malentendus dans la communication (je ne te parle même pas des "cultures" différentes, mais de moi et de mon frère par exemple).

> Or ce que l'éthologie entre autres a montré, c'est que ces formes de "communication"-là, elles étaient partagées dans une grande partie du vivant, le Primate Beau Parleur n'étant qu'un cas parmi tant d'autres d'animaux doués de la faculté d'exprimer à d'autres êtres une émotion, une idée ou un état d'esprit. Ah le noble animal, la tête qu'il a fait quand cette révolution lui a ravi un de ses derniers privilèges !

Je ne conteste pas la possibilité d'émotions, ou d'anticipations minimales de l'action chez l'animal ( = idée et état d'esprit me semblent vraiment trop anthropomorphiques), ni la possibilité pour les animaux d'échanger des informations. Et justement, c'est là la différence avec l'homme : les animaux se COMPRENNENT. Et pas nous (cf. cette discussion).
Toute l'info passe de l'émetteur au récepteur chez les animaux. Et nous, on pige rien, ou seulement ce qu'on veut bien piger.
Dans la perspective psychanalytique, c'est à mettre en relation avec le fait que les animaux font du sexe ensemble sans problèmes (et si ça se trouve ils jouissent comme des malades !), tandis que chez nous c'est tout de même tout un truc (quel que soit le truc).
(poésie je zappe)

Synthèse :
> Le langage a servi trop longtemps les intérêts religieux et philosophiques logocentriques, il a produit trop d'oeuvres qui ne lui servent qu'à se justifier lui-même !

À quoi doit-il servir, d'après toi?

> Heureusement, sauvés, nous jetons l'acide sale de ce bain révélateur en gardant le bébé : le langage verbal plus que toute autre forme de production signifiante est apte à dire le réel tel que les réalités le vivent.

Mais qui dit ça? Au contraire, on est tous bien désolés des insuffisances du langage...

> Au lieu de l'utiliser pour s'auto-justifier de manière stérilement tautologique (je parle=je parle), on peut en faire l'outil de compte-rendu de tout ce qui dépasse et déborde la pauvre et misérable condition humaine : philosophiquement ambitieux, il servira à dire par exemple le vécu animal, à décrire amplement ou minusculement des points de vue autres qu'humains (car à quoi bon, les connaissant déjà trop bien de l'intérieur

Il paraît que tes romans sont excellents, j'aimerais bien aller y voir, et je te trouve plutôt une bonne plume. Ma foi, si tu écris un roman avec le point de vue narratif d'une mouche, j'irais voir et je suis sûre de m'amuser. Tu n'en deviendras pas pour autant mouche. Et ça ne voudra pas dire que tu n'auras pas inventé quelque chose (cf. ma question du début).

> si au contraire le langage est mis au service d'une quête transcendante des vécus inouïs et des modes d'être étrangers, les tendances religieuses presque inhérentes à l'esprit humain seront satisfaites dans un cadre paradoxalement matérialiste, naturaliste, évolutionniste, athée et anti-spéciste !

Là j'ai pas compris la fin.

La question de l'altérité franchement, pas besoin d'aller loucher chez les animaux. Mon fils, ma voisine à la cantine ou simplement le fait que des fois je ne comprenne même pas moi-même pourquoi je dis ou fais telle chose peuvent y servir aussi bien. Mais bon, pourquoi pas?

>Dé-lyrant, le spécialiste du langage quitterait les seules ornières humaines pour adopter les points de vue des choses, des plantes, des planètes ; elles parleraient à travers les singes...

> la littérature transobjective parlerait le seul langage qui vaille la peine d'être consigné par écrit pour les siècles des siècles : celui qui DIRAIT LE MONDE. Yes !

Vas-y.
A bientôt les petits lapins.
caro, miaou.


de Ludovic Bablon
22 Jan 2006 00:09:18


> Je vais me trouver dans l'obligation malheureuse de couper dans tout ça.

écoute c'est pas plus mal j'aime les gens qui osent.

> Quant à l'origine du langage, on va poser qu'on s'en fout (c'est la fonction Dieu).

(bon ça j'ai déjà dit non mais passons)

> Il y a du réel sans nom, mais personne pour le dire (définition approximative numéro 1). Si on gagne du terrain sur ce réel, il se chiffre ou se nomme (sciences dures et molles). Donc la question est : comment parvient-on à mordre sur le réel ?

ohlala je ne sais pas !!!

> Ne peut-on plutôt concevoir le langage comme un parasite de l'humain qui n'a rien d'enviable, quelque chose comme une maladie ' Exemple : on ne peut pas s'empêcher d'interpréter ce que les autres nous disent en termes de savoir ce qu'ils nous veulent, ce qui cause bien des embarras

euh, oui, je ne vois rien à redire? je suis censé? Où veux-tu en venir justement? peut-être plus bas, je descends, gloub gloub.
Alors que dans une perspective naturaliste parcimonieuse et non-dogmatique les données disent qu'en l'absence de locuteurs le langage n'était pas là aux genres de dates où on retrouve des ammonites fossiles, et pas non plus à celles de toute la paléontologie,

>(Fonction Dieu)
Remarque : en l'absence de locuteurs, le langage n'est forcément pas là.

comment ça? tu veux dire quand l'homme est là, qu'il est une espèce en état de parler, mais dans une situation où il n'y a pas d'inter-locuteur? ou tu veux dire quoi?

>Tu réintroduis donc le langage comme une aptitude de l'homme qui fait témoignage, sinon de sa supériorité, du moins d'une différence avec l'entité que tu appelles monde (mais qui en fait ne se nomme pas).

oui, c'est ça ; il ne se nomme pas lui-même, mais la représentation verbale que nous en faisons en dit réellement quelque chose, je crois. Par exemple, aucun animal n'a écrit d'arbre phylogénétique, mais ceux que l'homme a faits, ils sont de plus en plus précisément représentatifs des généalogies des espèces vivantes et fossiles. On est d'accord?

>Définition approximative numéro 2 : le langage ne se résoud pas dans une parole effectivement prononcée. C'est la question de l'intentionnalité supposée à l'autre (contextualisme), ce qui suppose nécessairement un usage du langage.

rââ j'ai beau lire et relire je ne vois pas bien ce que tu veux dire, je suis désolé. Je ne comprends pas pourquoi tu places ça à ce moment là de mon post, entre autres. Et que veut dire "ne se résoud"? J'ai du mal à en déterminer l'extension, un synonyme? Il ne "tient" pas totalement dans une parole etc? Ou quel autre verbe?

>En te lisant, on a l'idée qu'il y a une intersubjectivité sans reste, comme si tout était transmissible d'une personne à l'autre. Je trouve diablement plus intéressant de questionner les choses sous l'angle de ce qui rate. Les exemples foisonnent de malentendus dans la communication (je ne te parle même pas des "cultures" différentes, mais de moi et de mon frère par exemple).

Ahh.. alors bon, non, j'ai le sentiment de ne pas vraiment avoir traité le sujet sous l'angle d'une interssubjectivité avec ou sans reste, ça je ne sais pas trop, ce que tu dis me semble très bien, il doit y avoir un reste, le fait que ça ne passe pas est intéressant, les malentendus par exemple sont une matière première pour le scénariste dialoguiste que je deviens, donc ça me va, c'est surprenant ?Y a t-il justement malentendu?? :-)
En fait ce n'était peut-être pas clair alors je vais préciser que ce post dans sa ligne directrice/son fil conducteur (et même si je prends des tas d'objections dans le but de dégommer le Verbe version théologique, parole divine qui créerait l'être) viserait le langage plutôt descriptif ou narratif et non pas dialogique. Je vise, utltimement, la possibilité de raconter des histoires et de faire des descriptions, qui soient écrites et lues par l'humain et conçues de bout en bout pour lui, mais dont la matière ne serait pas lui, ne serait pas le monde humain. Je ne suis pas sûr de moi là-dessus ! je doute ! Mais aussi ça m'enthousiasme presque maladivement ! Enfin, pouvoir sortir de là ! Enfin, être dans une autre tête, ou dans une absence de tête, dire ce qui se passe dans la foret quand il n'y a ni chasseur ni braconnier...
Or ce que l'éthologie entre autres a montré, c'est que ces formes de "communication"-là, elles étaient partagées dans une grande partie du vivant, le Primate Beau Parleur n'étant qu'un cas parmi tant d'autres d'animaux doués de la faculté d'exprimer à d'autres êtres une émotion, une idée ou un état d'esprit. Ah le noble animal, la tête qu'il a fait quand cette révolution lui a ravi un de ses derniers privilèges !

> Je ne conteste pas la possibilité d'émotions, ou d'anticipations minimales de l'action chez l'animal ( = idée et état d'esprit me semblent vraiment trop anthropomorphiques),

idem, très juste, mais c'est par défaut de lexique et non par un réel anthropomorphisme de ma part.

>ni la possibilité pour les animaux d'échanger des informations. Et justement, c'est là la différence avec l'homme : les animaux se COMPRENNENT. Et pas nous (cf. cette discussion).

outre le côté amusant tu dois admettre qu'il en passe quand même suffisamment pour que ça ne soit pas simplement du bruit. Une analyse par ordi sans conscience du vocabulaire des envois et des réponses pourrait établir qu'il y a corréaltion entre elles. L'un parle de dieu, l'autre répond en critiquant dieu. Ce n'est pas aléatoire alors on doit bien communqiuer un petit peu...

> Toute l'info passe de l'émetteur au récepteur chez les animaux. Et nous, on pige rien, ou seulement ce qu'on veut bien piger.

oui, si tu veux ; en tout cas ça semble confirmer que tu parles du langage en pensant au dialogue, à l'échange, et moi j'avais plutôt en tête et d'une manière trop peu explicite dans le post, j'avais en tête le langage littéraire, ou celui de l'étude scientifique, de l'encyclopédie, etc, qui ne sont pas tout à fait comme des causettes mail ou face à face, qui visent vraiment à dire : la marquise sortit à tel heure, je ne te le dis pas vraiment, je te le raconte, je ne vise pas à te faire REPONDRE, je vise à te faire imaginer, à te transmettre un schéma mental. Si x écoute une conférence de physique il ne veut pas discuter avec le physicien, mais intégrer mentalement par le moyen du langage CE DONT il parle.

> Dans la perspective psychanalytique, c'est à mettre en relation avec le fait que les animaux font du sexe ensemble sans problèmes (et si ça se trouve ils jouissent comme des malades !),

tu crois quoi d'ailleurs à ce sujet, en tant que... praticienne... ? Les chattes ont mal il parait parce que le génital organe du chat est plein de petits piquants !

>(poésie je zappe)

t'as bien raison, vive le roman comme dirait cipmarseille ! (private joke)

>À quoi doit-il servir, d'après toi?

ben je le dis juste après... et paradoxalement, à nous "créer des liens" (religio) avec le non-humain qui nous entoure...
Heureusement, sauvés, nous jetons l'acide sale de ce bain révélateur en gardant le bébé : le langage verbal plus que toute autre forme de production signifiante est apte à dire le réel tel que les réalités le vivent.

> Mais qui dit ça? Au contraire, on est tous bien désolés des insuffisances du langage...

là c'est moi qui dit ça ! mon esthétique ! insuffisant oui mais par exemple dans Body art de DeLillo le personnage féminin ne dit jamais "putain, mon mari est mort", il décrit qu'elle parle à un espèce d'enfant autiste réfugié dans le grenier, et pourtant on comprend que de bout en bout il s'agit de la mort... donc par des moyens périphériques habiles on peut exprimer ce qui a tout l'air indicible, mais seulement l'air, car c'est dicible autrement.
Au lieu de l'utiliser pour s'auto-justifier de manière stérilement tautologique (je parle=je parle), on peut en faire l'outil de compte-rendu de tout ce qui dépasse et déborde la pauvre et misérable condition humaine : philosophiquement ambitieux, il servira à dire par exemple le vécu animal, à décrire amplement ou minusculement des points de vue autres qu'humains (car à quoi bon, les connaissant déjà trop bien de l'intérieur'), des échelles autres que celles de nos sens bien limités, des temporalités également autres, etc etc.

> Il paraît que tes romans sont excellents,

incroyable !!! il n'y a guère que lolo qui pense ça et c'est de la calomnie, je vais te dire, j'ai écrit des trucs qui sont conceptuellement bien fondés (genre l'évangile où le Christ revient exprès pour se suicider officiellement, c'est la mort de Dieu de Nietzsche revue avec la méthode d'empathie issue des sciences humaines et animales de l'immersion), mais où le style est trop souvent verbeux, ceci du fait que le SCENARIO était maîtrisé à peu près comme un stylo par la patte sans doigts d'un cochon. Mais maintenant, ce problème de nullité scénaristique semble en passe d'être réglé, et de même en philosophie/esthétique je crois que j'ai des armes de meilleur calibre, donc c'est seulement maintenant que ça va donner. Pas d'inquiétudes, je vais être l'écrivain français majeur de ce début de siècle, tout simplement. (il en faut bien un.) Les parigots vont être super abattus, ce sera venu d'un plouc de Haute-Marne qui se promenait dans les champs de vache en jogging fluo Nike il y a rien que 10 ans... la honte pour la France !!!

> j'aimerais bien aller y voir, et je te trouve plutôt une bonne plume. Ma foi, si tu écris un roman avec le point de vue narratif d'une mouche, j'irais voir et je suis sûre de m'amuser. Tu n'en deviendras pas pour autant mouche. Et ça ne voudra pas dire que tu n'auras pas inventé quelque chose (cf. ma question du début).

ah d'accord c'est la question "comment mordre à pleines dents dans le réel"... si tu veux j'ai la destination mais le moyen de transport pour y aller est pas encore tout à fait opérationnel... les éléments de réponse, c'est :
- les données scientifiques ;
- toutes les oeuvres qui vont déjà dans ce sens ;
- l'empathie, l'imagination, la projection ;
- une manipulation osée des traits sémantiques découplés de leurs supports habituels (la littérature, plus que les autres arts peut-être, est apte à bouleverser les ordres et à chambouler les données)
L'intérêt? Eh bien, produire une mystique du monde désanthropocentré, toujours ça ! Si le singe humain ne parle que de singeries, on s'ennuie et on invente des dieux pour passer le Temps ; si au contraire le langage est mis au service d'une quête transcendante des vécus inouïs et des modes d'être étrangers, les tendances religieuses presque inhérentes à l'esprit humain seront satisfaites dans un cadre paradoxalement matérialiste, naturaliste, évolutionniste, athée et anti-spéciste !
Là j'ai pas compris la fin.

>La question de l'altérité franchement, pas besoin d'aller loucher chez les animaux. Mon fils, ma voisine à la cantine ou simplement le fait que des fois je ne comprenne même pas moi-même pourquoi je dis ou fais telle chose peuvent y servir aussi bien. Mais bon, pourquoi pas?

d'accord mais l'altérité du voisin ou même de l'humain le plus éloigné ça reste quelque chose du même ordre, c'est là que ça n'est PAS si intéressant que ça... partout tu vas entendre parler d'amour, alors que si j'arrive à rentrer dans un putain de bloc de roche, ça va te faire un voyage très zen, te reposant de ton humanité... là je suis quand même assez en affinité avec les côtés contemplatifs des religions notamment panthéistes, l'aveugle sous la cascade...
J'ai envoyé ctaprem à Anne-Valérie qui vient de s'inscrire le bout de strophe des chants de Maldoror qui commence par "Je suis sale. les poux me rongent." etc. C'est un texte où le sujet, au lieu de vivre une éducation sentimentale ou de méditer un complot politique ou de faire ses affaires humaines, devient une matière inerte remplie d'animaux dégoûtants. J'aime bien, ça va dans le sens où je voudrais aller.
Aussi, la métamorphose de Kafka. Notre Gregor il est intéressant parce qu'il a une carapace assez dure au départ et plein de nouvelles pattes dont il ne connait pas encore l'usage.
Dans un roman japonais cette fois c'était du soja qui poussait sur la jambe d'un type... ça germait bien, c'était fertile.
Donc là c'est le cas où on montre que l'humain peut aller vers du tout autre, mais ce n'est pas vraiment la seule vie du tout-autre.
Alors que je crois que c'est possible de faire un roman sur mettons un écosytème : tu prends un segment de rivière, ses paramètres, ses propriétés, tu trouves des axes, tu scénarises et dramatises pour que ça soit lisible par les humains, mais ça ne parlera que d'eau, de lumière et d'ombre, de petits bruits cycliques et de chants d'insectes...

>Excuse-moi, mais tu réintroduis le langage à tous les coins de rue...

je ne veux pas du tout virer le langage !!! je suis réellement écrivain !! Juste le logos divin qui ne me plait pas, qui sert de critère de coupure là où justement c'est un média d'unité !
A des années-lumière de l'esthétique aride et élitaire d'un Mal-armé, la littérature transobjective parlerait le seul langage qui vaille la peine d'être consigné par écrit pour les siècles des siècles : celui qui DIRAIT LE MONDE. Yes !

> Vas-y.

ouais faut vraiment que j'arrête d'écrire ici... mais avant d'écrire il fallait que je soumette, comme a bien vu Philippe de J(+ lettres néerlandaises), pour voir si ça semblait jouable... et puis pour affiner un peu, en mettant au contact. Merci liste !
caro, miaou.

minou minou minou !!!
++ caro, j'ai bien aimé ton absence de méchanceté.



de Raphaël Edelman
22 Jan 2006 09:22:10

> Ton anarchisme... n'éprouve aucune joie' AN-ARCHè :pourquoi accepter le dogme de la puissance divine? Pourquoi maintenir la fiction d'une petite porte secrète à l'intérieur de l'esprit par laquelle le Grand Extérieur viendrait nous sussurer ses commandements?

Quelle importance ? Faut-il absolument que je décline mon identité une fois pour toute ?Serait-il plus confortable de me coller une étiquette ? Encore une fois, sur cette liste, je m'intéresse aux sujets dans leur parole et à leur temporalité et non en tant qu'il se font le relais d'une catégorie sociale. Je serai anarchiste pour les fondamentalistes et croyant pour les anticléricaux. Ce n'est d'ailleurs pas de l'opportunisme mais l'inverse. Le terme anarchiste, je me suis gardé de l'utiliser comme substantif mais je l'ai pris comme adjectif. Quant à l'église, je n'y vais que pour les visiter, ce qui ne m'empêche pas de considérer mes amis pratiquants comme des égaux et non des êtres inférieurs pétris de croyances naïves. Enfin, la ritualité, la croyance habite la vie des athées, même si cela fait subir à ces termes un étirement de leur définition qui mériterait une discussion plutôt que des prémisses d'injures. Cela permettrait de sauver l'ambiance qui s'est encore bien dégradée sur cette liste.

>Ceci pour dire que cette humanité dont tu sembles te féliciter, elle n'est pas de toi et elle est adoptable même (en partie) par des animaux non-humains... c'est dire qu'il n'y a pas de barrières bien franches.

je ne me félicite de rien du tout
raf



de Caroline Leduc
22 Jan 2006 13:45:34


Désolée pour la longueur ! Je fais appel à toute votre indulgence...

>>Quant à l'origine du langage, on va poser qu'on s'en fout (c'est la fonction Dieu).
> (bon ça j'ai déjà dit non mais passons)

C'est bien possible, je dois avouer que je n'ai pas suivi le détail des nombreux fils sur la question. Désolée au passage, si je répète dans ce mail des points déjà discutés.
Ici je ne sais pas ce sur quoi porte ce que tu as déjà dit (origine du langage ou nom de famille). Et ça m'intéresserait que tu le reformules pour cette discussion-là, mais alors succintement hein, sinon on ne sait plus à quoi on répond.

>>Donc la question est : comment parvient-on à mordre sur le réel '
> ohlala je ne sais pas !!!

Tu en parles après. Chacun a à le faire pour son propre compte, sinon c'est l'angoisse à tous les étages (ou la fermeture au désir humain, ce qui pourrait être une définition de la bêtise : être enkysté dans l'ambre des réponses toutes faites).

(Narcissisme du Logos, etc...)

> comment ça' tu veux dire quand l'homme est là, qu'il est une espèce en état de parler, mais dans une situation où il n'y a pas d'inter-locuteur' ou tu veux dire quoi'

Je reprenais quasi à l'identique un bout de ta phrase.

En fait, c'est une espèce de définition tautologique du langage, si on sort par la fenêtre l'affaire un peu mythique de son origine historique. Donc, le langage est déjà là. Si on suppose qu'il faut des gens qui parlent ensemble (condition minimale), la question se déporte sur : qu'est-ce que parler ?

>Par exemple, aucun animal n'a écrit d'arbre phylogénétique, mais ceux que l'homme a faits, ils sont de plus en plus précisément représentatifs des généalogies des espèces vivantes et fossiles. On est d'accord?

Je ne suis pas fortiche en histoire des classifications, mais dis-moi si je me trompe, il n'y a pas un progrès tout à fait linéaire en la matière, et cela du fait que certaines espèces échappent aux critères des cases qu'on fabrique, pas toujours les mêmes selon les classificateurs (le fameux ornithorynque - cf. le site des adorateurs de l'ornithorynque : http://ornithobleu.free.fr/ -mais aussi le problème des champignons : quel est l'individu à classer, le pied ou le mycélium? etc)
Ce que j'essaie de dire, c'est que le ratage du langage à attraper le plein du monde est de structure. Il y a un point toujours impossible à attraper, qui change de place mais qui est toujours présent. Donc j'ai un peu de mal à considérer le langage comme une aptitude positive de l'homme dont il pourrait user comme d'un outil à nommer le monde.

(...)

> rââ j'ai beau lire et relire je ne vois pas bien ce que tu veux dire, je suis désolé. Je ne comprends pas pourquoi tu places ça à ce moment là de mon post, entre autres. Et que veut dire "ne se résoud", J'ai du mal à en déterminer l'extension, un synonyme, Il ne "tient" pas totalement dans une parole etc? Ou quel autre verbe?


Je voulais dire "réduire" je suppose ! Ou "résolution de la question du langage dans..."
C'est assez compliqué, parce que ça sous-entend implicitement qu'on a répondu au moins en partie à la question plus haut : qu'est-ce que parler ' (or j'ai pas répondu tu remarqueras).
J'essaie par un bout : un geste de ton interlocuteur fait partie des éléments de saisie de la situation dans la mesure où tu lui supposes une signification. À partir de là, plusieurs remarques :
- La signification en question est dans ta tête et pas dans le geste lui-même (d'où : malentendus éventuels). Il ne s'agit pas de simples conventions qu'on fixerait à l'avance. Il y a une équivoque d'emblée possible.
- La signification est-elle ou n'est-elle pas une fonction du langage ' Si oui, il n'est pas nécessaire de parler effectivement pour mettre en fonction le langage. On reste dans son champ.
- Le monde plein est opaque à la signification.
Après, ça demanderait des développements conséquents sur la nature du langage (les signifiants au sens détourné par Lacan)

> Ahh.. alors bon, non, j'ai le sentiment de ne pas vraiment avoir traité le sujet sous l'angle d'une interssubjectivité avec ou sans reste, ça je ne sais pas trop, ce que tu dis me semble très bien, il doit y avoir un reste, le fait que ça ne passe pas est intéressant, les malentendus par exemple sont une matière première pour le scénariste dialoguiste que je deviens, donc ça me va, c'est surprenant' Y a t-il justement malentendu'' :-)

Disons qu'il doit porter sur autre chose !

Après, il me semble que tu dis plusieurs choses différentes (donc je coupe) :

> En fait ce n'était peut-être pas clair alors je vais préciser que ce post dans sa ligne directrice/son fil conducteur (et même si je prends des tas d'objections dans le but de dégommer le Verbe version théologique, parole divine qui créerait l'être) viserait le langage plutôt descriptif ou narratif et non pas dialogique.

2 choses : d'une part, je pense effectivement qu'il y a plusieurs usages du langage, du côté du vivant et du mortifère, mais que la frontière ne passe pas forcément par celle que tu traces (dialogue/narration-description). Le vivant du langage n'est pas phénoménologique, il ne dépend pas de ses manifestations. Par exemple, tel texte que tu as écris peut avoir eu beaucoup d'importance au moment de l'écriture dans ton rapport à elle, et se trouver un peu déchétisé après-coup, quand tu es passé à d'autres questions.
D'autre part, cette fameuse question du divin. On ne va pas repartir là-dessus ad vitam aeternam si je puis dire, mais bon. Tu vas sûrement avoir l'occasion de préciser si je n'ai pas bien compris : j'ai l'impression que ce que tu reproches à cette version du langage (donné par Dieu pour résumer), tu le réintroduis à l'intérieur de l'humain, comme capacité positive, aptitude instrumentale de l'homme. Contre la théologisation, tu choisis la réification. Mais au fond, c'est un peu la même chose dans ton esprit : tu opposes "la parole divine qui créerait l'être" et la parole humaine qui le ferait. Or ça me semble pas rendre compte des caractéristiques du langage. Enfin, je reviens là à un truc tautologique (en excluant la question de l'origine du langage, on le pose comme donné d'avance).
Personnellement, je ne crois pas que la parole créé l'être, je pense que la parole le rate, et que c'est son opération même. Donc tu vois, la question n'est pas vraiment Dieu (ou alors, pour certains, sur le versant "Dieu est trompeur").

> Enfin, pouvoir sortir de là ! Enfin, être dans une autre tête, ou dans une absence de tête, dire ce qui se passe dans la foret quand il n'y a ni chasseur ni braconnier...

Enfin on parle des choses sérieuses !
Pour continuer sur ma lancée : ce ratage-là du langage, on ne doit jamais s'en satisfaire.
Et je te félicite de t'en tenir à cette exigence qui est pour moi éthique.

> L'un parle de dieu, l'autre répond en critiquant dieu. Ce n'est pas aléatoire alors on doit bien communqiuer un petit peu...

Quand j'étais petite, je m'étais inventée cette fiction un peu terrifiante : et si les gens en fait disaient tout à fait autre chose que ce qu'on leur entend dire ?
Il y a tout de même le support des mots : tu écris dieu, je lis dieu. Mais on revient à la question de l'équivoque fondamentale (particulièrement présente avec le mot "dieu").

> je ne te le dis pas vraiment, je te le raconte, je ne vise pas à te faire REPONDRE, je vise à te faire imaginer, à te transmettre un schéma mental. Si x écoute une conférence de physique il ne veut pas discuter avec le physicien, mais intégrer mentalement par le moyen du langage CE DONT il parle.

Oui, et des fois, ça demande de se donner un peu de mal (personnellement, il me faudrait quelques années d'apprentissage avant d'espérer comprendre quoi que soit à ce que dit un physicien).

> tu crois quoi d'ailleurs à ce sujet, en tant que... praticienne... ' Les chattes ont mal il parait parce que le génital organe du chat est plein de petits piquants !

euh... je ne suis pas du côté de la psychologie expérimentale, donc je laisse le soin à d'autres de traiter ce truc-là.
Ce qu'il y a c'est que jouissance et douleur ne sont pas antinomiques à mon avis (on n'est pas dans l'homéostase, on est dans le dérégulement).

> ben je le dis juste après... et paradoxalement, à nous "créer des liens" (religio) avec le non-humain qui nous entoure...

C'est sûrement le point focal du malentendu qui nous occupe : créer des liens ne revient-il pas à annuler l'altérité dont il s'agit de rendre compte? Je ne réponds pas oui, tu remarqueras. Je n'en sais rien.

> donc par des moyens périphériques habiles on peut exprimer ce qui a tout l'air indicible, mais seulement l'air, car c'est dicible autrement.

C'est le truc chouette de la littérature.

> [...] une manipulation osée des traits sémantiques découplés de leurs supports habituels (la littérature, plus que les autres arts peut-être, est apte à bouleverser les ordres et à chambouler les données)

Envoie-moi quelque chose que tu as écrit.

> là je suis quand même assez en affinité avec les côtés contemplatifs des religions notamment panthéistes, l'aveugle sous la cascade...

C'est ton frayage à toi, il t'est singulier. Il y en a d'autres, plus ou moins intéressants.

> je ne veux pas du tout virer le langage !!! je suis réellement écrivain !! Juste le logos divin qui ne me plait pas, qui sert de critère de coupure là où justement c'est un média d'unité !

Là aussi on touche au point nerveux de la discussion. J'aimerais bien que tu me précises la possibilité de ce rapport de l'altérité et du langage comme média d'unité. Est-ce que ce serait comme un usage qui ne raterait pas son objet '

> ouais faut vraiment que j'arrête d'écrire ici...

C'est toi qui le dis ! Je me répète : vas-y, fonce.

> j'ai bien aimé ton absence de méchanceté

C'est que tu peux être sûr que je ne suis pas méchante.

caro


de Julien Pauthe
22 Jan 2006 14:48:54

> Concernant ce que tu appelles ailleurs le "narcissisme du Logos" : pourquoi serait-ce la caractéristique d'une supériorité? Ne peut-on plutôt concevoir le langage comme un parasite de l'humain qui n'a rien d'enviable, quelque chose comme une maladie?

C'est une des hypothèses du travail littéraire de William Burroughs : le langage est un virus, dit-il. Ce qui me semble rejoindre le signifiant ne renvoyant qu'à un autre signifiant de Lacan, sans arrière-monde possible à la signification. Autrement dit nous sommes embarqués dans le langage, dans la chaîne signifiante, sans qu'il soit possible de faire consister autre chose qu'un signifiant à un autre signifiant.
Quel narcissisme à cette part de notre condition ' Je ne comprends pas cette _expression_, je crois... Et je ne me souviens pas que quiconque ait déblatéré sur une supériorité de l'homme ; il était question d'une différence radicale, pas d'une hiérarchie.
C'est important aussi en ce que ça fonde, pour moi, une bonne part de mon athéisme, cette absence à jamais d'une garantie de l'adéquation de notre parole à l'expérience du monde (et ce n'est pas la science qui viendrait la fonder ; la vérité n'est pas sa question).
J.


de Ludovic Bablon
22 Jan 2006 15:14:44

> Enfin, la ritualité, la croyance habite la vie des athées, même si cela fait subir à ces termes un étirement de leur définition qui mériterait une discussion plutôt que des prémisses d'injures.

Raphaël... c'est l'intention qui fait l'injure je t'assure que je ne veux pas t'injurier. Ce sont des positions qui me tiennent à coeur, je crois fermement que tous les genres de théïsme impliquent une dégradation du statut réel de l'animal doté d' "états mentaux" faut de mieux, d'émotions, capable de douleur ; or lui, il a pas mal souffert des pratiques humaines issues d'un dualisme qui n'accorde son âme qu'aux seuls hommes. Ce que je veux c'est rétablir un regard plus bienveillant envers les animaux animaux et aussi envers nous comme animaux ; la disqualification du croyant, que je souhaite, n'est pas première dans cette démarche, elle est secondaire, du fait de l'attaque du croyant contre les animaux, j'attaque l'offenseur ; mais s'il était toujours aussi doux dans ses pratiques que l'ami de Frêre Vent, je n'attaquerais rien du tout.


de Raphaël Edelman
22 Jan 2006 16:17:09

> Raphaël... c'est l'intention qui fait l'injure je t'assure que je ne veux pas t'injurier.

Je sais, ce n'est pas toi qui m'a traité de "curé!" et de "raté!". Mais peu importe maintenant.

> or lui, il a pas mal souffert des pratiques humaines issues d'un dualisme qui n'accorde son âme qu'aux seuls hommes. Ce que je veux c'est rétablir un regard plus bienveillant envers les animaux animaux et aussi envers nous comme animaux ;

La différence que je continue à faire entre l'homme et l'animal ne m'incite nullement à torturer les bêtes. Je peux dire même que j'étais bien plus cruel enfant alors que cette question m'était indifférente. Je dirais qu'en tant qu'homme j'ai le devoir de cesser d'éclater les mouches par plaisir ou pour expulser la violence. J'ai le devoir aussi de ne pas passer mes nerfs sur mes proches. Ce devoir là n'existe pas dans le monde animal.

>mais s'il était toujours aussi doux dans ses pratiques que l'ami de Frêre Vent, je n'attaquerais rien du tout.

Il n'y a pas le croyant mais des croyants.

raf


de Ludovic Bablon
22 Jan 2006 16:50:21


> Ici je ne sais pas ce sur quoi porte ce que tu as déjà dit (origine du langage ou nom de famille). Et ça m'intéresserait que tu le reformules pour cette discussion-là, mais alors succintement hein, sinon on ne sait plus à quoi on répond.

+clair : ce à quoi je disais non c'est à toute intervention divine. Tu peux le faire intervenir si tu te sens mais alors je n'aurai rien d'autre à dire que "Non, pas lui".

> En fait, c'est une espèce de définition tautologique du langage, si on sort par la fenêtre l'affaire un peu mythique de son origine historique. Donc, le langage est déjà là. Si on suppose qu'il faut des gens qui parlent ensemble (condition minimale), la question se déporte sur : qu'est-ce que parler?

Mettons qu'on se pose cette question, ça va beaucoup me dépasser, je suis féru de préhistoire et d'éthologie mais pas de linguistique et consorts. Je passe la main à qui est compétent, je ne peux pas bien répondre.
A part ça, un bémol : l'affaire de l'origine historique du langage doit être démythifiée si on veut vraiment savoir quelque chose. Donc on peut tenter de la penser sur un terrain réaliste et non mythique (qui serait sans aucune garantie de vérifiabilité, alors qu'on peut relativement contester une reconstitution hypothétique en faisant intervenir des connaissances acquises, si on peut la contester c'est qu'elle peut être vraie et qu'elle constitue donc réellement une hypothèse, au contraire d'une explication mythique ou religieuse) en faisant intervenir par exemple deux disciplines, la préhistoire (l'histoire quoi), et l'éthologie (pour avoir une idée synchronique de ce à quoi peut servir un langage dans une perspective évolutionniste). Mais bien sûr socio, psychanalyse, psycho, etc, auraient des éléments à apporter.

> Ce que j'essaie de dire, c'est que le ratage du langage à attraper le plein du monde est de structure. Il y a un point toujours impossible à attraper, qui change de place mais qui est toujours présent. Donc j'ai un peu de mal à considérer le langage comme une aptitude positive de l'homme dont il pourrait user comme d'un outil à nommer le monde.

Aucun problème, les connaissances ne sont pas parfaites. La distinction végétal/animal elle-même est sujette à caution ; la distinction vivant/inerte identiquement (les virus pas autonomes, sans puis avec code génétique, sont un cas hyper troublant !!!) N'empêche qu'un bouleau ça se classe pas trop mal, un mouton non plus ne pose pas trop de problèmes.
Le langage verbal, parlé, écrit, est donc en suffisamment grande partie apte à noter des observations réellement adéquates à certains aspects du réel. (Sans quoi franchement on n'agirait jamais, si les observations langagièrement exprimées qui permettent de construire un immeuble étaient indicibles ou toutes fausses on n'aurait pas de jolies banlieues partout. Dans la pratique on s'appuie sur l'ortho-référencialité du langage, il vise quelque chose et assez souvent il l'atteint. Tu dis passe-moi le sel et le sel arrive peu après en général, sauf plaisantin. Preuve que le message est passé.)


> - La signification en question est dans ta tête et pas dans le geste lui-même (d'où : malentendus éventuels). Il ne s'agit pas de simples conventions qu'on fixerait à l'avance. Il y a une équivoque d'emblée possible.

Oh... je ne suis pas sûr que la signification ne soit pas à la fois dans la tête des deux et dans le geste de l'un. Un geste ou une posture ça peut être des choses qui t'échappent gravement et quand bien même tu voudrais faire autrement, tu ne pourrais pas. Et je crois qu'il y a dans gestes et postures un substrat animal - ça expliquerait l'universlaité de certain(e)s, ça se lirait comme un marqueur spécifique (d'appartenance à une espèce qui vit les choses en se tenant physiquement comme ça). Je veux dire, le geste ou la posture ne sont pas totalement d'ordre conventionnel, "culturel". Le repli d'un corps sur lui même, d'un corps humain au thorax dur mais au ventre mou, peut servir des intérêts très anciennement défendus, de protection des organes vulnérables (?). Si on n'explique pas les gestes et postures ainsi, sourcés là-dedans du moins, il y a la menace qu'ils flottent dans le vide, et ne paraissent structurés par rien de plausible, rien de connaissable, idée elle-même peu plausible.

> La signification est-elle ou n'est-elle pas une fonction du langage ' Si oui, il n'est pas nécessaire de parler effectivement pour mettre en fonction le langage. On reste dans son champ.

Evidemment la signification est une fonction du langage. Je ne crois pas qu'il ait été développé par un noble besoin spéculatif. Mais simplement en vue d'agir le monde de l'hominidé. Ce qui imposait un certain rapport de similarité entre les choses dites et les choses dont il est dit quelque chose. Les premiers langages devaient dire des énoncés comme "tu m'énerves, je vais te taper", ou "j'ai faim, fruit, fruit !" ou "je suis ta mère, regarde comment on casse cette noix avec le bâton, regarde, regarde." Mettons... ça supposerait le conventionnalisme, qu'on s'accord sur les pronoms ou les marqueurs de qui énonce à qui, ça suppose aussi un rapport entre l'observation des faits, "un objet agit un objet", et la structure de la phrase (sujet verbe complément). Pas forcément sous cette forme très culturelle et tardive sujet verbe complément... je prends l'exemple que je peux, pour donner l'idée de l'idée que je veux donner...

>D'autre part, cette fameuse question du divin. On ne va pas repartir là-dessus ad vitam aeternam si je puis dire, mais bon. Tu vas sûrement avoir l'occasion de préciser si je n'ai pas bien compris : j'ai l'impression que ce que tu reproches à cette version du langage (donné par Dieu pour résumer), tu le réintroduis à l'intérieur de l'humain, comme capacité positive, aptitude instrumentale de l'homme.

c'est ce qui ressort de mes lectures sur le sujet quand même... C'EST au moins en partie un OUTIL d'action humaine, d'action sociale d'une part et d'action technique de l'autre ; donc de rapport à l'autre et de rapport au monde (nature environnante, êtres vivants, objets, puis cosmos...).

> Contre la théologisation, tu choisis la réification. Mais au fond, c'est un peu la même chose dans ton esprit : tu opposes "la parole divine qui créerait l'être" et la parole humaine qui le ferait. Or ça me semble pas rendre compte des caractéristiques du langage.

Pourquoi?

> Enfin, je reviens là à un truc tautologique (en excluant la question de l'origine du langage, on le pose comme donné d'avance).

Si on le pose comme donné on s'expose à ne pas se donner les moyens de le comprendre. Parce qu'on sait qu'il ne peut pas avoir été donné tout fait. De même tu ne comprends pas comment on arrive au chaton si tu ne pars pas des poissons primitifs, puis des reptiliens etc... Le chat a des poils parce que le poisson avait des écailles. Il a des pattes parce que le reptilien en développe.

> Personnellement, je ne crois pas que la parole créé l'être, je pense que la parole le rate, et que c'est son opération même. Donc tu vois, la question n'est pas vraiment Dieu (ou alors, pour certains, sur le versant "Dieu est trompeur").

d'accord pour certains cas, où ça rate, mais en pratique la plus grande partie de ce que tu formuleras mentalement ou diras ou écriras va marcher, va te faire faire quelque chose. Tu commandes un hamburger, ça rate pas, le gars te le fait payer au prix fort ! Le flic te dis mets ta ceinture, tu comprends ce qu'il veut dire, tu connais la menace (car tu connais le mot et l'extension conceptuelle de "AMENDE"), et tu la sens ensuite physiquement contre toi, te garantir contre la mort et incarner les lois ; là aussi ça a marché.

> Il y a tout de même le support des mots : tu écris dieu, je lis dieu. Mais on revient à la question de l'équivoque fondamentale (particulièrement présente avec le mot "dieu").

ah ça... la polysémie... tu peux faire une phrase sujet verbe complément. Le sujet pourrait t'amener à 3 significations. Le verbe, 3 aussi. Le complément, 3 aussi. C'est un sacré effort d'aboutir à un sens acceptable, ou deux ou trois, éliminant toutes les phrases qui en paraissent dépourvues ! Mais la construction mentale des significations (cf bouquins sur les modèles mentaux) se fait en général pas si mal ; on élimine ce qui semble vraiment incorrect, et si on hésite entre des sens, on demande "Tu peux préciser'" - à la fin il y a des chances que la sélection des sens possibles aboutissent au sens désiré. Pas forcément à une compréhension pleine et totale... on ne peut pas transmettre toute une vie... mais enfin, un peu.

> C'est sûrement le point focal du malentendu qui nous occupe : créer des liens ne revient-il pas à annuler l'altérité dont il s'agit de rendre compte ' Je ne réponds pas oui, tu remarqueras. Je n'en sais rien.

oui ça me semble aussi très central et très intéressant comme question. Alors a première vue, oui et non... Rien dans l'histoire des bouleaux n'amène à les nommer bouleaux, du coup on les désigne avec un mot avec lequel ils n'ont rien à voir ni de près ni de loin. On pourrait aussi bien donner aux espèces ou aux individus des codes aléaoirement générés de chiffres et de lettres ; pourvu qu'on s'entende sur un index associant le code et l'image ou les propriétés sémantiques de l'objet en question, on pourrait communiquer dessus ; et même sans communiquer, un seul humain possédant cet index pourrait déjà penser énormément de choses, et en faire des oeuvres synthétiques...

> Envoie-moi quelque chose que tu as écrit.

A vos ordres !!!!

Bon on était sur la possibilité de restructuration littéraire des polysémies, des traits sémantiques etc, pour dire des choses inédites.
Alors un exemple (sans animalité malheureusement)

Samouraï
- plan de montage à découper soi-même
BERTRAND : Tandis qu'à ma périphérie les stocks de ma résistance s'amenuisent, déjà la foule de ma colère est inclinée unité par unité par l'avènement de la majesté, et le désert se fait, sous mes voûtes. Cette chaleur, qui nous gèle, cette ardeur, et la crainte légitime qu'elle suscite. Des masses circonscrites, très finement définies, évoluent en parfaite harmonie, parmi chaque tressaillement du moine. L'émotion est minutée comme dans un laboratoire de chimie synthétique ; quelle horreur, quel désastre, et quelle tranquillité ici.
J'ai entendu parler d'un samouraï très calme. Il scie une goutte en un peu moins d'une demi-heure. Les jeunes recrues arrivent grosso modo deux ou trois coulées de temps avant pour assister au déshabillage du sabre ; il est aiguisé par de longs moments de contemplation. Quand le samouraï assis atteint au maximum de la quiétude, un des jeunes moines va chercher la goutte dans une vasque sacrée qui retient l'eau de pluie. Il projette avec sa bouche cette unique goutte élue en l'air, qui veut aussitôt en faire présent à la terre : pour simplifier cette réaction chimique, c'est au samouraï qu'il revient d'intervenir, le tout en moins d'une demi-seconde. Il tend son sabre en l'air avec un pied, et s'accumule sous la menace ; d'un bond, son bras s'abat, et la fissure le tranche en deux. Réflexe biologique, le bras de la partie clivée droite, qui ne tient pas le sabre, agrippe l'épaule gauche, se tend et pivote à 180° autour de cet axe ; on observe que la symétrie corporelle tend ainsi à être parfaitement conservée, et c'est la fin de la première phase. Après une courte reprise de méditation, l'entité combattante écarquillée se regroupe en formation serrée pour disperser une seconde oblation, qui est celle de la rupture du bras droit : il prend un instant pour parler aux amis de révélation, d'épreuve terminée, l'instant d'après il est fendu d'un coup, en son milieu, au moment où la main lâche prise, et ses deux morceaux de gigot sont récupérés pour le soir. C'est le dernier temps. Dans la perfection d'un ultime essor, le samouraï parvient in extremis à impulser au sabre une vibration rythmique à 160 hz couplée à une puissante rotation aléatoire multidirectionnelle développée à partir du centre gravitationnel du processus ; celui-ci se précipite à l'assaut de la goutte, bien vite émoustillée en un orage d'hiver qui inonde de son tranchant la lame, comme elle s'écroule tout le long des précédentes fissures. Tout le monde est clivé, tout le système se rétablit à l'horizontale comme primitivement ; pendant le dernier quart d'heure, les survivants dorment par terre, autour du carnage. Ce que j'aime dans cette cérémonie, c'est sa simplicité : à ma connaissance, c'est une des plus belles histoires d'amour qui se termine au lit.
--> apparemment ça parle d'un seul coup de schizophrénie et de masochisme, de miction, d'orage, de cérémonie religieuse et de considérations matérielles, d'hyperrapidité quasi-immobile. Le problème est que le centre focal reste une action humaine ; ça consiste à se liquéfier (dans le contexte plus général du texte il s'agit d'un poète en sueur, qui flippe). ça ne représente pas encore ce que serait l'eau toute seule quand elle est émoustillée... De plus le style est nécessairement verbeux car Bertrand est un personnage de poète raté. ça fait que "peut mieux faire" ; mais le brouillage sémantique, le tout-en-un, j'en suis content.

> Excuse-moi, mais tu réintroduis le langage à tous les coins de rue...

je ne veux pas du tout virer le langage !!! je suis réellement écrivain !! Juste le logos divin qui ne me plait pas, qui sert de critère de coupure là où justement c'est un média d'unité !

> Là aussi on touche au point nerveux de la discussion. J'aimerais bien que tu me précises la possibilité de ce rapport de l'altérité et du langage comme média d'unité. Est-ce que ce serait comme un usage qui ne raterait pas son objet ?

l'extrait ci-dessus joue bien sur le découpage/remontage sémantique, la mise en vrac de séries de propriétés qu'on recolle ensemble autrement, mais ne dit rien de bien terrible concernant une possible appréhension du "tout autre". Comme dit, je ne suis qu'au début des exercices pratiques suite à élaboration théorique. Je crois que les prochains textes qui iront dans ce sens seront animaux. Dans Kinski chapitre 2, j'ai (merci Elise!) un personnage hybride de Vampire, qui est un rat-taupe. Le rat-taupe existe réellement, est d'apparence répugnante, et a cette heureuse qualité d'être désigné comme double, par l'homme. Je vais donc investir ce rat-taupe en tant qu'il en est un (éthologie, empathie) en lui superposant aussi la figure connue et repérable du vampire (mort-vivant, buveur de sang, condamné à une solitude éternelle). Dans Kinski 4 il y aura la mouche qui raconte la Shoah et l'affaire du Saint Slip, et dans Kinski 6 Minnie mouse redeviendra souris tandis que Mickey mouse deviendra un poète anarchiste, totalitaire, paumé, nul et exécrable, humains quoi (en tout cas ces deux cas de double nature reviendront à plus de réalité, en passant de dualistes à monistes). On aura donc, peut-être pas le tout-autre tel quel (comme dit je doute, est-ce vraiment formulable par et pour un esprit humain') mais du moins un "mouvement vers". Suite du programme, ça sera de faire de l'animalisme ou du naturalisme sans que ça concerne du tout l'humain, comme mon exemple de forêt au moment où personne d'humain n'y est. (La difficulté de faire réellement un livre lisible serait résolue via le sous-texte : on va raconter du pur naturel mais ça produirait des sensations que l'humain apprécie, à l'image des silencieuses promenades dans la nature. On aurait donc quand même un regard humain, non instancié dans le texte, mais sous-jacent.)
Il faudrait aussi faire des textes avec des infra-sujets. Le sujet adulte, sain, beau parleur, tout ça, c'est chiant. Il nous faudrait donc des enfants mal construits, des psychotiques en vadrouille le long de leur absence de corps, des entités de groupes dépassant l'individu, ou bien des textes métonymiques, un peu comme le nez de Gogol (yes!!), par exemple ne peut-on pas faire un pamphlet politique dont le narrateur serait la couille gauche de Sarkozy ? Et ensuite, si c'est possible, des textes de la matière... mais là les structures verbales semblent s'y opposer, il faudrait trouver une faille, un type de tournure qui n'implique pas la centration par un sujet, pas la structure explicite ou implicite sujet/verbe/complément.
Euh, je pense que tout ça est intéressant dans le moment historique où nous sommes et si les oeuvres seront copyright, l'esprit qui les anime d'avance est copyleft, j'aimerais pour ma part lire plus de textes allant dans ce sens, et pouvoir partager l'expérience censée aider à les construire. Si on est tout plein de poètes naturalistes c'est plutôt cool !
++ caro,
ludovic.


de L.L. de Mars
22 Jan 2006 17:57:40


Chers tous,

Raphaël est décidemment un garçon infiniment patient, pas moi.
Je me refusais, jusqu'à ce dernier courrier, à refoutre les pieds dans l'espèce de litanie maniaque à laquelle, à chaque réponse qui lui était faite, Ludovic se croyait invité.
Ludovic n'écoute rien, ne lit rien, tourne en boucle, et fait aussi tourner cette liste en boucle, ce qui est inadmissible.

Donc, quand je lis ceci:
«Raphaël... c'est l'intention qui fait l'injure»

de la part d'un type qui parle du langage comme outil de communication, je me demande à quel genre d'escroquerie intellectuelle je dois assister encore longtemps...

Quand je lis ceci:
«Ce sont des positions qui me tiennent à coeur, je crois fermement que tous les genres de théïsme impliquent une dégradation du statut réel de l'animal»

je vois que le «statut réel» de l'animal nous ramène deux cent messages en arrière (réel et arrière-monde) et à part le pain de dynamite dans le cul, je ne vois pas comment répondre justement à un type qui se fait passer pour un interlocuteur et qui n'est qu'un prêcheur exalté plus sourd qu'un témoin de Jehova.

Quand je lis
«doté d' "états mentaux" faut de mieux, d'émotions, capable de douleur ; or lui, il a pas mal souffert des pratiques humaines issues d'un dualisme qui n'accorde son âme qu'aux seuls hommes»

Ce n'est plus à un escroc que j'ai le sentiment d'avoir affaire, mais à un parfait imbécile: il n'y a aucun rapport entre la souffrance infligée à une créature et l'âme qu'on lui refuse ou qu'on lui accorde; un homme tue même celui à qui il accorde une âme, un croyant aime même celui à qui il n'en accorde pas ; d'une part parce que sujet après sujet cette position est infiniment rediscutée et que toute généralité de cette espèce fait de Ludovic un menteur devant ses prétentions à établir de la justice (serait-il assez nigaud pour supposer que tous les athées sentent la bite de leur chien? Serait-il assez menteur pour faire des sociétés bouddhistes des sociétés sans violence?), d'autre part parce que dans le champ de la brutalité c'est la brutalité qui cherche des alliés et que tout est bon pour son alimentation.
Où est la passée la prétention à la rigueur scientifique devant une telle légèreté dans la création des relations?
Est-ce que la seule solution, devant l'impossibilité sérieuse de donner du sujet à mon chien est d'ôter du sujet à l'homme?
Cet appel hors de propos à la question de la foi est-elle le seul minable tour de passe passe par lequel Ludovic souhaite s'aliéner la sympathie des athées de la liste? Inutile de se faire trop chier, pourtant, à ce sujet, je dois bien être à peu près le seul à croire en Dieu ici, et il ne m'était même pas venu à l'esprit que la question avait le moindre rapport avec la coupure homme/animal (abordée de ce point de vue, la question n'a plus aucun intérêt pour l'esprit, elle est liquidée), puisque, dans Béréchit même, elle est évoquée d'emblée d'un point de vue linguistique.

Quand je lis:

«Ce que je veux c'est rétablir un regard plus bienveillant envers les animaux animaux» suivi de «et aussi envers nous comme animaux»

j'enrage de voir qu'une fois de plus, rien de ce qui a été écrit ici sur la bienveillance n'a été lu (j'oserais dire: compris), je m'énerve de voir établi un nouveau rapport causal fumeux, et je fulmine de voir réemprunté le ton mi-pleurnichard du gentil garçon plein d'amour mi -héroïque du défenseur des causes justes déjà pris par Ludovic lors de ses petits problèmes de communication historique il y a un mois (qu'est-ce qu'il a comme problèmes de communication, notre hyperlisible!).


Lorsque je lis:
« La disqualification du croyant, que je souhaite»

Je dois établir en mascarade une déclaration venant d'un superstitieux complet qui croit dans la puissance et la fixité des signes, dans la computation de toute chose, dans la naturalité des catégories*. Il doit se disqualifier lui-même, sous peine de désintégration comique.

(* comme elles sont naturelles, les catégories du regroupement pour les hommes, qui sont obligés de réinventer inlassablement de la communauté pour se penser ensemble avec raison; tribalisme, nationalisme, essentialisme, racisme, quelques milliers de formulations du groupe, inclusives, exclusives, naturalistes ou abstraites, si contradictoires entre elles; quel rapport entre ces chimères sinon la nécessité d'inventer ce qui ne se fonde justement sur aucune naturalité?)

Quand je lis «fait de l'attaque du croyant contre les animaux, j'attaque l'offenseur»

je dois rappeler (ça a déjà été dit il y a quelques temps, et c'est consultable dans les archives en ligne du Terrier) que croire que la foi a le moindre rapport avec la violence faite en son nom est inepte, croire que la foi a le moindre rapport avec la violence faite à l'animal est inepte mais surtout voilà qui montre une fois de plus que Ludovic n'écoute rien (non seulement dans le rapport du sujet à la religion, qui est la mise en relation de sa foi avec ses conditions sociales de formulation et d'organisation, mais aussi devant ce qui a été écrit du judaïsme, du bouddhisme etc.) et qu'il ne comprend rien: qui croirait, dans le même ordre de relations infantiles, que les guerres de Bush SONT religieuses sous le prétexte qu'il invoque le nom de Dieu? On fait la guerre, on se donne à la violence, et on cherche autour qu'est-ce qui peut fédérer autour de la violence; je fais court, parce que tout ça est en détail dans les archives mentionnées (index POLIS du Terrier, fil sur Dieu) et que ça commence bigrement à me gonfler.

Pour l'héroïsme et les causes justes à défendre, il faudrait arrêter la position victimaire: les choix idéologiques de Ludovic sont clairement ceux de la domination, alors qu'il ne vienne pas trop me faire chier avec le coup de l'avocat: le langage comme communication, c'est la doxa marchande, c'est celle du pouvoir, c'est celle des pubards, c'est celle de la télévision. Les modèles computatifs jusque dans la psychologie sont ceux choisis par le pouvoir, et si Ludovic se penchait vraiment sur la psychanalyse, il saurait à quel genre de violence contre leur champ ils ont affaire depuis deux ans, les analystes, quel modèle le pouvoir veut leur imposer (et est en passe d'y parvenir).
L'indifférenciation qui rêve ses modèles de nature pour justifier la violence de ses rapports et le pouvoir de ses catégories, c'est la vulgate ordinaire de la droite et de la modélisation économiste des échanges entre les hommes.

Ceci est le dernier courrier que Ludovic recevra relativement à ce fil: j'en ai plein les couilles de recevoir en privé toutes sortes de plaintes (le harcèlement se poursuit hélas en privé pour certains), de voir des gens se désabonner de la liste, de piquer des crises de colère devant la pratique de l'épuisement systématique, je l'ai donc éjecté. En six ans, c'est la deuxième personne que je vide de la liste. Il peut se réabonner, je n'ai pas bloqué son adresse, je lui laisse une chance de prendre un bain de siège glacé, bien que je ne croies pas une seconde en son aptitude à s'interroger VRAIMENT sur les raisons de ce pied au cul.


L.L.d.M.

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