urieusement, 
  pourtant, les vieilles charges hiérarchiques ne sont pas congédiées, 
  ce qui trouble tout de même étrangement le type de rapports qui 
  doit se nouer ici avec les hommes: elles sont recyclées, dans le rêve; 
  pierre immiscée sous la meule, comme une cale de démarrage, pour 
  aménager l'espace d'accueil -apparemment incertain- de l'Incarné: 
  la ligne nette, contour précis, qui piège la fonction intercessive, 
  la forme d'un ange -jeu habituel d'ouverture placée au seuil de l'intelligibilité 
  immédiate- apparaît (en songe) par trois fois à Joseph: 
  pour qu'il épouse Marie malgré son ventre incongru, pour qu'il 
  fuit avec elle en Egypte, pour qu'il retourne à Israël après 
  la mort d'Hérode... 
  curieuse pérennité de l'enveloppe angélique pour annoncer 
  le Ministère de Celui que ses géniteurs procuratifs ne peuvent 
  reconnaître sans préavis; un parfum de malentendu, alors, enrobe 
  la fonction même de l'incarnation, qui pour se passer du coït, ne 
  nécessite pas moins d'être accouchée et reconnue par des 
  géniteurs, dont tout alors, dans ces conditions de cécité 
  momentanée, pousse à interroger la préséance.L'éclairage 
  proposé par ce déploiement de précautions politiques est 
  celui d'un monde peu préparé à accueillir son Dieu, réfractaire 
  à Sa Divine Irruption. Bien entendu, la proposition de l'Incarnation 
  soumettant Dieu à toutes les vicissitudes du vivant, il est compréhensible 
  que celles du blocus des pouvoirs territoriaux politiques et/ou théologiques 
  soient au nombre des dangers à écarter pour l'entrée en 
  scène du Ministère. 
          Cependant, ces précautions 
  tactiques sont telles qu'elles auront plongé dans le désarroi 
  -et le désaccord généalogique- les évangélistes 
  eux-mêmes (tant sur les lieux de naissance, Nazareth ou Bethléem- 
  que la date); ce qui pose alors un problème considérable: 
  un seul soupçon sur la chronologie ou la valeur testimoniale des évangélistes 
  est impensable sous peine de renoncer à l'Essence Divine du Ministère 
  Christique: ça ne signifie bien évidemment pas que la Foi en la 
  Divinité du Christ marque le seuil d'aveuglement historique de ses disciples, 
  mais plutôt que l'espace de La Révélation n'étant 
  transcrit que par les seuls évangiles (disons, pour être plus juste 
  par leur trainaillante canonisation, leur pérennité), ceux-ci 
  doivent être absorbés dans Le Projet, sous peine de Lui soustraire 
  tout Effet, toute Économie, tout Acheminement Divin; en bref, toute forme 
  d'organisation dont l'Origine soit indiscutable. 
es 
  évangélistes seraient-ils extérieurs au Projet, éclairés 
  par la pertinence (hasardeuse, donc) de leur seule foi, sans Intervention, que 
  La Nouvelle Alliance ne serait plus qu'un espace prophétique, et non 
  le Ministère du Verbe Fait Chair (il serait absurde d'envisager le soin 
  de La Biographie laissé, de façon purement aléatoire, à 
  l'éveil de croyants plus attentifs que d'autres...). Laissons-nous aller 
  à un peu de théologie spéculative: 
  il va s'agir d'évaluer l'Echelle Divine du Récit de transposition, 
  et surtout l'Echelle Divine du Ministère, soit, pour être plus 
  précis, d'être acculé à ne pouvoir rien mesurer, 
  sinon la Hauteur des paraboles elle-même; en quelque sorte, évaluer 
  le bouleversement prétendument apporté par la Parole du Christ 
  aux règles prophétiques de l'oralisation, aux règles généalogiques 
  de La Loi. 
e 
  qui signifie, pour étayer l'Echelle Divine du Projet Christique, qu'un 
  seuil nouveau de l'oralité doit être atteint, que la fonctionnalité 
  de l'oral, ici, doit être absolument opérationnelle et sans faille. 
  Donc, que cette Nouvelle Alliance ne se doit pas d'être seulement supplémentaire 
  à l'Ancienne, mais bien complémentaire de neuf siècles 
  de Foi conduits sous la dictée; sans quoi, nous serions acculés 
  à cette question ahurissante:tout à refaire? Refaire quoi, aux 
  justes? 
          Dieu a perdu la substance touchable 
  de sa création, le désert, et l'école sont à l'ordre 
  du jour, réévaluation les meubles, traversée de toutes 
  les loges de la créature qui semble lui avoir échappé... 
  Seul un homme très assurément engagé sur les traces de 
  sa foi pourrait tirer de l'errance de Dieu un enseignement potable. Pourquoi 
  cette présence factuelle, discible, apporterait-elle, sinon par une forme 
  de dérision infecte et définitive, une clé à l'erreur 
  qu'un déluge n'avait pas lavé? Dans ses "Fusées", 
  Baudelaire considère que "Dieu est le seul être qui, pour régner, 
  n'ait même pas besoin d'exister"; Son Attachement Singulier à 
  l'existence chez Matthieu, fait douter de Sa Bonne Intention. 
        "Voilà pourquoi 
  je leur parle en paraboles, parce que regardant, ils ne regardent pas, et entendant, 
  ils n'entendent ni ne comprennent"(13, 13). 
          Hormis le fait que nous soyons en 
  droit de nous interroger sur la résolution de ce genre de malentendus 
  par la forme parabolique, on note que cette phrase, suivant la parabole du semeur 
  (13, 3-9), est enchaînée par une laborieuse et enfantine explication 
  de texte; non seulement nous sommes soumis à un fatiguant renoncement, 
  mais nous pourrions ajouter que le Royaume étant de toutes façons 
  acquis aux simples, cette surcharge de décortication leur est aussi inutile 
  qu'au mort une poignée de plus sur le cercueil; je ne peut que laisser 
  les autres auditeurs à leur perplexité. 
          Mais, en fait, la prolifération 
  des paraboles -au même titre que la nécessité Davidique 
  de le faire naître à Bethléem- ne serait-elle pas une conformation 
  serrée au modèle de Celui Qui Doit Venir? (ex: Ps 78, 2)Nous pourrions 
  souligner à chaque verset que toute valeur universelle y est évaluée 
  au mètre des valeurs relatives, que l'échelle d'embrassement de 
  l'universel y est étriqué dans un costume humain: il ne pourrait 
  s'agir de la tragique et coutumière impropriété du langage, 
  sans doute, que si Celui Dont nous parlons n'était le Corps Parlant. 
        "Que si ton oeil, 
  le droit, te scandalise, arrache-le et jette-le loin de toi; car il est de ton 
  intérêt que périsse un seul de tes membres et que tout ton 
  corps ne soit pas jeté dans la guéhenne. Et si ta main droite 
  te scandalise, retranche-la et jette-la loin de toi; car il est de ton intérêt 
  que périsse un seul de tes membres et que tout ton corps ne s'en aille 
  dans la guéhenne." (5,29-5,30) 
          Que l'amputation, même métaphorique, 
  puisse rédimer l'expiateur au point de sauver son corps de la Guehenne, 
  voilà qui laisse songeur... Adieu à la nécessite d'être 
  entier dans le Salut, adieu au Salut pensé dans l'entièreté 
  vivante. Si Le Dieu Incarné ici se drape volontiers de la dignité 
  orale, il semble cependant faire peu cas des vertus du langage pour la rédemption 
  de Ses sujets. Ce n'est pas même à l'infantilisme qu'Il les restreints, 
  mais à l'animalité. 
          Dieu est ici une permanence flottante, 
  qui n'attend qu'un descillement pour être découvert; la progression 
  dans la Foi n'est ni plus ni moins qu'un décrassage oculaire qui, même 
  métaphorique, fait douter de l'endroit exact, s'il en est un seul autorisé, 
  accordé au développement individuel de la Foi; l'Ancienne Alliance 
  soumettait les hommes à l'énigme terrifiante de la Loi, et seul 
  leur degré d'éveil ou d'abrutissement pouvait les conduire à 
  y puiser l'essence de leur pratique, ou à lui tourner le dos. C'est celle-ci, 
  lentement questionnante et profonde, qui devait les ouvrir à Dieu. Ce 
  qu'ils honoraient en Son Nom (Qu'il Soit Béni), c'était aussi 
  le trajet difficile qui les Y conduisait. 
          Nommer Dieu était donc, véritablement, 
  un acte. Ici, champ déjà ouvert sous les Sandales Divines, soumission 
  à l'image, déférence immédiate devant la thaumaturgie, 
  et, surtout, ce que veux enseigner cette parabole d'un oeil et d'une main révocables, 
  c'est la réification et l'expropriation du Mal de la demeure du croyant; 
  et pire encore, de la Demeure de Dieu Soi-même, figure hémiplégique 
  qui devra l'affronter... événement métamorphique (je devrais 
  dire: morphique), qui inclue Dieu dans l'histoire -non plus dans l'établissement 
  des généalogies directives, celles qui par la conduite du Divin 
  développent les actions humaines dans la grâce, par une interpénétration 
  du mal (la grâce étant donc offerte au discernement), mais bien 
  celle qui absorbe Dieu comme un élément de l'histoire humaine, 
  élément mobile qui finira par tout lui devoir pour exister enfin, 
  Lui qui n'aurait du qu'être- qui historicise le changement de Dieu, le 
  passage (Passage du permanent? Lignage de l'infini?)... 
          Dieu, victime comme tout homme de 
  la nécessité. Le Tout-Puissant en costume de chair, mascarade 
  qui ici ridiculise la foi, parce qu'avec cet artifice, elle voudrait éprouver 
  notre reconnaissance de Dieu. Notre faiblesse n'a été éprouvée 
  que par Le Verbe. 
          Ceux qui n'ont pas vu que le puits 
  n'était pas un mirage, n'avaient tout simplement pas soif. Changement 
  considérable qui secoue la surface divine, relais dans les langues: Il 
  ne concède plus à satan le droit de L'amuser, sa possibilité 
  de se révéler à une victime offerte par Ses soins, il ne 
  lui offre plus le panier où Job est écrasé, déjà, 
  par Lui, comme une punaise, ce qui doit secouer l'immensité de son Rire, 
  non: Il devient son concurrent. Désert, Christ confronté à 
  la provocation par le mal pour que des évangélistes se fassent 
  historiographes de cette aporie de l'UN... Imagine-t'on un homme se couper le 
  bras pour prétendre l'avoir battu en duel? A quoi a-t'IL renoncé, 
  Lui, pour en arriver là? 
e 
  Fils de l'Homme a déjà choisi ses disciples parmi les médiocres, 
  de ceux qu'on appâte avec des images vulgaires "je vous ferai pêcheur 
  d'hommes", dit-il à Simon-pierre et son frère. Et c'est alors 
  une bien étrange ascension spirituelle que leur propose (5,48), une analogie 
  confondante: "vous serez donc parfaits, vous, comme Votre Père est Parfait" 
  Quelles que soient les conditions d'accession à ce statut invraisemblable, 
  rien n'excuse ce qui va sceller définitivement l'orgueil des chrétiens."Heureux 
  ceux qui font oeuvre de paix parce qu'ils seront appelés fils de Dieu" 
  (5,9), pourrait bien être une prolepse contre toutes les accusations d'orgueil 
  à venir... 
          Le Talmud -rabbin Juda- commente 
  le Deutéronome ("vous êtes les enfants de l'Eternel votre Dieu") 
  par cette phrase: Tant que vous vous conduisez comme des enfants soumis à 
  leur devoir, vous êtes appelés enfants de Dieu, mais quand vous 
  abandonnez cette conduite, vous ne portez plus le nom d'enfants de Dieu. 
          Il est curieux d'observer combien 
  Le Verbe devenu une langue incarnée, clapotante, est aussi une langue 
  peu sûre, marchant avec les errements qu'elle doit supplanter: (Je vous 
  renvoie à votre seule lecture biblique pour juger de la rare futilité 
  des paraboles, lorsqu'elles ne poussent pas jusqu'à l'incongruité: 
  celle de la fondation d'une maison (7,24-27) sur le Roc ou bien le sable, par 
  exemple, qui ne satisferait pas même à l'intrigue d'un conte moral 
  pour enfants.)Les psaumes (jusqu'à sa mort), Osée, Jérémie, 
  Isaïe, cités par le Christ, voilà un étrange dérapage 
  citatif, aller-retour-aller sur la foi, dont le projet semble échafaudé 
  avec une naïveté et une planification, un goût pour le drame 
  et la capitalisation linguistique tout humain... 
uis, 
  c'est la fatigue absolue: miracles, distributions des prix, résurrections; 
  "Heureux ceux qui croient sans voir!", pourtant, dira celui qui affirme 
  en 6, 22 "La lampe du corps, c'est l'oeil". 
          Il faut bien croire qu'il en est 
  de plus exercés, puisqu'au même titre qu'"il n'existe des faiseurs 
  de pluie que parce qu'il pleut"1, Matthieu note, sans sourire, lors du périple 
  de Jésus à Nazareth (13, 58):"Et il ne fit pas là beaucoup 
  de miracles, à cause de leur incrédulité." Ce qui force 
  de constater que la crédulité, nul ne l'ignore, est la terre d'élection 
  de tous les amuseurs et des prophètes timides. 
          Le ministère se poursuit dans 
  ce tourbillon incroyable de thaumaturgie. Tout doit y être répertorié 
  pour suivre à la trace les incrustations, les épiphanies physiques, 
  les manifestations du don, la nomination outrancière des essences, ce 
  qui, je le rappelle, gomme toute espèce de trajet dans la foi: nomination 
  des corps consubstantiels et transitoires (il faudrait réévaluer 
  la qualité de ces instances eucharistiques, à la maigre hauteur 
  de leur pouvoir métaphorique, de leur calcul ministériel, de leur 
  pérennité évidente qui puisse assurer une conversion instantanée 
  et performante), pain et vin: on y a le sentiment non pas d'un gaspillage gigantesque 
  et Divin, mais bien d'une perte de temps à échelle humaine. 
          L'adieu au corps momentané 
  passe par la relique consommable et une caricature théophagique. Soit, 
  nous ne sommes pas assez angéliques, purs, pour nous passer d'images 
  pour traverser le solide; je dirais plutôt que le solide ne nous apprend 
  pas grand-chose, dussions-nous échapper à son intransgressibilité. 
  Et ce pain ,ce vin, ont l'insipidité pédagogique d'une table de 
  multiplication. Ce qui pourra nous renseigner, cependant? 
          Des images, justement, mais à 
  vrai dire telles qu'une littérature d'étude aurait sans peine 
  pu produire; peut-être même une littérature profane... Figure 
  de la vierge, inconsommable, aussi nécessaire pour ce projet-là, 
  qu'incroyablement vaine; le christ ne dérange pas les bouddhistes, ils 
  pourront le consommer avec le pain et la croix. Mais cette vierge, qui coupe 
  en deux le sexe de jouissance et le procréat, la consomption et la génération, 
  qui ne pourra jouir de Joseph qu'après avoir subit ce marché entre 
  sa vulve et le monde de Dieu, j'observe que les chrétiens s'en accommodent 
  en expulsant la jouissance au profit d'une invraisemblable et généreuse 
  crèche christique, soit, en renversant la polarité proposée 
  à leur perte pour l'orgueil de leur descendance. Le problème, 
  en vérité, en que le projet christique est à une mesure 
  destitutive, verbe fait chair...Pour finir, j'aimerais convoquer une des paraboles 
  les plus odieuses, les plus inadmissibles: 
          Le Talmud nous enseigne que Dieu 
  est toujours du côté du persécuté (ce qui signifie 
  que le persécuteur ne PEUT PAS être dans la foi). Avec l'évangile, 
  nous apprenons que le pauvre ou le simple d'esprit ne peuvent pas être 
  soupçonnés d'être un jour des persécuteurs, parce 
  que la nature ou la cité les persécute! 
          Le Talmud nous enseigne, lui, que 
  le juste persécutant le méchant est dans le mépris Divin; 
  et il n'est question ni de nature, ni de joug civil. Sinon, bienvenue aux tortionnaires 
  qui ignorent le mal par nature, bienvenue aux ratés par sottise qui n'auraient 
  rien tant envié que la richesse, car ils seront graciés. Ces espèces, 
  ainsi que toutes les espèces présentées dans cet évangiles, 
  sont sauvées par la bonhomie, la crédulité, la rancune, 
  l'humiliation transmuée en haine, l'ennui, la conversion, l'arithmétique 
  biblique, l'état de guerre, le caprice ou la ponctuation du ministère, 
  et, pire encore, par certaines catégories de la naissance; à aucun 
  moment il n'est question d'envisager la foi autrement que comme un chapeau, 
  une trappe ouverte du don, une béatitude; jamais il ne sera question 
  de solitude, de questionnement interminable, du lent échafaudage des 
  suppliques vaines faites à l'incroyance pour être vraiment dans 
  l'état de gloire, où cette gloire favorable s'est toujours révélée 
  nettement inférieure à l'ambition qui l'avait fait naître, 
  ceci jusqu'au jour effroyable et délicieux ou la gloire n'a plus d'autre 
  nom que Dieu, et qu'elle s'est dissoute devant l'envergure de l'humiliation 
  proposée par le corps d'un homme qui se sait mourant, qui sait sa gloire 
  mortelle, et qui sait surtout que sa seule hauteur d'homme est de ne l'avoir 
  finalement pas crue.