SUJET : DEUIL NATIONAL
(ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES 2002)

 

C'est à l'approche de l'année 2004, qui sera traversée par les élections cantonales, régionales, européennes et sénatoriales, que je décide de m'atteler à cet archivage des échanges de la liste de diffusion du Terrier pendant les élections présidentielles de 2002.
J'y ai souvent songé depuis que l'UMP est au pouvoir; pas tant pour les très hypothétiques lumières que ces archives pourraient apporter sur les question du fascisme, du racisme ou tout simplement de l'engagement politique, que comme un témoignage extrêmement vivant des questions qui agitaient toutes les conversations à ce moment-là. Ces échanges me paraissent retranscrire au mieux cette ébullition et l'étrange état hypnotique dans lequel toute cette merde nous plongeait.
Il manque ici quelques lettres, il y a probablement des trous dans les conversations, et pas seulement parce qu'elles se poursuivaient souvent hors-liste: mais je n'ai tout simplement aucun moyen d'automatiser ces compilations et je n'ai guère de sens de l'ordre.
Je voulais quand même ouvrir sur une courte présentation (personnelle, à laquelle ne souscriraient peut-être pas tous les participants à ces conversations):

Contrairement à ce que prétendent certains abstentionnistes doctrinaires confits dans leur poème historique, l'UMP et le fascisme, ce n'est pas une seule et même chose. Dans un véritable pays fasciste, je serais déjà mort ou en taule, certainement pas en train de vous tailler une bavette sur cette page. D'ailleurs, il n'y aurait pas cette page. Ça ne fait pas l'ombre d'un doute pour moi (mais il faut croire, si on considère les ricanements qui accompagnent systématiquement cette déclaration, que la certitude que le pire peut arriver partout sauf ici est bien ancrée; d'aucuns croient que les données de la démocratie sont ineffaçables, que les choses ne disparaissent pas comme ça, pas aussi vite, qu'ici c'est pas le Chili, que faudrait pas déconner quand même. Je voudrais juste rappeler à ceux-là que dans les années 60 l'Afghanistan était un pays démocratique qui n'avait rien à envier en la matière à la France, et que si, ça aussi, ça peut disparaitre. Tout peut disparaitre).
Il me semble que la liberté de penser ne se forge pas à l'école, mais contre elle, encore faut-il pour ça qu'elle existe: que les actuels petits malins à qui ne coûte pas grand-chose de dire "je le savais" fassent pour une fois un petit effort de prospective historique et politique et se renseignent sur ce qu'est une école dans un vrai pays fasciste et on recausera de la parfaite identité de Chirac et Lepen.
Non, ce n'est pas la même chose du tout:; cette tentative de noyer dans l'équivalence tous les pouvoirs et toutes les actions humaines pour peu qu'elles semblent unies dans la désapprobation où on les rejette ou dans l'amour qu'on leur porte est imbécile, lâche, fainéante, c'est-à dire idéalement au service du spectacle.
Que l'actuel gouvernement soit ouvertement prèt à administrer et flatter ses racistes est une chose différente d'un gouvernement raciste qui fonde son modèle d'état sur une loi du sang.
Pour tous ceux qui pensent que ce n'est pas différent, la nuit de Cristal ne signifie rien de plus précis qu'un film de Spielberg ou qu'un congrès de postiers. Malheur à eux.
Je ne regrette pas une seconde d'avoir concouru, par mon vote, à gonfler un plébiscite chiraquien d'une allure si outrancière qu'elle lui fit perdre toute légitimité républicaine, et ceci pour cette seule raison: par son embompoint de 82%, ce vote a pu signifier à tous les immigrés qui tremblaient de voir monter au gouvernement leurs persécuteurs que, pour autant de Français, oui, ils étaient les bienvenus.
C'est peu, ce n'est qu'un salut amical, mais c'est encore le mieux qu'on puisse attendre d'une singerie démocratique.

L.L. de Mars

ENTREZ