Oolong
Promenade

Variation sur un motif de Stalker.


Un


Un jour faisant un pas, le premier pas derrière lequel tous les autres. Rien de plus. Rien de compliqué que cela. Un pas et les autres, à chaque fois et chaque pas, chacun suivant de son prédécesseur comme premier de ceux qui après lui. Non pas que le premier, un seul premier, non. Chacun d'abord et puis les autres ensuite. Un jour faisant un pas, tout cela bien suffisant pour qu'il sache qu'il avait commencé. La promenade. La promenade l'avait commencé lui et lui elle, tout un, eux deux ensemble, avec. Un jour. Décidant de se lever et de lever son pied, l'un de ses deux pieds, et puis de s'en aller d'un pas d'un seul toujours le même poussant les autres. Le premier pas qui compte, le premier je ne m'en souviens plus, n'est-ce pas depuis toujours l'avant dernier et le second n'attendant que le suivant ? et tant d'autres. Un jour.

Toujours son pas le premier pas. Matin ou soir identiquement le même. Poursuivre il le sait bien, poursuivant son chemin du même pas. Uniment tranquille. La jambe levée tellement de fois qu'il ne se souvient pas. Marche n'avance pas. Comme cela des jours, le temps. Le temps marqué dans les pas. Quand j'atteindrai la petite flaque là, quand dans la vase en dessous, quand le bas du pantalon et le pied dans la chaussure trouée, il sera exactement, justement le millième ou le dix millième ou le millionième pas. Boueux. Facile. Fixe le chiffre qu'il se donne là, et tant pis pour l'origine, le point d'origine dont la précision. Précision, précieuse première seconde du premier moment du premier millionième de millimètre sur lequel tant de paris. Jamais pourtant rencontré un pas qui soit le sept cent vingt et unième ou un autre douze ou tant de fois douze qu'on voudra. égaux, les pas, chacun, comme sa démarche égale. Pas les premiers pas le sont toujours.

Avance ainsi sur ses propres pas qui forment en dessous du bout de lui le support sur lequel il marche car autrement il n'avance pas, pas du tout, lourdeur qui se justifie là où je pose mes pieds sont mes pas mon chemin là plus rien de pur, je suis passé, j'ai marqué, remarquant mais si peu que des croûtes de boue enlisent de la pointe au talon ses souliers dont plus grand chose ne se remarque pour lui que leur gangue de terre dont dépasse un lacet tige d'herbe sur le champ du pied mais tout cela bien suffisant pour que les pas encore après l'un l'autre se poursuivent il s'avance.

Ainsi c'est sur ma propre trace que je marche. Idiot. à chaque pas ma trace ainsi

Se baissant soudain si quelque chose dans sa marche pouvait encore être soudain. Que c'est loin tout ça. Mais quoi de plus impossible désormais que soudain chez lui ? Se baissant après avoir fortement ralenti depuis si longtemps qu'on se demande si jamais il accéléra ou si depuis le début déjà. Comme il s'avançait pour ne+que ralentir enfin. Pas n'importe où. Se baissant justement là où depuis son bref chemin ses pas le menaient, au dessus de ce point précis, de cette motte de boue, celle-là. Imposant son dos sur le décor vide de tout sauf de lui car rien nullement pour l'échelle d'autre que son dos aussi grand ou petit qu'on voudra à la mesure de lui même, toute chose aussi réduite à lui même. Uniquement humain car alentour tellement plat d'où lui seul qui dépasse. Droit. Plus ou moins. Sur ses deux jambes à la rigueur. Tellement morcelées.

Mais marquant d'abord un temps d'arrêt et penché ses mains sur ses fémurs, il souffle, les yeux devant vers le bas qui saillent légèrement, débordant, mais ne tombant pas, jamais depuis si longtemps qu'il les porte ainsi au devant de lui et avec lui à chaque pas, leur solide ancrage tout entier planté en surface de sa tête tout au bord excroissants comme si ils se refusaient à rentrer plus avant en lui et tout refuge, portés dehors expulsés rien de profond en eux, ses yeux. Puis une main s'écartant et toujours plus bas tombe et fouille la motte de terre celle là justement devant laquelle il se tient à l'arrêt pour en extraire quoi qui y serait resté rentré accroché enfoui

fouille d'un geste lent et patient ainsi un bon moment sans se presser doucement fouille la boue de façon que la boue entre encore plus entre les doigts, dense, et sous les ongles sales depuis tout le temps, et sans que son dos un instant - pourtant courbé - ne tremble il se tient maigre dans son pantalon bleu dont le bleu depuis longtemps ne ressemble plus à rien de bleu mais pas mal égal au ciel tout au dessus de lui aussi incolore que son vêtement et son visage quelque chose qui leur aurait été volé à tous qu'ils n'auraient même pas essayé de retenir ni lui ni le ciel

pendant ce temps toujours assez long dévisageant la terre avec cette attention tendue qu'on a vue à bien des enfants anormaux ou à des gens seuls en train de penser à quoi d'une profonde et anxieuse concentration comme s'ils l'extirpaient de quelle profondeur et balançant mollement son bras encore et tout au bout ses doigts pour déterrer de ses mains ce qui entre ses doigts doit se retrouver mais qui là encore empreint dans la motte de glaise le charnier de boue qui manque tellement de forme quoi qui ne se montre pas, pas encore, la main qui tire et malaxe, la bouche tendue et cet air presque comme si c'était drôle en dépit de tout

Jusqu'à ce qu'il en ramène ce qui devait se trouver là puisque là il le chercha et qu'il n'aurait sûrement pas cherché si non pas

si pas seulement d'une certaine façon certain que cela devait se trouver là puisque indirectement il l'y a mis il le sait bien et en sourit d'un coin de lippe rien de plus tout en marquant ses appuis d'un rien de différence comme pour se mettre à bouger ce qu'il ne fait pas tout de suite tant rien n'est pressé et l'avenir lui est laissé dirait-on quoi l'avenir ? et se tient un moment qu'il ne mesure pas dans la pose presque impossible de celui qui penché va se relever juste au moment qu'il ne le fait pas encore mais va

en remonte ce que sûr de trouver il a foui pour chercher qui s'enroule sur son doigt presque aussi gros que la gangue de terre qui l'enrobe qu'il secoue à présent en râlant à mi-voix puis dénoue pour en retrouver le noyau heureusement que je l'ai celui-là sachant ce qui se trouve là tandis que lui suspendu au dessus agite ses doigts accentuant sous ses ongles dépôt de terre ses mains

en ressort attaché par un ruban de blanc si brun terne de coton s'effilochant accroché par dedans un gros écrou rouillé qu'il porte puis maintient devant ses yeux un temps avec rien sur sa bouche et dans ses yeux à peine autant pour prouver qu'il le reconnaît je l'ai je l'ai puis d'un coup de pied plus vivace qu'on ne l'aurait cru repousse dans le rien du champ plat la motte excavée par ses soins plus rien lui debout encore arrêté et dans sa main

s'exclame
presque
XX XX XXXX !!!
entre sa bouche et ses oreilles une distance telle que ni dedans ni dehors il ne s'entend dire ce qu'il parle à moins qu'il ne s'écoute pas

mots sortis à demi hauteur de bouche ouverte canaille comme un vieux film il serait un de ces héros courts à galurin taupé qu'on se glisse sur le haut du visage et de l'ombre ainsi ajoutée plus grand chose des yeux plus que le menton et dur, dur, héroïsme marqué comme cela seul dans le menton en un pli mais lui les cheveux encore denses dehors et ne cachent rien de ses yeux de rien son visage tout ouvert à la lumière grise qui ne l'éblouit pas dans ce jour où il se tient, se tient encore sans faire un pas

relevé maintenant tout à fait ayant fini le mouvement lent totalement tenu droit et dans sa main le même objet qu'il porte devant ses yeux en le serrant plus fort avec ses doigts dont les phalanges blanches plus que le ruban tout cela puis déborde des yeux et devant lui se lèvent pas grand chose à discerner sur l'avenir sauf qui sait cela continue par là devant

brusque certitude comme chaque fois que s'il reste là immobile ce sera sur sa tête qu'il devra supporter que cela tombe il ne sait pas quoi un ballon ou pire et pour cette raison il ne s'arrête jamais vraiment longtemps faut qu'il avance dans l'ordre qu'il s'est trouvé et dont ses pieds ne se trouvent pas plus mal que lorsqu'il se tient arrêté il pense il croit savoir il veut bien encore des pas vu que derrière

les statues de sel bonnes pour effrayer les petits enfant mais se retourner cela ne convient pas ne lui convient pas il n'en veut pas c'est encore

son bras d'abord vers le bas comme s'il le laissait tomber abandonnait son bras et continuait tout seul sans lui mais à vrai dire non il le reprend avec sa main qui pendant au bas va se recroquevillant et d'un large arc de cercle qui surprend chez cet être à présent passablement compact puis d'un passage plus rapide de l'ensemble bras-main sur le dessus de son épaule gauche puis se continuant le mouvement

tandis qu'il s'en est détaché à présent filant dans une courbe à la trajectoire aisément calculable à l'aide des formules mathématiques appropriées et d'une marge d'erreur tout autant calculable à moins que les mêmes erreurs près et la queue de chiffon plus très blanc et même plus vraiment gris la queue fasseyante dans l'effort de la vitesse l'écrou tendu poursuivi et apparemment porté par sa filante qui s'envole dans le peu d'air et l'absence de vent

tandis que lui finit son geste penché vers l'avant tout l'appui alors sur ses jarrets baissés d'un mouvement d'oeuf et le bras battant accompagnant ce qui va s'arracher ou alors rien que du cinéma il n'en croit pas un geste mais ne serait-ce que l'image de son corps dans ce pardessus gris-bleu mimant les discoboles dans ce décor gris alors il accompagne le geste avec méthode car personne ne regarde il peut tout s'imaginer et il n'imagine rien c'est le geste et puis

redressé à l'achèvement guette le vol de la queue de tissu gris sur le gris d'ici une main protégeant ses yeux de la lumière qui n'est pas là protégeant son front des ténèbres qui ne sont qu'imparfaites longuement au ralenti attendant que ça tombe là bas autre motte comme très doucement avec un bruit mou et liquide qu'il cuide entendre mais ici l'espace peut bien laisser passer les bruits qui passent loin de lui dans un autre voyage et se remet en route comme tout à l'heure comme toujours d'un pas puis l'autre le millième premier et son cent-millième second qui aussi le millionième premier et tout droit encore vers

ses bras battant mais surtout pendants battant ses pas un peu longs plutôt ses bras que ses pas

Les bruits dans la glaise dans la boue totalement convaincants sonnant parfaitement vrai et son moral durant tout ces pas parfaitement escamoté de toutes menaces d'autre chose que le rien qui pourrait le choquer mais il s'en fout un véritable gaillard marchant et de cela ne lui manque rien comme l'accompagne tout à fait justifié le bruit de ses pas qui lui évite de chanter et de temps en temps il siffle deux notes si étroites que nul air

Mains tantôt dans les poches tantôt battant l'air autour de lui pour accompagner sa marche ou encore croisées contre sa poitrine la main droite serrant le coude gauche tandis que le coude droit est serré par la main droite et aussi des permutations du bras gauche battant tandis que la main droite tente de serrer le coude gauche ou que la main gauche se réfugie dans la poche gauche tandis que la main droite du bout de son doigt cure le nez ce qui est pure mélancolie ici peut être

Dans sa poche droite de pantalon aussi quelques cailloux qu'il tâte du doigt et dans sa poche gauche de pardessus des écrous de rechange et pour les fanaux il les fait avec des morceaux de sa chemise ou de ses sous-vêtements parce que la couleur importe toujours finalement assez peu surtout ici et l'origine des fanaux pareillement

Et s'en va cheminant de l'endroit où il s'est redressé après ses contorsions ovoïdes de lancement et son scrutement imparfait de morceau d'ellipse jusqu'à la prochaine motte sur laquelle il se penchera pour la fouiller et y reprendre son bien et dont il se relèvera l'écrou à la main toujours salement décoré pour de nouveau le lancer et ainsi de suite dans son chemin aussi longtemps qu'il le faut

parfois perdant un écrou au bout d'une fouille un peu longue n'ayant pas visé la bonne motte de terre ceci étant elles se ressemblent toutes mais parfois aussi en trouvant un à l'arrêt qu'il ne se souvient pas avoir lancé et du tissu encore en réserve bien de quoi tenir longtemps

cette prolifération des écrous qui pourrait retenir son attention mais il préfère d'une motte l'autre avancer plutôt que de travailler à comprendre l'origine des écrous mis en garde par le souvenir de Jack qui ne faisait que travailler et jamais s'amuser si bien qu'il en était devenu tout terne et cela bien avant longtemps qu'il se décide sur l'histoire des pas et du chemin à faire

Jack, mon vieux Jack tout terne avec ton travail à la con pauvre Jack victime de tout toi-même encore inutile toute cette activité se remuer se remettre en marche

Comme cela entre une chute d'écrou et l'autre tout à fait tranquillement. Incroyablement tranquille comme il ne l'a plus été depuis, depuis au moins sa première année d'école et cette chape d'envie de le civiliser qu'il a senti couler sur lui des années durant avant qu'il ne. Ici de ça rien. Ici rien. Ses pas.

Aucune pensée incidente, nécessaire ni superflue. Rien. De temps en temps un cri ou il s'urine doucement sur l'intérieur du pantalon et relève avec très peu de plaisir la chaleur mouillée qui lui dégouline le long de la jambe sans cesser d'avancer à moins qu'il ne soit penché pour fouiller dans la terre à la recherche du fanal avant que rien. Juste ce rien ni réussi ni réjouissant ni intéressant dans sa plus grande valeur de rien à laquelle il ne pense jamais non plus. Exactement ce qui rend impossible inutile tout à fait sans objet toute tentation de penser que c'est bien ou pas. Il ne le pense pas. Il ne pense pas du tout.

parfois il pleut. Qu'importe.

en chemin entre deux mottes parfois un ballon boule blanche et rouge tombe à ses côtés, mais pas de toute sa hauteur, apparaît à cent soixante cinq centimètres du sol à peu près soit à la hauteur de ses yeux et part rebondir déformé sur le sol avant de remonter jusqu'à ce qu'il disparaisse derechef absorbé par l'absence arrivé à cent soixante cinq centimètres puis réapparaisse et retombe ainsi cinq ou six fois et puis plus rien happé par le haut dans la courbe même du rebond qui pourrait le laisser subsister dans cette zone où il les voit les choses ballons qui

Espace ainsi fait que rien de plus haut que ses yeux à lui ne subsiste et qu'il tombe de nulle part divers objets rebondissants ou pas mais presque toujours des ballons et quelque fois de grands animaux roux dont il ne demande si ce ne sont pas des kangourous quoiqu'il ne s'y attarde pas objets qu'il ne voit ni venir ni repartir sans que cela le dérange plus que cela dans sa marche

Tout à fait silencieux et invisibles puis ploc parfois tout près tout à côté de lui devant ses yeux avançant le long du sol d'un pas en l'autre transformant chaque pas en le suivant dans l'éclosion des objets.

tout cela quand même ces chutes des choses périodiques assez peu importantes pour ne former d'aucune façon une distraction rien qui fasse obstacle au sérieux des pas cela se manifeste et retourne au néant et toujours a distance assez respectable de lui de telle façon que leur donner un coup de pied même ne l'envisage pas car le vrai événement se tient dans les pas et seulement quelques fois dans le lancement de l'écrou chaque pas une fête et l'écrou une autre plus rare mais pas plus précieuse

qu'il ne lui en tombe pas sur la tête si du moins il ne reste pas trop longtemps arrêté voilà tout

d'une périodicité si régulière des chutes de choses il se pourrait qu'il y ait un plan mais il se refuse à l'interroger pour ne plus croire a aucun plan possible depuis longtemps qu'il s'est mis en marche dans le louable souci justement de ne plus demander d'autre plan et d'autre sens que celui que lui procurent ses pas comme ils s'accumulent sans jamais commencer ni finir ici ou ailleurs

s'arrêter il y faudrait peut-être une grande famille d'objets tombants menaçants et alors il accepterait de bifurquer du plus court segment de droite qui relie deux mottes mais aussi il se pourrait qu'il ne considère que comme illusion ce qui alors interfère entre lui et le champ de boue entre lui et le chemin qu'il fait sur le sol l'esprit rivé à ses pas et à suivre le parcours qu'il a vu voler de l'écrou et de queue de tissu cela seulement qui l'intéresse et qui le retient de rien faire d'autre

 

Deux

monde simple empêtré dans son humidité qui fait les gestes glissants pourtant riche sensation du morceau de tissu chaque fois qu'il le tient dans sa main mais aussi du poids de l'écrou ou encore de chaque pas qu'il sent se décomposer sous son pied et dans son corps chaque événement un tout petit tout à la poursuite duquel il fait le suivant et même de l'air qu'il aspire lorsqu'il y prend garde il en sent le goût et cela s'écoule entre le tout semblable qu'il veut en marchant et le non-similaire qui ne cesse de se produire dans tout ce qui se répète ne parvenant jamais à réduire très étroitement l'un à l'autre ne renonçant jamais tout à fait aux joies du dissemblable le plus minuscule

si le pas pouvait être parfaitement identique au pas et le tissu de l'écrou au tissu de l'écrou et même se pencher exactement à chaque fois de la même façon ce serait peut être suffisant pour que tout disparaisse dans la seule répétition ou s'englobe sous la seule certitude de marcher comme il le fait de pas en pas et de motte en motte mais comme il s'en avise sans cesse la sensation qui déborde et décourage du parfaitement similaire et d'une vraie abolition

il lui reste en somme toujours quelque chose à marcher et aussi à toucher au fond de ses poches qu'un ordre unique n'habite jamais comme les choses y changent de moment en moment quand il y prête attention ce qu'il ne peut se retenir de faire même s'il aimerait tellement mais pas au point de s'y résoudre ce qui fait qu'il ne parvient pas à se réduire aux pas qui s'accumulent

des fois à se gratter le haut du chef repoussant en arrière le galurin dont le rebord déchiqueté s'en est allé pour ne plus ressembler qu'à un bonnet presque conique dont le ruban s'est incrusté dans le corps et ce grattement perplexe mais aussi reposant dans le chemin et qui comme tel ne dure jamais bien longtemps même si des fois il succède à un faux pas alors se retenant au repos quelques instants à reprendre son équilibre toujours imparfait

toc fait une fois l'écrou effectuant ce moment là son x-ième vol, cet écrou là dans la succession des écrous presque le même mais le premier croit-il se souvenir à faire toc à moins qu'il ne l'ait oublié alors qu'il vient de le jeter de la même façon après cet arc lourd de son bras et le suit des yeux attentivement jusque là où il doit aller et lui aussi ensuite sensation donc inopinée surgie avec ce toc

comment ça toc ? un coup de Jack ? Toc. Il existe des bornes à ne pas dépasser, dans la souffrance morale s'entend, alors toc ? toc ! même à un haut degré d'illumination et de rémission de l'existence, scandale et profonde déconfiture, quoiqu'on ait réussi à déposer derrière soi des sentiers et des souffrances en se mettant en marche

Il lui semblait bien aussi depuis quelque temps qu'il allait dans cette direction pas tellement différente de toutes les autres directions qu'il aurait pu prendre encore suivant honnêtement son écrou là où justement il le lançait, que se dessinait vaguement quelque chose par là de pas si honnêtement homogène que l'horizon de gris-bleu mais surtout de gris avec la lumière pas tellement éclairante auquel il était habitué que dans cette chose vers elle il avançait pas à pas posés mais encore rien du tout mirage

car proprement illusion obstacles en travers des pas combien peu solides rien d'autre que purement illusoires à la conscience pourtant faiblarde du marcheur éveillé qu'on-ne pas si facilement abuse avec des semblances de rameaux d'arbres ou de poissons volants où que ce soit et même les ballons rebondissants rien à foutre pas d'accord pour se distraire c'est marcher qu'il faut bien rectement comme convenu par intime persuasion une fois certain l'éveil quelque part sur le chemin et la boue

maintenant oreille tendue et penché le visage d'un quart tourné dans le sens du toc les mains furieusement dans les poches puis hors des poches puis de retour à saisir les rebords de la gabardine puis tripotant les boutons puis sortant pour les recompter les écrous de rabiot dans la poche droite et les ranger dans la poche droite rétablissant ainsi l'équilibre avec les cailloux qui eux n'ont pas bougé depuis longtemps de la poche gauche sauf lorsqu'il en prend un pour le sucer et qu'alors un subtil déséquilibre qui le fait tituber très légèrement durant quelques pas tandis que la salive afflue péniblement contre son palais

oreille perchée sur le crane à l'écoute du toc, de la direction du toc, si jamais il se reproduisait, l'autre oreille totalement à l'opposée, les yeux d'un quart de tour perpendiculaires donc plus ou moins aux oreilles puis mouvement de rotation coordonné ramenant les yeux dans la direction supposée du son et ré-établissant les oreilles dans leur veille de côté bien dégagées de toute direction précise âme à l'affût harmonie merveilleuse de mécanique humaine quelconque faisant jouer pour un geste simple quantité de muscles

obstacle en forme d'arbre avec assez de matérialité dans sa discutable nature d'illusion pour que contre son tronc l'écrou et toc le rebond et ses branches poussant à présent bien au dessus de mètre soixante-cinq qui d'un commun accord entre lui et le monde forma jusque là la limite haute des choses excepté de lui puisque son chapeau ne se désintègre pas sur sa tête et de l'écrou dont le vol ne se fait pas dans le néant mais rien encore rencontré au dessus de la limite fatidiques les mottes de terre il est vrai pas assez grosses non plus pour qu'aurait-il donc pu logiquement rencontrer ?

arbre il croit se souvenir d'avoir une fois récité une poésie devant un arbre mais avant tellement tout ça qu'il n'a peut être bien fait qu'entendre un de ses semblables de format réduit réciter en tremblant de peur d'oublier les paroles mais que cela ne l'arrête pas dans sa progression à la suite du vol de l'écrou et il se remet en marche vers la chose qui se fait passer pour un arbre à toc

des rameaux même semblerait-il à lever les yeux qu'un rien de brise agite très fugace comme fluide aucun risque de tempête il ne remonte pas le col de sa gabardine

quelle utilité ce serait de parvenu en ce point là se soucier de l'illusion une nouvelle fois alors que le chemin de l'écrou et des pas lui suffit comme tache acceptée depuis tous ses pas serait-il envisageable qu'un accident doit-il s'y résigner mais de quoi de plus y aurait-il ici résignation dans le décor des mottes du ciel gris et de l'arbre

unique ?

tout à ce seul représentant n'a pas encore senti dans ses yeux ce que l'évidence s'impose de pas seulement une illusion de rameaux ascendants mollement secoués par le flux de l'air durant à chaque fois dix ou quinze secondes avant de retomber mais aussi de nombreux compagnons du premier se faisant jour progressivement devant lui ainsi qu'un genre d'armée d'arbres mal disciplinés dont rien jusqu'ici ne laissait deviner la possibilité

donc faible toc première manifestation si ça se trouve d'une résistance au jet de l'écrou qu'il va lui falloir encore revivre de nombreuses fois avec un sentiment de frustration qu'il n'a aucune envie d'accueillir même s'il se doute bien qu'il n'en a pas le choix autant que ça et en pousse du coup un petit gémissement comme l'âme du goret qui s'arc-boute pourtant à la vision du couteau mais que personne n'écoute plus que ça

tout ça, seulement, ignorer tout ça

il ferme les yeux et s'avance il a appris déjà à marcher tout droit vers l'écrou sans regarder autour de lui mais alors levant les pas bien plus haut que nécessaire et repliant ses pieds de la façon qu'ont les poules comme si toujours le sol sous leurs pas n'avait rien d'assuré ou tout de brûlant si bien que prudence

un pas un seul pas pied bien haut levé celui qui ne pose pas sur le sol et ensuite remonter l'autre et le moins longtemps possible les deux en même temps plutôt un mouvement souple au moment de changer d'appuis sur le modèle d'une locomotive à vapeur et la progression se fait à l'aveugle dans un chemin neuf et noir avec pas même une brûlure rouge de jour sous les paupières mais quelques écorchures bleues ou vertes venues d'il ne sait où

comme cela la tranquillité du chemin indiscutablement revenu il se sent un peu mieux murmurant la vérité de son chemin écrou boue motte écrou et ainsi de suite sans jamais se permettre un écart à égrainer les formes exactes de son parcours sans laisser place à la fantaisie déguisée en rameaux d'arbres et autres sa respiration totalement consciente et sa marche de même aussi fortes qu'un arrêt total de tout pour reconnaître le monde immobile les yeux fermés

tout finalement dans l'ordre le moral qui remonte à des hauteurs certaines bientôt fini de l'incident suffit de fermer les yeux et les rouvrir seulement devant la motte

illusion

et puis derechef toc plus mat ce coup ci. cela fait un bien fou en même temps qu'assez mal dur contre lui il y est allé de bon coeur et rebondi ses yeux s'ouvrent qu'il a déjà le cul par terre dans la boue et qu'à une enjambée de lui matériel et ridé de mousses vertes et fines le tronc de l'arbre indiscutable tout autant que son visage sur lequel chauffe déjà une bosse et son nez qui brûle

bien fou de savoir qu'il y est arrivé avant même d'ouvrir les yeux en même temps qu'une mélancolique angoisse

tout cela vraiment vraiment savoureux bien que d'une certaine façon imprévu du fait que la surprise n'avait pas sa place dans tout cela quelque chose avait raté d'une façon complète et véritablement grave dont il se rend compte d'avoir adopté bien contre son gré mais sans désagrément cette position anormale le cul et les jambes et le dos sur la glaise au point de rester un assez long temps comme ça pour s'imprégner bien à fond de la découverte tandis que sa gabardine commence à absorber l'eau

de là où sa tête une vision véritablement panoramique sur le ciel gris-bleu uni quelconque comme d'habitude mais aussi sur les rameaux désormais en grand nombre indiscutable même s'il ne fait pas le moindre mouvement de cou pour découvrir les troncs qui logiquement sous-jacent à cela se refuser encore un moment tandis que son dos prend de mieux en mieux sa place dans la boue molle et qu'en remuant le bras gauche radialement à son côté il palpe quoi

pas véritablement prêt pour ça mais l'est-on jamais vraiment il ne peut s'empêcher de laisser filer un sifflement d'excitation et de frayeur qui habite sa bouche un moment comme s'il avait gobé un oiseau plumes comprises serait-ce encore un tour de Jack qui malgré son air affairé et terne finalement non ni une motte de terre ni l'écrou qu'il aurait lancé ni rien qui soit sorti de ses poches avec certitude d'ailleurs au toucher trop mou à la fois pour l'une et pour l'autre richesse ainsi donc la découverte d'une troisième richesse ainsi après celle des arbres et de sa chute dans la boue quel fier moment de vie contre toutes les lumières de la vraie conscience acquises avec tous ces pas d'une ombrageuse uniformité

bras et jambes secoués d'une façon d'épilepsie avec un soupçon de bave aux lèvres trépignement pas du tout contenu et livré au sol de joie ses doigts serrant fort la chose molle l'écrasent en matières pulpeuses jusqu'à ce qu'au centre s'y rencontre de nouveau le dur ce que c'est de ne plus se contrôler n'aurait-il pas du essayer plus tôt ? il en a la main gauche humide tandis que sa droite décèle un autre objet similaire à l'écrasé et ni aux écrous ni aux cailloux ni à rien d'auparavant et pas un arbre non plus pour idiot qu'il soit dans l'esprit il le sait bien

en matière d'aventures il en vit là une flopée d'un coup un nombre confus il s'en endormirait sauf cette excitation partout diffusée en lui criant des paumes aux joues des joues aux hanches se heurtant seulement à la boue sur laquelle tout cela a lieu tout cela par dessus la boue comme un ornement

une grosse fleur c'est lui mais il y a aussi les arbres à force de gigoter il en voit plus il sait qu'il est entouré d'arbres est-ce qu'il pourra encore jeter l'écrou sans que toc il s'en moque il fait autre chose de ses bras dans sa main gauche le double de la chose en charpie dans sa main droite ou le contraire avec son centre dur il lève les mains il les porte à ses yeux il

la couleur JAUNE épatant idéal pour cocus et poussins pamplemousses citrons et tournesols aussi quoique mûrs ils tournent au brun et le colza sur les champs et dans sa main ce jaune avec des zones plus vertes mais sans recouvrement c'est de la couleur ça comment fait-il pour se rappeler autant de choses jaunes malgré cette mémoire la mauvaise liste oubliés ces objets dans l'illumination qui de pas en pas et pas au-delà de ça d'avancer il ne

de nombreuses choses du monde jaunes il le reconnaît même d'ici allongé dans la boue

vraiment pour le coup une belle vie

dans l'autre main un noyau

rester là le jus dans la bouche