Laurent BERGER
Micro-récits

Cet ensemble de courts textes a été publié pour la première fois dans La Parole Vaine N°11

e vélo est son transport préféré.
Il prend les grands boulevards.
Il roule partout.  Passe inaperçu.
Surtout ne pas faire de bruit.
Se glisser entre les voitures.  Sourire aux passants.
Il laisse aller sa nonchalance.
Il pédale, lève les bras, lève lesjambes.
Les rails de tram sont dangereux.
Il tombe. Se casse un doigt.


l ne fait que commencer.  Il prend ses distances.
Il creuse son manque.  Passe les jours à chercher
les jours.  Met sa fatigue devant lui.
Il laisse tout aller.  Il est occupé ailleurs.
Il invente, efface, recommence.
Il ne fera pas trop de bruit, c'est promis.
Un voyage lui ferait du bien.
Sa lenteur le perdra.


e joue pas aux cartes. N'essaie même pas de tricher.
Il rate son coup.  Il perd la partie.  Il sourit.
Il a encore oublié de se prendre avec lui.
Alors il abandonne le eu.  Ne laisse rien derrière lui.
Est insupportable.  Prend son air impénétrable.
Ne voit pas pourquoi il faudrait s'énerver.


l voyage en train.  Il voyage en seconde classe.
Il regarde par la fenêtre.  Il tient son livre.
Lit une phrase.  Murmure quelque chose.
Il regarde quelqu'un.  Il lui parlerait.
Seulement il est toujours gêné.
Il ne veut pas déranger.  Il travaille sa discrétion.  Il ne veut pas rentrer à la maison.


e présenter à l'examen.
Il regarde la liste.  Il ne voit pas son nom.
Il ne panique pas.  Il attendait son accident.
Il ne s'est pas inscrit.  On trouve un arrangement.
On délibère longtemps.  C'est un garçon calme.
Littéraire, vous comprenez.  N'a pas les pieds
sur terre.  On lui donne sa chance.
Il dit au professeur qu'il ne veut pas commenter
le texte.  Il a réussi.  Il est content.
Aujourd'hui il n'a pas plu.


l se métamorphose.  Il prend sa dose.
Assure sa tranquillité.  Sa tristesse lui fait
du bien.  Elle l'entoure.  Il est obligé de se dérober.
Il renonce.  N'exige plus rien.  N'en veut à personne.
Il avance lentement.  Il avance assurément.
N'est plus convenable.  Sa tristesse le cajole.
Elle le prédispose.  Elle est son état second.
Elle le ralentit.  Vous avez l'air mélancolique.
Vous êtes toujours sérieux sur les photos.


l jette des choses.  En laisse tomber d'autres.
Ne se protège pas.  Ce qui dure l'ennuie.
Attaché à rien, il voit plus loin.
Il se désarme.  Est lui seul au courant de son désastre.
Il jette ses déchets.  Il tousse fort.  En est tout désabusé.
Ne trouve pas le remède.  Tout sort de lui.
A une nouvelle crise.  Observe ses alertes générales.
Il dégage son terrain.  Il fait son espace.
Il se débouche le nez.  Il élinùne tout.
Il est si maigre.


llô, on vous appelle, c'est l'Etat.
Vous pourriez répondre au téléphone.
Arrêtez de faire l'innocent.  Achetez-vous
un répondeur.  Nous allons prendre des mesures
contre vous.  Votre carte d'identité n'est
plus valable.  On ne vous reconnaît pas sur
la photo.  On va venir vous chercher.
Vous refusez de vous naturaliser.  On vous aura.
Vous ne perdez rien pour attendre.
Votre dossier est incomplet.


l n'avance pas entier.  Ne se contient pas.
N'assure pas.  Evite alors d'être pris en
flagrant délit.  Il fait les choses en douce.
Fait semblant de rien.  Il avance séparé.
Renverse tout sur son passage.  A un mauvais
air.  A la démarche patibulaire.  Il doit trouver
une esquisse.  Il va légèrement brisé.  Il doit
trouver une ftùte possible.  Il cache sa vie
secondaire.


al parti, mal fait, fait de travers,
recommencez mon garçon, concentrez-vous.
Vous vous y prenez très mal.  Prenez un
point de repère. Ça ira mieux.  Vous manquez
de précision.  Vous ne mesurez pas ce que
vous affirmez.  Arrêtez avant qu'il ne soit
trop tard.  Revenez ici, où allez-vous?
Prenez un point de comparaison.  Procédez
dans l'ordre.  Vous le faites exprès, ma
parole.