En 1924, la petite collection d'avant-garde Valori Plastici consacrait un volume à George Grosz, présenté par Italo Tavolato. 32 phototypes en constituaient l'illustration. Cadeau du libraire Laurent Raval (bouquinerie Sur la route, à Bécherel) il n'était pas question que je garde pour moi seul cette merveille. En voici donc les 32 pages scannées pour les visiteurs du Terrier.

Ici des arcs de cercles malades, une géométire pourrie ; le dessin de Grosz ronge les colonnes du temple de la raison bourgeoise. C'est la raison raisonnante qui travaille sans relâche à se faire passer pour la raison rationnelle et qui vise à noyer notre interrogation du monde dans le bouillon du Christ.

Nous partageons, nous, la même table, la même salade amère, nous entendons la même petite mélodie d'arrière-monde et notre panorama est cadencé, pareil, par les marches d'enfants ralliés à l'appel du progrès. Menace de fessées coincée entre deux fessées, de guerre coincée entre deux guerres.

Comme c'est humiliant d'être gouverné par des canailles congénitales, des saloperies de fils de famille, comme c'est douloureux de prendre en plus de l'honnête coup sur la gueule cette odeur infecte de savonnette s'échappant de la manche de celui qui vous bat.

Mais comment pourrait-on être gouverné par autre chose? Quoi d'autre qu'une canaille pour tout simplement désirer le pouvoir? Et quoi d'autre qu'une saloperie de fils de famille pour y accéder? Un riche est toujours riche contre quelqu'un. Il n'y a aucune richesse légitime. Plus le bourgeois qui vous invite à mieux faire et rester calme fait  valoir la légimité de sa propre fortune, plus vous pouvez vous sentir autorisé à lui cracher son mensonge insolent dans la bouche et à le savater sur la place publique.

Les contes à dormir debout de la réussite sociale sont écrits au laudanum par des créatures nées sans angoisse. Leur progéniture n'a pas besoin de ces contes, elle ; elle croît, tranquille et parachevée, sur vos enfants compostés par la guerre.

L.L. de Mars