Lorsque j'ai décidé d'inviter F.A. à se creuser une galerie dans notre Terrier, ce fut parce que j'avais été très impressionné par la beauté étrange de ses dessins figuratifs et de ses bandes dessinées, négligeant un peu ce que je considérais comme les prémisses à ce travail, à savoir cet immense et maniaque jeu de variations infinies sur les figures trompeuses, les pièges à regard.
C'était une double erreur d'appréciation ; d'une part chronologique (et du coup une profonde incompréhension de sa prospective), puisque ces géométrismes illusionnistes sont nés des interrogations portées par lui sur ces dessins que j'avais préallablement élus, et non le contraire ; et d'autre part, ce que je n'avais pas imaginé, c'est que mes aller et retours sur son site (Figures ambigues ) allaient peu à peu contaminer mon regard et mon jugement, et que je finirai par prendre immodérement goût à cette partie-là aussi de l'oeuvre. Et pas comme autant de gadgets optiques amusants, mais bien en tant que travaux plastiques accomplis. Ces images ouvertement mensongères mettent en lumière le mensonge implicite qui est au travail dans tout image.
Du coup, les catégories hâtives que j'avais brossées pour classer les objets de mes choix étaient devenues inutilisables, et je devais en créer d'autres. J'ai vite fini par me rendre compte qu'elles n'avaient pas beaucoup de sens, et les difficultés que j'aurais maintenant à défendre celles que je vous proposent en disent finalement assez long sur la cohérence de l'oeuvre entier et de l'idiotie qui me conduisit à vouloir cloisonner tout ça.
Par exemple, à quelle diable de catégorie ressortirait le dessin ci-dessous? Les croquis géométriques? Les scénographies figuratives? Et pourquoi pas les bandes dessinées?:

Ne voyez donc pas autre chose dans le menu situé à gauche qu'un rangement vaguement commode, assez illusoirement raisonné, qui vous permettra au moins de découvrir pas à pas le travail fascinant de F.A. que je suis heureux d'accueillir parmi nous. Que ceci vous encourage à vous plonger dans l'oeuvre intégral à ces adresses: Figures ambigues & Figures fictives

L.L. de Mars - Avril 2005

Lorsque je demandais à F.A. de présenter lui-même ces pages, il me répondit «De mon coté, je vais essayer de pondre un texte d'une vingtaine de lignes sur l'ambigu : comment on en arrive à produire des figures ambigues alors que l'on n'aime pas l'art optique, pourquoi ça fascine et que l'on répète la même chose sous des oripeaux différents (bédés, illustrations, figures, textes) pendant vingt ans sans s'en rendre compte...», ce qui était déjà en substance un début de réponse. Voici comment, finalement, il nous invite à visiter ces quelques pages:

Les figures ambiguës, qu'elles relèvent de la représentation de l'espace ou de la reconnaissance formelle, font travailler le regardeur. Car pour être totalement comprises, ces images vous obligent à retrouver la deuxième interprétation spatiale ou sémantique constitutives de leur ambiguïté.
Mais, plutôt que d'en rester à ce jeu stupide digne des magazines populaires de télévision ou de vulgarisation scientifique, vous aurez encore à vous demander ce que peut bien signifier cette ambivalence de l'espace et de la signification. Pour moi le problème est clôs : les relations spatiales expriment les relation humaines. Ainsi, à la manière d'un roman de Camus, vous ne saurez jamais si les volumes dispersés à la surface de l'image sont solidaires ou solitaires : si ils se recroquevillent à l'intérieur d'un même plan ou s'échelonnent dans la solitude de l'espace.
Après avoir accepté cela, vous pourrez enfin contempler les peintures de Giorgio Morandi d'un oeil lavé, l'esprit ouvert aux contiguïtés et alignements équivoques de ces soi-disants pots, vases et tasses inanimés.
Votre serviteur, Messieurs.

F.A. - Mars 2005