Les premiers synthétiseurs

Bell & RCA

Dans les laboratoires RCA, aux Etats-Unis, nait au milieu des années cinquante le premier synthétiseur, le RCA Mark I, conçu par Harry Olsen et Herbert Belar. Il utilisait plus d'un millier de tubes électroniques et avait les dimensions cathédralesques des premiers ordinateurs... A la même époque, dans les laboratoires Bell, Max Mathews et John Pierce mettent au point le système de conversion qui permettra l'enregistrement et la synthèse numériques du son : c'est ainsi que naquit le Music 3 en 1957, un système informatique de synthèse sonore. Composée en 1958 par Newman Guttman, qui participe aux travaux de Mathews et Pierce, " Pitch Variations " sera la première oeuvre musicale entièrement réalisée avec des sons de synthèse.


Donald Buchla et Robert Moog

Le premier synthétiseur commercial a été conçu en 1964 par Robert Moog, alors vendeur de Thereminvox. Un an auparavant, Donald Buchla mettait au point un synthétiseur dont l'architecture était inspiré de celle retenue par Max Mathews pour la conception de Music 3 : des modules fonctionnels connectables (oscillateur, filtre, enveloppes) que l'on pouvait combiner en fonction de l'effet recherché. A la place de ces modules logiciels, Buchla utilisa des composants électroniques ; les fonctions de chaque module étant alors reliées par l'intermédiaire de câbles. Il s'agissait du premier synthétiseur modulaire. Robert Moog perfectionna les modules, en y adjoignant notamment un filtre de son invention, le filtre en cascade, ou cascade de Moog, consistant à mettre en série plusieurs filtres identiques afin d'obtenir une unité de filtrage efficace.

Le premier synthétiseur Moog...

Le compositeur Walter Carlos fit découvrir au grand public le son des modulaires Moog avec son album " Switched on Bach " (1968), reprenant les thèmes classiques du compositeur allemand. Quelques années plus tard, Walter/Wendy Carlos composera une bande originale sur des synthétiseurs Moog pour le film de Stanley Kubrick, " Orange Mécanique ".


Peter Zinovieff

Tandis que Moog dominait un marché encore balbutiant aux Etats-Unis, un autre précurseur de la synthèse, le britannique Peter Zinovieff, fonda en 1969 la société EMS (Electronic Music Studio) et présenta la même année son premier synthétiseur, le Synthi VCS 3. Regroupant dans un boitier compact tous les modules nécessaires à la synthèse sonore, l'instrument offrait un encombrement nettement moindre que celui des gros modulaires produits outre-atlantique. Pourtant, le Synthi VCS 3 était bel et bien un modulaire : les différents modules se connectaient entre eux non pas à l'aide de câbles, mais grâce à une matrice recevant de petites fiches destinées à relier les sources et les modulations.

Un an après la sortie du VCS 3, un modèle encore plus compact vit le jour, le Synthi A et son clavier/séquenceur KS. Désigné sous le terme générique de Synthi AKS, l'instrument était intégré dans une valise (illustration ci-contre).

L'intérêt principal des EMS Synthi est qu'en plus d'un clavier classique, ils disposent d'une manette permettant de contrôler le son en assignant ses paramètres aux pôles du joystick. Cette fonction, encore unique aujourd'hui, offre des perspectives créatrices hors du commun et permet avec un peu de savoir-faire la réalisation d'effets redoutables...

Nombre de musiciens ont adopté les Synthi dès leur apparition : Klaus Schulze, Brian Eno, Kraftwerk, Tangerine Dream, Jean-Michel Jarre, Pink Floyd...

Voici quelques extraits musicaux dans lesquels on peut entendre ces synthétiseurs originaux :


Pink Floyd, " On the run " (53 sec.)

Entièrement composé au VCS3, extrait de l'album " Dark side of the moon " (1973).


Jean-Michel Jarre, " Oxygène part.2 " (26 sec.)

Les possibilités du joystick alliées au son très électronique de l'instrument.
Extrait d' " Oxygène " (1976).

Le britannique EMS a aussi construit en 1971 un modulaire gigantesque, le Synthi 100. Il s'agit d'un monstre intégrant plusieurs modules de Synthi A, un séquenceur numérique, une table de mixage, des réverbérations, et même un vocoder optionnel. Cet instrument était avant tout destiné aux laboratoires de recherche musicale.


ARP

Parallèlement au développement des synthétiseurs Moog, une autre société américaine, qui se voulait la concurrente directe de Moog Music Inc., construisit plusieurs synthétiseurs ayant eux aussi laissé leurs traces dans l'histoire de la synthèse : ARP Instruments Inc., fondée par Alan Pearlman en 1969.

L'ARP 2500, un gros modulaire qui présente l'avantage, comme sur les synthés EMS, d'être repatchable à l'aide de matrices et non pas de câbles, fut le premier synthétiseur construit par ARP. Dès 1970, il céda sa place à des modèles moins encombrants comme le 2600, un semi-modulaire présenté dans une valise (comme le Synthi AKS), et des machines plus simples tel l'Odyssey, succès commercial de la marque, toujours en vogue aujourd'hui dans le monde de la musique techno.

L'ARP 2600 est un synthétiseur dont l'architecture est dite semi-modulaire, c'est-à-dire que les modules sont précâblés mais qu'il existe néanmoins la possibilité de modifier ces schémas à l'aide de câbles extérieurs.

On remarquera, parmis les premiers acquéreurs du 2600, Joe Zawinul et Stevie Wonder... Entre autres anecdotes, c'est un ARP 2600 couplé à un séquenceur analogique matriciel qu'utilisa Jean-Michel Jarre pour l'élaboration de la mélodie jouée par la montre suisse Swatch Call. C'est aussi un 2600 qui servit à la voix du petit robot R2D2 dans la trilogie cinématographique " Star Wars " de George Lucas.