Histoire de la revue TXT)

1974-1981 : Les phares d’une modernité singulière

par Erwan Haumine

LES PHARES DU CONTEMPORAIN : DEPUIS TEL QUEL, APRES TEL QUEL

1. Lecture de Francis Ponge : un moderne incommode

Le numéro Ponge aujourd’hui (TXT-3/4), paraît en 1971. Il est d’emblée placé sous l’égide de Tel Quel, puisque les noms de Philippe Sollers, qui a endossé depuis quelques mois un rôle de poulain auprès de Ponge [1], et de Denis Roche sont convoqués en couverture. Désormais, la revue TXT existe bel et bien ; c’est le début d’une cohérence thématique et idéologique. L’intitulé du numéro est déjà un indice, pour qui se replonge dans le contexte de ces années-là, de l’ancrage moderniste de TXT.

Ponge aujourd’hui, donc ; parce qu’il est différent de celui d’hier. En même temps que le personnage a quitté les rangs communistes et syndicaux pour évoluer vers un traditionalisme gaullien bon ton ("de la rage de l’expression à l’âge de la répression" [2], écrit Prigent), la jeune génération brandit son œuvre comme un modèle de matérialisme sémantique et la propulse au panthéon marxiste des entreprises révolutionnaires. Et si Ponge, comme le rappelle Jean-Marie Gleize [3], sait ce qu’il en est de cette récupération marxiste, Sollers lui ne se leurre pas sur la désapprobation profonde de cette lecture par son aîné : l’amitié qui lie les deux hommes résiste pour le moment à l’accroissement du fossé idéologique qui les sépare.

La brouille intervient après la vive réaction de Ponge à propos d’un article de Pleynet sur Braque, qui propose notamment une approche de l’œuvre du peintre sous l’angle psychanalytique. Ponge répond, avec la violence retrouvée de ses jeunes années, en mettant en cause la vanité des telqueliens, tandis que Pleynet, soutenu par le comité de la revue, attaque l’ancienne idole avec férocité. Irrémédiablement, Ponge est désormais pour Tel Quel un écrivain bourgeois et réactionnaire.

Nous sommes en 1974, et Denis Roche a lui aussi quitté la revue, fuyant son dogmatisme [4]. Par ces ruptures, deux des grands traits du Tel Quel des cinq dernières années se trouvent dépassés : les lectures psychanalytiques systématiques (c’est le départ de Ponge) et le dogmatisme (c’est celui de Roche). Fausse coïncidence à ne pas négliger dans l’histoire de TXT : ce sont bien les deux modernes "favoris" de la revue (de Prigent en tout cas) qui prennent leur liberté. La même année paraît La démonstration Denis Roche(TXT-6/7), premier numéro d’une ère nouvelle pour TXT. Ponge y contribue, par un texte [5] qui, confirmant sa rupture avec le Tel Quel de Sollers [6], en soutient un ancien héros, fraîchement débarqué. Jean-Marie Gleize note, dans A noir. Poésie et littéralité. [7]que Roche est le seul poète contemporain que Ponge ait "reconnu" (quand d’autres, notamment André Du Bouchet, n’ont eu droit qu’à de plus aimables hommages). Stéphane Baquey, dans un article sur les projets poétiques pongien et rochien [8], prolonge cette réflexion, en montrant comment les deux auteurs, malgré leurs différences, se font à cette époque une même idée de la pratique de la poésie, non comme genre, mais comme nom par défaut pour ce qui produit des "objets spécifiques" :

Le projet n’est donc pas seulement littéraire, son ambition est également politique : il donne à l’activité littéraire une valeur d’exemplarité pour la société entière. C’est le retentissement de cette activité spécifique du poème, qui est l’ambition initiale d’une refondation esthétique, dont il s’agit d’étudier le devenir dans une histoire de la poésie…

On suppose que c’est aussi ce souci de "refondation" qui a séduit les idéaux révolutionnaires de TXT. Car cette histoire des rapports Ponge / Tel Quel, TXT en subit les dommages, pour être trop apparenté à la revue de Sollers : les circonstances veulent même que Ponge soit une fondation majeure des deux entreprises, à considérer que TXT-3 est le véritable départ pour Prigent et Steinmetz. Pas étonnant, donc, de retrouver dans ce numéro consacré entièrement à l’auteur du Soleil placé en abîme, une lecture telquelienne de son œuvre.

Qui veut bâtir un monde a recours à une œuvre-monde. Celle de Ponge est "cosmogonique" [9] et présente, aux yeux des TXT, la qualité de définir un programme qui rompt radicalement avec le logo-anthropocentrisme de la métaphysique et de la poésie subjective, ainsi qu’avec le monologisme (religieux, fasciste) en pénétrant matériellement la complexité du monde : c’est le matérialisme sémantique, bannière sous laquelle ne cesse de défiler l’avant-garde de l’époque. Le concept d’objeu, dont le sens est ici précisé par Bénédicte Gorrillot, sert de base théorique à la lecture du travail pongien :

L’objeu (théorisé par Ponge dans "Le Soleil placé en abîme") désigne un texte "prismatique" qui "enchevêtre et superpose" des "positions subjectives" diverses sur le même objet et présente ce dernier dans le jeu de cet entrelacement critique. La logique de l’objeu est celle d’une expansion plurielle des matériaux, échappant à la contrainte cartésienne (d’une progression linéaire et unitaire), et procédant "par superpositions", "avancées", "zigzags" [10].

Les lectures-TXT de ce travail sont très influencées par la psychanalyse. Prigent et Steinmetz brossent le portrait d’un Ponge équivoque, sur le modèle du sujet psychanalytique : il y aurait l’écrivain classique, garant d’une langue régulière (dont la subjectivité résiderait en un "goût" tout-puissant) et dont le geste serait profondément censeur, et, simultanément dans la pratique pongienne décrite comme une "besogne", l’écrivain novateur et rebelle, travaillé par ses pulsions…

"Pulsions", références permanentes à l’Œdipe et au bagage analytique, un vocabulaire qui assomme l’auditoire du colloque de 1975 à Cerisy, dont l’intitulé – "Ponge, inventeur et classique" – évoque cependant la dualité de l’œuvre et les différentes lectures qui en sont faites. L’intervention de Prigent (et celle de Steinmetz dans une bien moindre mesure) [11] laisse perplexe Ponge lui-même, qui, rappelons-le, rompait avec Tel Quel un an plus tôt, au sujet d’une lecture offensante à ses yeux parce que faisant un usage abusif de ces outils d’analyse textuelle empruntés à la psychanalyse [12]. Interrogé aujourd’hui sur les raisons de cette réception, Prigent explique :

Les causes étaient multiples (la principale étant les conflits politiques qui traversaient à cette date le petit paysage de la littérature avant-gardiste !). Ponge, lui, résistait surtout à l’usage que je faisais alors des concepts psychanalytiques (l’analité, la pulsion de mort, etc.) pour tenter de lire son Soleil placé en abîme… [13]

Tout comme cette intervention, le TXT-3/4 adopte déjà en 1971 une lecture moderniste de toute l’œuvre de Ponge, différente de celles, existentialistes, de Camus et de Sartre, différente aussi du discours consensuel qui émergeait des interventions sur le sujet à l’époque. Les textes de Steinmetz, Duault, Clemens et Prigent [14] montrent finalement l’apport considérable de Ponge dans leur construction personnelle contre l’ancienne métaphysique, la poésie subjective, la pieuse univocité du "poétique" ou encore l’absence de matrice désirante dans la pratique littéraire contemporaine. S’il fallait une preuve de l’importance de Ponge, et de l’actualité de cette lecture pour Prigent, par exemple, il ne serait que lire le chapitre consacré à Ponge dans Ceux qui merdRent (POL, 1991), et constater qu’il reprend largement son intervention au colloque de Cerisy (1974).

2. Denis Roche, la mécriture

Il y a une œuvre moderne qui se prête plus volontiers aux outils d’analyse telqueliens : celle de Denis Roche. Refus radical de l’occultisme, validation des approches scientifiques (Ponge est, sur ce point, plus nuancé [15]), chaque texte de Denis Roche est aussi un programme, un positionnement. Une position que cette phrase d’Engels éclaire, toujours dans la perspective d’un engagement matérialiste : "Le mépris de la théorie est évidemment le plus sûr moyen de penser naturaliste, c’est-à-dire de penser faux."

Christian Prigent, qui place cette phrase en exergue d’un des chapitres de son essai sur Denis Roche [16], précise ensuite, citations du maître à l’appui :

Se mettre en posture d’observer le "spectacle des altérations de la pensée naturelle" dans "l’élaboration des produits lyriques de la fiction" implique une distance du sujet qui écrit par rapport à cette production lyrique. Autrement dit, il s’agit pour lui de "ne jamais être dupe de ce qu’il agit". Le projet c’est l’antilyrisme lui-même, si ce qui se donne comme "lyrisme" recouvre précisément l’élaboration et l’altération sous les produits "bruts" de la fiction, gratifiés d’un label d’authenticité.

TXT-6/7 (1974), consacré à l’auteur, ébauche cette lecture jubilatoire qui témoigne d’un accord parfait, à une époque donnée, entre une écriture, une méthode de lecture et un rapport au texte en général. Rien ne divise à cette époque les TXT et Denis Roche, qui se retrouvent dans un mouvement d’opposition contre les "poésies subjectives" et leur obsession de l’authenticité, du "naturel" ; un naturel panthéiste, qui fantasme un retour à la nature, ou "spontanéiste", obsédé par l’irréfléchi et la valeur divinatoire des jeux de l’inconscient. A TXT, on répond à ces chimères par un discours psychanalytique dur, qui considère que le texte est "travaillé" (plus que "hanté") par des pulsions. La charge pulsionnelle des écrits de Roche est assumée, revendiquée ; elle implique :

- une certaine "vitesse d’écriture"

- un investissement pulsionnel (d’ordre insurrectionnel)

C’est une nouvelle fulgurance que célèbrent les TXT dans leur numéro spécial Denis Roche, différente de celle du surréalisme :

Le lyrisme est la forme pervertie que nous ont léguée le romantisme et ses avatars", c’est le "degré néant de l’écriture", c’est dans son débordement mou que s’est enlisé le surréalisme. [17]

TXT refuse au surréalisme – empêtré dans la métaphore, l’image et le goût de l’occulte – la paternité d’une "libération de l’écriture". Une écriture véritablement libre – libre, c’est-à-dire rapide [18] – est une écriture scandée, rythmée par le déchaînement ludique et jouissif des mots, qui peuplent la scène du "spectacle de l’écriture" [19], le "théâtre des agissements d’Eros" [20]… Il s’agit de tomber les masques, et de résoudre tout jeu de dupe à se saborder dans le "carnaval" : un jeu sans maître, un débordement ; pas une parade de techniques et de savoirs.

Les jeux de dupes, au contraire, ce sont les littératures traditionnelles et leurs genres figés, leurs "effets de réel", celles qui souffrent d’avoir un maître, écrites dans une langue dominée, donnée en pâture aux complaisants exercices de virtuosité. Denis Roche est, aux yeux des TXT, celui qui contre sans conter, qui refuse frontalement l’anecdotique des formes romanesques (et néo-romanesques) ou poétiques. Contre les idéologies poétique et littéraire.

"Idéologie poétique", l’expression est lâchée puis ressassée, comme pour densifier, homogénéiser le bloc auquel il s’agit maintenant de s’opposer. L’idéologie surréaliste est aussi durement combattue désormais que le lyrisme, assimilée même à lui dans une certaine mesure. Une idéologie petite-bourgeoise, quoi qu’il en soit. Il est vrai que le mot est à la mode, puisque politique et littérature se retrouvent sous le chapeau de l’avant-garde matérialiste. En témoigne cette publication, dans la prestigieuse collection "Poètes d’aujourd’hui", d’un essai consacré à Mao Tsé-toung [21]…

Mais revenons à TXT-6/7, dans lequel une note de Christian Prigent revient sur l’opposition de Roche à "l’idéologie surréaliste" : la question est à l’époque soulevée par une partie de la critique de l’héritage surréaliste dans son œuvre, lue sous l’angle de l’automatisme. Il est question de la "technique" d’écriture mise au point par l’auteur du Mécrit. Une technique qui refuserait la correction ("Je ne barre jamais mes textes" [22]), et qui laisserait l’"incontrôlé" s’emparer de l’écriture, sous "une dictée d’ordre pulsionnel" [23]. Mais selon Prigent, cette "décharge pulsionnelle [se fait] hors de toute valorisation des images inconscientes", vecteur d’une totale liberté (pas de cet "académisme pseudo-spontané" que constitue le – décidément plus très coté – surréalisme). Pour TXT, l’enjeu, dans cette opposition à une avant-garde déchue mais dont les "post-" perpétuent le mythe, est la conquête d’une légitimité à incarner l’avant-garde vraie, moderne, actuelle.

Ainsi, Roche est le héraut [24] de ceux qui tentent de trouver un juste milieu entre lyrisme et formalisme : ne relevant ni de l’un, ni de l’autre, pas surréalisant non plus, son travail est logiquement étudié à travers les critères négatifs de l’outillage psychanalytique, à même d’évoquer les double-fonds d’une écriture qui est toujours, en même temps, son propre commentaire.

Cette technique dont nous parlons, et qui s’engendre, forme et sens, "à l’insu" [25] des scripteur et lecteur, c’est la mécriture, aggravation de la démonstration pongienne anti-poétique. Une "mécriture" dont Prigent prolonge le sens d’un "travail de deuil, défection plus que production" [26]. C’est parce que TXT opère sur certaines expressions des prolongements de sens tels que celui-ci, et parce que ces mots, ainsi augmentés, deviennent des balises critiques et théoriques importantes, que mécriture, comme carnavalesque, appartient en propre à l’univers de TXT. Et à travers cette considération pour une expression, c’est certainement, et parce qu’il n’est pas par ailleurs "citable" [27], une fidélité à Denis Roche qui se manifeste, comme l’auteur qui aura montré la voie d’une séduisante modernité. Celle-ci, débarrassée des "scolarités du formalisme telquelien" [28] et des apparatchiks maoïstes de la littérature française, peut se développer librement à partir de 1973 [29]. Ce curieux alliage de matérialisme, d’exigence théorique et d’engagement pulsionnel, corporel dans la langue, d’investissement sur une langue désirante, parfois délirante, deviendra progressivement le label du "2nd TXT", le plus médiatisé (qui coïncidera partiellement avec la prise en charge de la revue par Bourgois).


LES GRANDS IRREGULIERS : PRINCIPES DU "NOUVEAU TXT"

1. Contexte

Dans une société encore très rigide sur le plan de la psychiatrie, une société ayant traité Artaud comme elle l’a fait, la folie est l’envers absolu, le lieu de la pure négativité, du néant de la raison. Les "irréguliers", qu’ils aient ou non passé le compromis d’une normalité sociale, quotidienne, sont, pour le TXT des années 1975 qui commence à s’intéresser à eux, des fous, des malades. Comme nous, comme tout le monde ; simplement, ils assument et revendiquent le bancal, le disjoint, l’illisible de la vie, donc de l’œuvre.

La figure de l’écorché, travaillée dans plus d’un texte et reproduite en couverture du numéro 11 (celui de Valverde), synthétise les principes d’une nouvelle ère pour la revue (entamée avec TXT-9 et continuée dans TXT-10 [30]), d’une fascination pour ceux qui ont adopté la langue comme leur propre corps, qui entretiennent un rapport organique avec elle. TXT part à la conquête de cette langue excrémentielle, érotique, désirante ; pour cela, il faut retrouver la fraîcheur de l’époque "où la langue se formait". Gérard-Georges Lemaire, en introduction à ce numéro, cite le Traité sur l’origine de la langue de Herder [31] comme la dernière tentative de penser négativement le langage humain : pas comme don qui place l’Homme au sommet de la pyramide des genres, mais comme substitut à une "déficience instinctuelle". Lemaire ajoute :

Dada, Joyce, Stein, Pound, puis Gadda, Beckett, Artaud, Burroughs, pour ne citer que ces noms – pour leur prix –, ont inauguré une expérience dans la langue à travers laquelle elle ne peut être envisagée que comme fissurée, trouée, manquée, excédée de toute part par le flux de ses débordements intérieurs.

Voilà les antécédents du cas TXT, violemment opposé aux résurgences de croyances naïves en l’arbitraire du signe divinisé, et se permettant comme par réaction un peu de délire cratyléen ; évoluant aussi, petit à petit, vers une réflexion sur la lecture publique, en tant que mise en jeu, en danger, du corps dans la langue.

2. cummings : le formalisme débordé

TXT-11 envoie cummings au panthéon des "grands irréguliers". Deux articles le concernent ("cummings anamorphoseur" et "cummings en poids plume" [32]), le premier travaillé par le lexique de la maladie, le deuxième par celui de l’étrangeté et de l’étrangéité.

Prenez le corps de la langue et faites-lui la peau. Montrez son écorché. Et que ce monstre tienne debout, négatif affirmé. La maladie (la vie) de l’écrit-cummings, c’est ça… [33]

Le but de Prigent et Demarcq est clairement la "démarginalisation" des textes de cummings, qui ne doivent plus paraître "formels, obscurs et formalistes" (Demarcq) alors même qu’ils naissent d’une écriture quasi-idéogrammatique, plus ample et plus signifiante que la narration romanesque ou le lyrisme poétique. La langue-cummings déconstruit plus qu’elle n’élabore et ses "mots, subvertissant l’ordre phrastique, […] échappent à la surveillance qu’est censée exercer sur eux leur fonction" (Ibid.). Anamorphoseur sonnant et trébuchant, il rappelle à Prigent les Grands Rhétoriqueurs :

Ce que pointe cette compulsion maniériste à faire éprouver le poids du signifiant, ce que dansent ces contorsions syntaxiques, ces étirements prosodiques, ces éclairages artificiels, cette Grande Rhétorique en somme, c’est que le "réel" qui impulse l’écriture ne se parle pas dans la phrase…

Mention inattendue : les Grands Rhétoriqueurs ferait le lien entre l’ancien et le nouveau TXT, permettant de sauver le carnavalesque des décombres de l’ère du tout-politique, le liant aux irrégularités, jeux formels et "contorsions syntaxiques" des avant-gardes du XXe siècle. Comme le rappelle Paul Zumthor dans Le Masque et la Lumière [34], le XVe siècle est l’âge de la fête populaire, et c’est dans ce contexte carnavalesque de cérémonials inversés et libérateurs que s’inscrit l’œuvre des Grands Rhétoriqueurs, vivant des largesses d’un prince et échappant aux contraintes de la commande grâce à la ruse formelle ; elle participe à la fête de l’ordre (entendre du désordre), dont elle porte la parole.

On ne peut pourtant pas dire que cummings est un écrivain soucieux de politique. Son incarcération à tort pour une présumée trahison pendant la guerre l’a probablement trop marqué pour qu’il s’engage dans quelque mouvement que ce soit. Cependant, pour les TXT, son écriture reste populaire et jubilatoire.

- Jubilatoire, à l’image de celle des rhétoriqueurs médiévaux et de Philippe de Beaumanoir, inventeur de la "fatrasie", genre poétique du non-sens et du contre-pied, qui systématise, toujours selon l’analyse de Zumthor, "les effets d’accumulation et de contraste, brode sur la trame du discours des éléments qui y suscitent des discontinuités imprévisibles, des accélérations soudaines, faisant éclater la texture morpho-sémantique, tranchant le fil du sens ou promouvant un autre sens, issu du vide apparent". (Ici, la parenté avec cummings est évidente.)

- Populaire, aussi, en ce qu’elle convoque des caractères déviants de l’oralité et des expressions argotiques, même si la dimension phonique se trouve "amincie" dans les poèmes de cummings, selon Prigent.

Mais il s’agit de ne surtout pas reléguer e.e.c. au rôle d’amuseur, d’agenceur fou, de formaliste fantaisiste, dans une parenté trop visible avec les médiévaux. La publication d’extraits de son journal du nonmonde "communiste préindividuel" [35] et de la Nonconference-4 [36] va dans ce sens. Si cummings est malade, c’est aussi de refuser la mort, comme sa langue refuse "l’assujettissement au signe" (Prigent) : And to succeed in not dying. Farouchement individualiste, cummings a réussi à façonner une œuvre singulière jusque dans sa postérité, puisque quiconque s’essaierait à une poésie de la déconstruction syntaxique radicale serait immanquablement considéré comme un épigone. C’est là une force des irréguliers, et c’est aussi pourquoi TXT n’a jamais cherché à les singer : ils sont immédiatement identifiables et échappent aux catégories. Dans ce numéro, Demarcq a le dernier mot sur cummings (qui ne manque pas d’être, même dans son souci de maîtrise, un sujet psychanalytique !) :

Les textes de cummings ne demeureront formels, obscurs et formalistes, que pour ceux qui courent encore aux abris (linguistiques au besoin, avec pour bouclier l’arbitraire du signe) lorsque le symbolique sort sa logique.

3. Gertrude Stein et les fous-étymologistes : convoquer les choses

Dans les années 1960/1970, en France, on réentend parler de Gertrude Stein, après une longue période d’inattention à l’égard de son œuvre. De son nom, en revanche, il n’a pas cessé d’être fait mention dans les livres consacrés à l’Histoire du cubisme et de la Génération Perdue de Fitzgerald. Il est connu de tous les amateurs d’art à partir des années 1920. On hésite à dire que le reste est littérature, on tente d’apposer le label "cubiste" sur ses textes, sans trop de succès. Quoi qu’il en soit, l’œuvre littéraire de Stein demeure inconnue du grand public jusque dans les décennies 60/70.

Peut-être parce qu’elle n’a rien a prouver, celle qui influence et fascine Hemingway, Braque, Gris et Picasso, ne sacrifie pas au goût du public, au moins pour toutes sauf une de ses œuvres, L’Autobiographie d’Alice Toklas [37], qu’elle écrit dans un style anecdotique et volontairement bien plus fade que celui de des autres livres (pourtant taxés de "platitudes"). C’est un best-seller. Stein joue avec la "commande sociale" et le goût (du) commun. De quoi plaire à TXT.

Dans un article de TXT-11, Petit portrait de Gertrude Stein en débile profonde , Prigent compare son acharnement appliqué et répétitif à faire boguer la langue à celui d’une mongolienne aperçue à un carrefour, donnant machinalement des coups de pieds à un flic de la circulation. Une posture d’idiotie, d’innocence, que vient alimenter sur le plan stylistique un dépouillement total dans le vocabulaire, une progression narrative réglée sur un mode répétitif. Rêvant comme Pound un projet homérique ou dantesque – nostalgique donc, à l’image des fous-étymologistes [38] et du nouveau TXT d’un "temps où la langue se formait" – Stein veut convoquer les choses en traçant des mots :

Ne pouvez-vous voir quand le langage était nouveau […] que le poète pouvait utiliser le nom d’une chose et la chose était réellement là. Il pouvait dire "Oh lune", "oh mer", "oh amour", et la lune et la mer et l’amour étaient réellement là.[…]Maintenant vous avez tous vu des centaines de poèmes sur les roses et vous savez tous jusqu’au bout des ongles que la rose n’est pas là." [39]

Pour Stein, la répétition est une arme contre la banalité du langage, une reconquête éminemment littéraire de "l’étrangeté d’une langue" qui sert de plus en plus, ères industrielle et post- obligent, à "communiquer". Ces préoccupations rejoignent celles des milieux littéraires avant-gardistes des années 1970 : TXT veut "trouver une langue", rien de neuf, mais une langue corporelle, matérielle, qui convoque une réalité, qui ne soit pas si médiatique. Stein aussi cherche à abolir tout intermédiaire entre langue et réalité, comme les fous-étymologistes essaieront de réduire l’espace entre mots et choses par le biais d’analyses phonologiques farfelues. Et la répétition est pour Stein un moyen didactique de faire sentir cette distance et de la travailler, comme elle l’explique lors d’une conférence quand on lui demande le sens du célèbre "une rose est une rose est une rose est une rose." :

[…] je ne suis pas folle, mais je pense que dans cette ligne la rose est rouge pour la première fois depuis cent ans dans la poésie anglaise.

Pour Stein, comme pour les peintres cubistes qu’elle soutenait, il s’agit d’incarner, plus que de représenter. Son style est du présent, de l’instant [40], et pour Prigent, la lecture publique, par la mise en danger du corps qu’elle impose, servira à peupler de nouveau ce présent de sens, lui qui déplore que l’absence d’idéologie et d’utopies soit forcément "la vacuité du sens du présent" [41].

Martine Bourdeau, traductrice de Stein, fait ainsi remarquer que le "baby-talk" (babil) steinien est en réalité une sagesse du présent continu :

Répéter, c’est vouloir prolonger à l’infini le moment présent, c’est produire une temporalité qui serait celle de l’écriture en train de s’écrire, un "louder beating", comme elle le dit elle-même, qui serait cette marque du pulsionnel dans le corps de la langue : écriture entièrement dirigée vers la perception de l’immédiateté, éliminant tout ce qui peut faire narration, notamment la mémoire, en se concentrant sur la chose elle-même ; car pour elle "tout le savoir est contenu dans l’expérience du présent" et "le savoir n’est pas la succession mais l’existence immédiate". [42]

Le mécanique investit le pulsionnel, le pulsionnel détraque le mécanique, voilà le mouvement steinien, flux et le reflux, selon TXT. La lecture psychanalytique ne s’arrête pas là, et l’on ramène à soi cette œuvre singulière en signalant une parenté dans l’approche du sujet : "Gertrude Stein cherche ce que le sujet peut à la fois contrôler et ne pas contrôler" [43]. La modernité de Stein réside aussi pour les TXT dans l’influence (qu’on trouve) qu’elle exerce sur les minimalistes / répétitifs qui sortent des classes de composition dans les années 1960 : Philippe Glass et Steve Reich sont cités, qui ont beaucoup évolué depuis, si bien qu’on lirait plutôt sous cette phrase de Stein un rapport à un Drift Study ou à Tortoise’s Dreams and Journeys… de La Monte Young, mais aussi au concept de "Dream House" de Tony Conrad :

Chaque énoncé formé dans le présent est suivi d’un autre légèrement différent, comme les photogrammes d’un film créent une image qui semble se prolonger dans le présent. [44]

Ainsi, chaque phrase est chez elle le prolongement, le développement de la précédente, mais aussi bien son inverse contradictoire, son sarcasme, comme chez Prigent et Novarina, parfois, des voix sont l’outil d’un recul (humoristique, objectiviste ?) face à la prétention (expressionniste ?) [45].

Dans le projet de Stein, comme le fait remarquer Lemaire, "c’est l’expérience proprement dite de l’écriture que l’écriture doit consigner" [46]. Et c’est l’expérience d’une langue en train de se créer, que les fous-étymologistes s’emploient à essayer de retrouver. Deux desseins finalement pas si éloignés, qui ont en tout cas en commun le désir de faire revivre un temps où le sens était neuf, ou le mot convoquait la chose. Cependant, si le projet steinien part du désir d’une langue idiosyncrasique, il ne relève pas clairement d’une spéculation cratyléenne sur l’émergence des langues.

A travers l’intérêt de la revue pour ces écritures singulières, qui tâchent de "faire partager une expérience", dans une langue "qui refuse l’assujettissement à la langue (morte) de la communauté" [47], c’est l’art poétique de TXT qui se définit. A l’influence de Stein, de cummings ou de Pound, il faut ajouter celle que constituent les œuvres des fous-étymologistes ("fous" pour "déraisonnables", "extravagants"). Ces œuvres ne sont pas que des curiosités, des mirages qui se dérobent dès qu’on tente de les lire sérieusement (elles le sont cependant, en tant qu’expériences icariennes hallucinées), elles sont aussi de véritables balises (en ce que leur déviance apparente révèle en fait tout vrai projet d’écrivain : "trouver sa langue" dans un rapport singulier aux choses [48]). Elles sont une sorte de limite, et les limites intéressent TXT (l’œuvre d’Artaud qui sera analysée dans les pages de la revue [49] comme un moyen de sonder les limites d’une époque, ses censures, son idéologie). Mais pour le moment, TXT publie les spéculations étymologiques de Biely (Glossolalie [50]) et Khlebnikov (La création Verbale) mais aussi d’un Brisset plus rigoureusement scientifique dans la posture – bien que ses méthodes, ses analogies, fassent preuve d’un arbitraire à méduser toute science –, qui produit des ouvrages didactiques (Les Origines humaines, La Science de Dieu, et une Grammaire logique). Jarry, cité par Christian Prigent dans sa préface à Glossolalie, n’est pas non plus étranger à ces expériences, mais c’est chez lui presque programmatique :

[Les poètes sont ceux] pour qui il n’y a jamais eu de Babel car Babel est un mythe populaire et la confusion des langues n’existe que pour le populaire, lequel se plaît à en imaginer plusieurs parce qu’il ne connaît même pas la sienne.

Le Mallarmé des Mots Anglais et plus lointainement le Rimbaud du poème Voyelles sont aussi souvent cités par TXT, et par Prigent hors ce cadre, au sujet des tentations cratylistes. De fait, c’est à l’intérieur des pages de la revue, puis sous la plume de son fondateur, que certaines de ces œuvres ont refait parler d’elles. Evoquant cette époque, on emploie souvent le mot de "communauté" pour qualifier les lecteurs de TXT. C’est probablement grâce à Khlebnikov [51] (à un intérêt général pour les futuristes russes) que les TXT redécouvrent ce continent oublié de la littérature, ou relégué au rang de la "folie littéraire" sans plus de discussion. L’image d’un TXT défenseur des "grandes irrégularités du langage" naît à la faveur de ces réhabilitations.




[1] Il a mené des entretiens avec Ponge pour France Culture, et a signé le "Poètes d’aujourd’hui" qui lui est consacré (PHILIPPE SOLLERS, Francis Ponge, Pierre Seghers Editeur, Paris, 1963 (coll. "Poètes d’Aujourd’hui", n° 95)).

[2] CHRISTIAN PRIGENT, Ceux qui merdRent, POL, Paris, 1991.

[3] J.-M. GLEIZE, Francis Ponge, Le Seuil, Paris, 1988 (coll. "Les Contemporains").

[4] Sollers avait refusé de publier le compte-rendu de l’intervention complète de Denis Roche au colloque de Cerisy sur Artaud, un enregistrement audio (mode d’intervention qui avait fait débat). On suppose que le texte émis, "Artaud refait, tous refaits", n’était pas assez en accord avec la position de la revue sur l’œuvre d’Artaud.

[5] FRANCIS PONGE, "voici déjà un hâtif croquis pour un "portrait complet" de denis roche", in TXT-6/7 : La démonstration Denis Roche.

[6] Dans cet article, Ponge appelle Sollers "mon jeune ami d’alors" (texte daté d’octobre 1974). L’adverbe fait pudiquement référence à la rupture, consommée dès janvier 1974 (article de Pleynet sur Braque). L’expression elle-même est ambiguë, l’adverbe pouvant porter davantage sur la jeunesse de cette amitié, que sur l’amitié elle-même. La phrase suivante confirme d’ailleurs la pudeur de Ponge à évoquer cet épisode : "On comprendra que je m’en tienne, aujourd’hui, à Denis Roche…". Ces deux phrases, qui constituent un liminaire d’une admirable ambiguïté, ne sont pas sans rappeler ce goût de Ponge pour les textes à plusieurs niveaux de lectures. Pas avare de "plus-que-raisons", il insiste tout de même, en passant, sur la défiance vis-à-vis du "collectif" (en général), qui le relie à Roche : "Il y avait donc, dans le groupe en question [qu’il ne nomme à aucun moment, ndr], un filon dynamique, étincelant et limpide, rieur, actif sans pontification : c’était lui. Préférant un parcours torrentiel, à tous risques, ce ruisseau clair a quitté le fleuve quand celui-ci a commencé décidément à s’envaser, dans la pénéplaine."

[7] JEAN-MARIE GLEIZE, "Pour des objets spécifiques", in A noir. Poésie et littéralité., Le Seuil, Paris, 1992.

[8] STEPHANE BAQUEY, "Francis Ponge, Denis Roche, et le projet moderne en poésie", in Ponge résolument, sous la direction de J-M Gleize, ENS Editions, Lyon, 2004.

[9] Sollers et Ponge s’accordent sur cette expression, dans leurs Entretiens, Gallimard, Paris, 1970.

[10] BENEDICTE GORRILLLOT , Ponge en plus des objets : un placement en abîme , Acta Fabula, Été 2005 (Volume 6 numéro 2).

[11] CHRISTIAN PRIGENT, "Le texte et la Mort", et JEAN-LUC STEINMETZ, "L’infinitif et la troisième personne du singulier (essai de mise en scène de l’objeu)", in Francis Ponge, colloque de Cerisy, UGE, coll. "10/18", 1977.

[12] Braque "se trouve, par le pâle voyou qu’est devenu M.M. Pleynet, agressé ad hominem, traité de refoulé, de névrosé, d’obsédé : bon en somme pour l’un de ses asiles psychiatriques que l’on sait et dont M. Pleynet se propose, par avance, comme l’un des pourvoyeurs désignés". FRANCIS PONGE, Mais pour qui donc se prennent maintenant ces gens-là ?, édité et diffusé par l’auteur, 1974.

[13] CHRISTIAN PRIGENT, "Artaud : le toucher de l’Être", entretien avec Olivier Penot-Lacassagne, in Artaud en revues, Bibliothèque Mélusine, éd. L’Âge d’Homme, 2005.

[14] J.-L. STEINMETZ, "La Fable différentielle", ALAIN DUAULT , "La Mutité inscrite", ERIC CLEMENS , "Méthode de lecture", CHRISTIAN PRIGENT, "La Scène dans la Seine".

[15] A ce sujet, DIDIER ALEXANDRE, "Francis Ponge, "un peu comme un savant à sa recherche particulière"", in Ponge résolument, sous la direction de J-M Gleize, ENS Editions, Lyon, 2004.

[16] CHRISTIAN PRIGENT, Denis Roche, Pierre Seghers Editeur, Paris, 1977 (coll. "Poètes d’Aujourd’hui", n° 233).

[17] CHRISTIAN PRIGENT, Denis Roche, Pierre Seghers Editeur, Paris, 1977 (coll. "Poètes d’Aujourd’hui", n° 233)

[18] "le maximum de liberté, c’est-à-dire de rapidité", écrit DENIS ROCHE, dans Les Idées centésimales de Miss Elanize, Le Seuil, Paris, 1964 (collection "Tel Quel").

[19] CHRISTIAN PRIGENT, Denis Roche, Pierre Seghers Editeur, Paris, 1977 (coll. "Poètes d’Aujourd’hui", n° 233)

[20] DENIS ROCHE, "Théâtre des agissements d’Eros", in Eros Energumène, Le Seuil, Paris, 1968 (coll. "Tel Quel").

[21] HUA-LING NIEH ENGLE et PAUL ENGLE, Mao Tsé-toung, Pierre Seghers Editeur, Paris, 1973 (coll. "Poètes d’Aujourd’hui", n° 215)

[22] DENIS ROCHE, Entretien avec J. Ristat, Lettres Françaises 1424.

[23] CHRISTIAN PRIGENT, Deux notes, in TXT-6/7 : La Démonstration Denis Roche, 1974.

[24] Il publie depuis 1963, et s’est installé dans le paysage littéraire depuis le milieu des années 1960 comme un "ultra de l’avant-garde".

[25] "J’écris des poèmes à mon insu", écrit DENIS ROCHE dans Forestière Amazonide, Le Seuil, Paris, 1963.

[26] CHRISTIAN PRIGENT, De la difficulté du style , in TXT-15 : IntrAduction aux étrangers, 1983.

[27] Cf. le chapitre "Citations" de CHRISTIAN PRIGENT, Denis Roche, Pierre Seghers Editeur, Paris, 1977 (coll. "Poètes d’Aujourd’hui", n° 233)

[28] CHRISTIAN PRIGENT, "Artaud : le toucher de l’Être", entretien avec Olivier Penot-Lacassagne, in Artaud en revues, Bibliothèque Mélusine, éd. L’Âge d’Homme, 2005.

[29] Roche rompt publiquement avec Tel Quel le 2 septembre 1973 (source : PHILIPPE FOREST, Histoire de Tel Quel, Le Seuil, Paris, 1995 (coll. Fiction & Cie)).

[30] TXT-9 : Aux colères errantes (Christian Bourgois éditeur, 1977) et TXT-10 : L’écrit, le caca (Christian Bourgois éditeur, 1978).

[31] HERDER. Traité sur l’origine de la langue (1770), Aubier, Paris, 1978.

[32] CHRISTIAN PRIGENT, cummings anamorphoseur et JACQUES DEMARCQ, cummings en poids plume , in TXT-11 : Le poids de la langue.

[33] CHRISTIAN PRIGENT, cummings anamorphoseur , in TXT-11 : Le poids de la langue.

[34] PAUL ZUMTHOR, Le Masque et la lumière, la poétique des grands rhétoriqueurs, Le Seuil, Paris, 1998.

[35] E.E. CUMMINGS, "eimi", du 10 mai - 14 juin 1941, in TXT-13 : Au-delà du principe d’avant-garde.

[36] E.E. CUMMINGS, "moi & vous & est", in TXT-13 : Au-delà du principe d’avant-garde.

[37] GERTRUDE STEIN, Autobiographie d’Alice Toklas, Traduit de l’anglais par Bernard Fay. Paris, Gallimard, 1934.

[38] On regroupe ici sous l’appellation "fous-étymologistes" le Brisset des Origines humaines, de La Science de Dieu ainsi que sa Grammaire logique, mais aussi le Khlebnikov de La création verbale et le Biely de Glossolalie sans que le mot "fou" soit porteur d’un jugement psychiatrique. (Notons tout de même que Brisset ne manifeste pas un recul conscient sur l’arbitraire de ses analogies, contrairement à Khlebnikov et Biely).

[39] GERTRUDE STEIN, "A propos d’une phrase célèbre", traduction Gérard-Georges Lemaire, in TXT-11 : Le poids de la langue.

[40] "Pour Gertrude Stein comme pour Wiliam James, dont elle était l’élève, la conscience est égale à l’attention.", écrit Martine Bourdeau dans Le Saut de la Grenouille , TXT-11 : Le poids de la langue.

[41] CHRISTIAN PRIGENT, Malaise dans l’élocution , in La Parole Vaine n°14, K’deM éditions, Rennes, 1999.

[42] MARTINE BOURDEAU, Le saut de la grenouille , in TXT-11 : Le poids de la langue.

[43] Ibid.

[44] GERTRUDE STEIN, citée par Martine Bourdeau dans Le saut de la grenouille .

[45] "Une voix que j’introduis est souvent le sarcasme de la voix précédente, et j’ai besoin de me moquer ainsi de ce qui est écrit précédemment sinon je prends une position expressionniste que je ne peux pas tenir, qui est prétentieuse." CHRISTIAN PRIGENT, entretien avec Thierry Guichard, in Le Matricule des Anges (n°5, décembre 1993-janvier 1994).

[46] GERARD-GEORGES LEMAIRE, Gertrude Stein, un écrivain cubiste , in TXT-11 : Le poids de la langue.

[47] CHRISTIAN PRIGENT, entretien avec Thierry Guichard, in Le Matricule des Anges (n°5, décembre 1993-janvier 1994).

[48] "Glossolalie est une improvisation sur quelques thèmes sonores ; ces thèmes suscitent en moi des images sonores fantaisistes – et je les énonce comme telles…", écrit Biely dans l’avertissement qui précède l’édition de Glossolalie.

[49] CHRISTIAN PRIGENT, L’analyseur Artaud , in TXT-28 : Artaud interdit, Artaud inédit.

[50] ANDREI BIELY, Glossolalie, traduit du russe par Catherine Prigent, préface de Christian Prigent, NOUS, Caen, 2002 (coll. NOW). Texte écrit en 1917, première édition en 1922, à Berlin.

[51] Khlebnikov dont on lira des textes dans les numéro 9, 10 et 11 de la revue.