SUJET: CENSURE & PORNOGRAPHIE

 

----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"
Sent: Friday, May 24, 2002 2:50 PM
Subject: Re[2]: [terrier] Racisme : une inquiétude

Le jeudi 23 mai 2002 à 15:29:44, goudal goudal écrivit :
gef> En ces temps modernes nous avons remplacé l'agitation politique par l'agitation de nos bites.

c'est un truc qui m'affecte, personnellement. par exemple que notre excellent LLdM se complaise dans la plus immonde pornographie et rejette violemment toute opinion raciste (comme chez Camus*, d'accord on recommence pas ,-). La censure des bites serait scandaleuse, tandis que d'autres seraient bienvenues...Mais ce qui m'alarme, c'est ton « nous » : est-tu bien sûr que « nous » jouons bien dans la même catégorie qu'un Céline...?

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Thierry Bouche


----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Saturday, May 25, 2002 8:20 PM
Subject: Re: Re[2]: [terrier] Racisme : une inquiétude

>c'est un truc qui m'affecte, personnellement. par exemple que notre excellent LLdM se complaise dans la plus immonde pornographie et rejette violemment toute opinion raciste (comme chez Camus, d'accord on recommence pas ,-).

C'est pas vrai, il recommence; c'est pourtant assez facile à saisir, non? Un propos raciste vise à la discréditation, l'humiliation, la catégorisation voire la destruction d'une partie de la population. Il est un véhicule de haine puissant, fédérateur, dont le but est le mal, la propagation de ce mal, l'installation des idées associées à ce mal. Indirectement, il vise le meurtre. Tu fais comme si lorsque Céline écrivit "bagatelle" c'était un grain de sable dans le désert. C'est faux: "bagatelle" a eu un immense tirage, a rassasié la soif de haine d'un public pour qui Céline était déjà devenu un très grand écrivain populaire, dont on écoutait la voix, qui avait une immense portée. Mise au service du cul, une telle portée aurait peut-être conduit à deux ou trois bites dans le cul de plus. Mise au service de l'antisémitisme quotidien sous sa forme la plus virulente, elle fait de Céline un responsable direct du processus d'ostracisation et d'oppression de la population Juive en France.
C'est simple tout de même: le cul vise à nous faire plaisir, ou à nous amuser, ou, dans d'autres cas, à poser des interrogations cruciales sur notre jouissance. Le racisme vise quoi qui souhaite nous élever, nous grandir? La pornographie est un monde de questions, la haine de réponses.


>La censure des bites serait scandaleuse, tandis que d'autres seraient bienvenues...

je n'étais pas pour une censure du livre de Camus. J'étais parfaitement du côté de ceux qui considèrent ses propos comme crapuleux et lui demandent des
comptes. J'exigeais un accompagnement de ses foutaises; il est désormais amplement disponible sur le site de Camus lui-même (http://perso.wanadoo.fr/renaud.camus/), qui, souvent, pose des questions justes. Mais les questions justes soulevées par son texte (quel type de problème entoure la prononciation, ou plus exactement l'impossibilité dans certaines circonstances de prononcer le mot Juif) ne justifient aucunement la certitude délirante (et raciste) sur laquelle se fonde ce texte (il s'agissait d'établir l'incapacité des Juifs à se "sortir" de leur judéité pour causer de problèmes typiquement français; L'opposition juifs/français qui s'y disait, et pire: l'enfermement d'une catégorie de la population dans son origine, oui, c'était une position antisémite).
Pour le reste, il y aurait beaucoup à dire sur Camus qui oscille - comme souvent - entre philosémitisme (son "discours de Flaran", son texte sur "six prayers" de Anni Albers etc.) et attitude à la hussard de mes fesses dont la panoplie contient systématiquement le petit kit antisémite. Mais en ce qui concerne le passage de "La campagne de France", je maintiens qu'il faille publiquement le discuter, en dénoncer la terrible charge.
Alors la censure? Non. La coupe franche, le rebut, l'ombre, on sait tous très bien ce que ça donne: l'aura du mystère, la certitude que si ça se planque, c'est sûrement un truc important, que les révélations que ça contient gènent tout le monde (sous entendu: les bien-pensants, donc c'est forcément courageux et rebelle) et, en bref, que si on nous cache des choses c'est pour nous maintenir dans l'ignorance du grand secret, de la grande équation (ce qui est assez marrant, parce que quand des livres comme "les assassins de la mémoire" sont publics, ça a pas l'air de géner grand-monde d'être ignorant). Alors surtout pas de censure là-dessus. Si on vous maintient Mein Kampf dans l'ombre, vous lui supposerez peut-être des vertus.
Si vous le tenez entre vos mains, vous ne mettrez pas plus de dix secondes avant de reposer ce torche-cul écrivaillé par un demi-demeuré aussi analphabète que teigneux. Je crois même que c'est tellement furieux et niais
que ça peut guérir certains d'un antisémitisme naissant. Pour les autres, les convaincus, ils auraient pu tout aussi bien l'écrire eux-mêmes, alors..

L.L.d.M.


----- Original Message -----
From: goudal
Sent: Friday, August 30, 2002 12:10 PM
Subject: [terrier] Censure...


J'ai lu dans mon Sud-Ouest (le journal local consensuel unique de droite de Bordeaux) qu'un livre nommé Rose bonbon dont le héro est un pédophile criminel est auto censuré par son éditeur (Gallimard ?) après qu'une Giscard D'Estaing s'occupant d'une fondation pour l'enfance ait gueulé.
Quelqu'un aurait-il des infos plus précise sur le sujet ?
Apparemment je ne trouve rien sous google.

F.G.



----- Original Message -----
From: goudal
Sent: Friday, August 30, 2002 1:21 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

L'excellent Mac Cornic m'a envoyé un article du Monde :

Gallimard suspend la commercialisation de "Rose bonbon"
Jeudi 29 août 2002
(LE MONDE DES LIVRES)

Le roman de Nicolas Jones-Gorlin, qui met en scène un pédophile, provoque le premier scandale de la rentrée. L'association L'Enfant bleu veut saisir la justice pour poursuivre le livre.
La rentrée littéraire connaît son premier scandale, avec la parution chez Gallimard du livre de Nicolas Jones-Gorlin, Rose bonbon. Le livre a suscité une vive réaction de l'association pour la défense de l'enfance maltraitée, L'Enfant bleu. Dans ce deuxième roman, le jeune auteur met en scène un pédophile qui parle à la première personne. Il décrit des scènes d'attouchement sur de jeunes enfants, mais il dénonce aussi la complaisance dont peuvent bénéficier des pédophiles mondains. Après avoir pris connaissance de plusieurs extraits du livre, l'association a envoyé le 20 août un courrier à Gallimard pour alerter l'éditeur sur "cette publication qui risque de heurter la sensibilité de l'opinion publique et de nombreuses victimes de pédophiles".!
L'association demandait que l'ouvrage ne soit pas mis en vente, précisant qu'il tombait sous le coup"des articles 227-23 et 227-24 du code pénal", qui s'appliquent aux images, aux films pornographiques et à Internet. Ces textes visent "le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique". Le livre a été mis en vente le 26 août, avec un bandeau sur la couverture : "Amours mineures". L'association a annoncé qu'elle allait saisir le parquet pour lui demander d'"entreprendre des poursuites".
Pour l'avocat de L'Enfant bleu, Me Yves Crespin, "ces passages mettent en scène de très jeunes enfants dans un cadre pornographique. Un film qui en serait tiré serait inadmissible. Mais la crudité des propos est aussi choquante que celle des images. S'il s'agissait d'un livre autobiographique, cela aurait une valeur documentaire, mais c'est une ?uvre de fiction."L'avocat de Gallimard, Me Laurent Merlet estime que "le délit pénal n'est pas constitué. Il ne s'agit pas d'un livre pornographique et il faut prendre le livre dans sa totalité".
"Je ne me sens pas opposé à L'Enfant bleu, se défend Nicolas Jones-Gorlin. En écrivant ce livre, je savais que je touchais un sujet brûlant, mais je ne pensais pas trouver des associations antipédophiles comme ennemi. Mon personnage n'est pas sympathique. Le livre montre aussi la complaisance qui peut entourer la pédophilie. Ce n'est pas pour rien que le personnage est en liberté et que la justice est presque absente. Il y a une critique de la société dans le roman. Je comprends que certains passages puissent choquer.
Mais ne doit-on pas montrer la pédophilie dans un livre sur la pédophilie ?" Chez Gallimard, on est embarrassé par cette polémique. L'éditeur a suspendu l'approvisionnement des librairies. Le livre a été tiré à 4 000 exemplaires. 2 000 exemplaires ont déjà été mis en place dans les librairies et sont en vente. Gallimard a demandé aux libraires de supprimer le bandeau qui a choqué L'Enfant bleu.
La directrice éditoriale, Teresa Cremisi, indique : "Le livre a fait l'objet de discussions, mais nous l'avons pris pour des raisons littéraires. Nous ne voulons choquer personne. Nous ne le retirerons pas de la vente, pas plus que ceux de Genet, Guibert ou Lolita de Nabokov. Nous suspendons l'approvisionnement dans un esprit d'apaisement et parce que nous ne voulons pas que le scandale profite pour de mauvaises raisons aux ventes du livre." En raison de son sujet, le roman a fait l'objet de désaccords au comité de lecture. Certains membres, à l'image de Jean-Bertrand Pontalis étaient réservés sur sa publication, défendue par son éditeur, Michel Braudeau, qui se refuse à commenter cette polémique. Antoine Gallimard a tranché en faveur de la parution et l'a acceptée dans la "Collection blanche". Alerté par des articles de presse, L'Enfant bleu s'apprête à lire le livre de Louis Skorecki, Il entrerait dans la légende, aux éditions Léo Scheer, qui met en scène un serial killer tuant les femmes et les enfants qu'il aime. "Il faut tirer une sonnette d'alarme pour éviter que ce genre de littérature ne prospère", explique Me Crespin. " La littérature explore les zones de l'humanité, estime Léo Scheer, elle est en promiscuité avec le mal. L'inceste et la pédophilie sont à l'origine des derniers scandales littéraires. Ils sont les derniers tabous, alors qu'ils florissent dans les journaux et les faits divers."
Alain Salles

Au vu de cet article je me pose des questions quant au terme «image ou représentation» appliquée à un texte.
Je sais bien qu'on parle d'image littéraire, mais je doute qu'il s'agisse de ça ici. Est-ce qu'il n'y aurait pas un grave confusion dans les spécificités des différents médias ?
C'est consternant de voir que Yves Crespin considère qu'un oeuvre de fiction est plus intolérable qu'un documentaire. Ferait-il le même commentaire en lisant «Juliette» ?
Il semble que cette confusion des genres littérature, photos, fictions, reportages... devient de plus en plus nauséabonde.

F.G.


----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Friday, August 30, 2002 5:22 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

>Il décrit des scènes d'attouchement sur de jeunes enfants, mais il dénonce aussi la complaisance dont peuvent bénéficier des pédophiles mondains.

faut croire qu'il n'a pas encore assez pris de gants pour caresser l'opinion dans le sens du fantasme

>de plusieurs extraits du livre, l'association a envoyé le 20 août un courrier à Gallimard pour alerter l'éditeur sur "cette publication qui risque de heurter la sensibilité de l'opinion publique et de nombreuses victimes de pédophiles".!

sans parler des pédophiles qu'il risque de heurter si le récit est mal
documenté

>qui s'appliquent aux images, aux films pornographiques et à Internet. Ces textes visent "le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique"

voilà au fond qui fait plaisir: c'est reconnaître à la littérature un immense pouvoir de représentation! Etrange que ce pouvoir discrédite
pourtant chaque jour les arts littéraires au profit de la consommation massive d'images de tout poil, et que sa reconnaissance dans les livres ne refasse surface que pour des affaires de ce genre. Qu'est-ce que ça signifie? Ça signifie au fond, probablement, que nous vivons dans une société si pédophile elle-même, et si certaine de l'être, qu'elle ne peut que se méfier du pouvoir de représentation non pas des livres, mais des lecteurs que les livres invitent à s'y donner. Qui représente devant le livre, sinon le lecteur?

>en vente le 26 août, avec un bandeau sur la couverture : "Amours mineures".

comme c'est touchant; on est pas très loin d"amitiés particulières", hein?

>Pour l'avocat de L'Enfant bleu, Me Yves Crespin, "ces passages mettent en scène de très jeunes enfants dans un cadre pornographique.

ces passages mettent en scène des mots (à moins qu'on ait broyé des mouflets pour produire l'encre?)

>Un film qui en serait tiré serait inadmissible.

En est-il question? De quoi parle-t-on?

>Mais la crudité des propos est aussi choquante que celle des images.

Qu'un livre soit "choquant" est-il choquant?

>S'il s'agissait d'un livre autobiographique,

s'il s'agissait d'un film
s'il s'agissait d'une pièce de théâtre
s'il s'agissait d'un message crypté préparant le plan d'invasion de la terre
par des extra-terrestres
si ma tante en avait

>Mon personnage n'est pas sympathique. Le livre montre aussi la complaisance qui peut entourer la pédophilie. Ce n'est pas pour rien que le personnage est en liberté et que la justice est presque absente. Il y a une critique de la société dans le roman.

pouacre, effectivement, interdisons le livre, cet écrivain est trop lâche et trop con, décidément.

>Alerté par des articles de presse, L'Enfant bleu s'apprête à lire le livre de Louis Skorecki,

quand on a commencé, on y prend goût, on peut plus s'arrêter, c'est bandant une paire de ciseaux

>"L'inceste et la pédophilie sont à l'origine des derniers scandales littéraires. Ils sont les derniers tabous, alors qu'ils florissent dans les journaux et les faits divers."

on notera au passage que personne n'échappe à la confusion, détracteurs comme défenseurs pataugent dans la représentation, les représentations. Qu'entend exactement cet ahuri par "tabou"? un fait est-il consubstantiel à son avenir de "fait divers"? Sa journalistisation est-elle une définition?
Pas clair, non? Qui a dit que nous vivions l'époque la plus conne de l'histoire...

>Est-ce qu'il n'y aurait pas un grave confusion dans les spécificités des différents médias ?

dans la substance même des objets, oui.

>Il semble que cette confusion des genres littérature, photos, fictions, reportages... devient de plus en plus nauséabonde.

plus rien à faire, le progrès est en marche.

L.L.d.M.


----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"
Sent: Friday, August 30, 2002 5:49 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

Salaud, tu me piques les meilleures répliques !

Le vendredi 30 août 2002, à 18:22:25, Lldm Lldm écrivit :
L> sans parler des pédophiles qu'il risque de heurter si le récit est mal
L> documenté
[...]
L> pouacre, effectivement, interdisons le livre, cet écrivain est trop lâche et
L> trop con, décidément.
[...]
L> on notera au passage que personne n'échappe à la confusion, détracteurs
L> comme défenseurs pataugent dans la représentation, les représentations.


oui, oh que oui !

L> Qu'entend exactement cet ahuri par "tabou"? un fait est-il consubstantiel à son avenir de "fait divers"? Sa journalistisation est-elle une définition? Pas clair, non? Qui a dit que nous vivions l'époque la plus conne de l'histoire...

ceux qui connaissent mal les autres...
En tout cas, ça confirme pas mal de choses dont nous parlions il y a quelque temps, qu'il est fatigant de devoir toujours constater que la société soit tellement prévisible pour le pire et jamais pour le meilleur... Duvert serait châtré sur la place publique, de nos jours.Ça me rappelle un vieux « débat contradictoire » organisé sur Arte à propos d'un type qui prétendait que le SIDA n'existe pas : on ne l'a pas laissé s'exprimer, et cinquante « scientifiques » et journalistes l'ont insulté et bombardé d'affirmations péremptoires pendant une heure, aucun élément de démonstration n'a été avancé (alors que l'autre en avait des tas de marrants, du genre tel échantillon de sang est HIV+ dans trois pays mais pas ailleurs).

L> signifie? Ça signifie au fond, probablement, que nous vivons dans une société si pédophile elle-même, et si certaine de l'être, qu'elle ne peut que se méfier du pouvoir de représentation non pas des livres, mais des lecteurs que les livres invitent à s'y donner. Qui représente devant le livre, sinon le lecteur?

toutes les censures signifient la même chose : une infantilisation du lecteur supposé tout prendre au pied de la lettre. C'est pareil pourla censure idéologique ou de propos racistes : on nous interdit l'accès aux symptômes mêmes. Moi j'avais compris que les films pédophiles étaient interdits parce que leur tournage imposait le recours à d'authentiques actes pédophiles avec des mineurs ; mais apparemment la pédophilie est en soi un crime, les mauvaises pensées sont interdites, indépendamment des actes ?

Thierry (zoophile, par dépit de l'espèce humaine...)


----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Saturday, August 31, 2002 4:13 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

> ceux qui connaissent mal les autres...

Aucun siècle comme le nôtre n'a offert à la sottise ni à la méchanceté les moyens de diffusion prodigieux qui les érigent au rang d'art et de règle de vie pour tous. Les mailles se resserrent, les échappatoires se raréfient, et au passage la bêtise est devenue pour la première fois dans l'histoire un titre de gloire ("Ça sert à rien de se prendre la tête"), sans parler de la frivolité et du second degré (cf. "de l'humour libéral ou l'invention de l'idiot moderne", http://www.atol.fr/lldemars2/idiot/textelldm.htm ).
Jamais l'esprit n'a été aussi publiquement foulé au pied, les intellectuels méprisés et balancés aux rires publics quand des imposteurs s'y mêlent sur des plateaux roses avec l'air d'encanailler un esprit dont ils ne disposent pas ; jamais on a autant entendu chanter la chanson "des choses simples", et quand l'art n'est pas un hobby thérapeutique il est un gadget sociologique destiné à décorer la bassine publique.
Que notre siècle ne soit pas que celui de la Shoah mais aussi celui du négationnisme et de la sirupeuse Liste Schindler en fait tout de même un joli siècle d'exception, non?
Qu'au passage Homais soit devenu maître du monde et que les plus nantis aient la même culture que des branleurs de 13 ans sans en rougir, ça laisse rêveur aussi...

> En tout cas, ça confirme pas mal de choses dont nous parlions il y a quelque temps, qu'il est fatigant de devoir toujours constater que la société soit tellement prévisible pour le pire et jamais pour le meilleur...

La bonté est toujours une surprise.

>Duvert serait châtré sur la place publique, de nos jours.

ça ne fait aucun doute (cf.http://www.atol.fr/lldemars2/lestextes/pinon/pinduvert.htm)

> toutes les censures signifient la même chose : une infantilisation du lecteur supposé tout prendre au pied de la lettre. C'est pareil pour la censure idéologique ou de propos racistes : on nous interdit l'accès aux symptômes mêmes.

je souhaite depuis longtemps créer un site consacré au négationnisme, et il m'est légalement impossible de citer intégralement les textes auxquels je m'attèle. Que faire?

> Thierry (zoophile, par dépit de l'espèce humaine...)

je me méfie des gens qui aiment trop les animaux. Mémère, va!

L.L.d.M.


----- Original Message -----
From: "Francois Coquet"
Sent: Saturday, August 31, 2002 5:06 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

>Le lièvre :je souhaite depuis longtemps créer un site consacré au négationnisme, et il m'est légalement impossible de citer intégralement les textes auxquels je m'attèle. Que faire?

Mettre un lien vers <http://www.anti-rev.org/textes/> par exemple ?

François (intéressé également par le sujet)


----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"
Sent: Saturday, August 31, 2002 5:18 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

> Le samedi 31 août 2002, à 17:13:36, Lldm Lldm écrivit :
> L> Aucun siècle comme le nôtre


Mmh, tu parles duquel ? de celui où tu as conçu cette pensée, ou de celui où tu l'exprimes ?

L> au passage la bêtise est devenue pour la première fois dans l'histoire un titre de gloire ("Ça sert à rien de se prendre la tête"),

Le top dans le genre, c'est les bouquins façon « la philosophie du BAC sans prise de tête ». Ou, sur les sites de rencontre « cherche relation amoureuse sans prise de tête »... Sans prise de bec, ou sans prise de sexe, on comprendrait encore...

L> sans parler de la frivolité et du second degré (cf. "de l'humour libéral ou l'invention de l'idiot moderne", http://www.atol.fr/lldemars2/idiot/textelldm.htm> ).

tiens, depuis le temps que tu te cites, je vais peut-être aller regarder, finalement...

L> Jamais l'esprit n'a été aussi publiquement foulé au pied, les intellectuels méprisés et balancés aux rires publics quand des imposteurs s'y mêlent sur des plateaux roses avec l'air d'encanailler un esprit dont ils ne disposent pas ;

Mais justement, comment sçavoir ça ? Est-ce que le cerf du XIIe s. savait que ça existait, un intellectuel ?

L> Que notre siècle ne soit pas que celui de la Shoah mais aussi celui du négationnisme et de la sirupeuse Liste Schindler en fait tout de même un joli siècle d'exception, non?

ah, tu es donc resté coincé au précédent ! Rien ne prouve que le nouveau s'annonce moins exceptionnel...

L> Qu'au passage Homais soit devenu maître du monde et que les plus nantis aient la même culture que des branleurs de 13 ans sans en rougir, ça laisse rêveur aussi...

Oui, là il y a quelque chose qui semble avoir changé -- mais, même question : quels sont les outils dont nous disposons pour faire des comparaisons sensées ? J'ai personnellement vécu un aspect de cetteévolution, des années 70-80 où les étudiants formaient le public captif des cinoches d'art et d'essai, des concerts de musique improvisée, etc., aux années 90 où ils se sont rués sur les superproductions hollywoodiennes (là encore, par répulsion pour la prise de tête). Mais de là à suivre une évolution à travers les siècles...


L> Mémère, va!

c'est trop d'honneur ;-)
--
Cordialement,
Thierry


----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Saturday, August 31, 2002 5:52 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

>Mettre un lien vers <http://www.anti-rev.org/textes/> par exemple ?

quel intérêt? Il n'y a aucun texte négationniste sur antirev, c'est illégal.
Alors, on travaille comment? On dit "ils existent", "ils ont dit que"? On
entérine le mystère qui plane autour de ces torche-culs en laissant planer
le sentiment qu'ils révèlent quelque chose d'interdit, donc qu'ils sont
proches d'une vérité scandaleuse? Même un lien sur un site négationniste est
illégal.


L.L.d.M.


----- Original Message -----
From: "bonobo"
Sent: Saturday, August 31, 2002 8:09 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

>Lldm a écrit :
> On dit "ils existent", "ils ont dit que"? On entérine le mystère qui plane autour de ces torche-culs en laissant planer le sentiment qu'ils révèlent quelque chose d'interdit, donc qu'ils sont proches d'une vérité scandaleuse? Même un lien sur un site négationniste est illégal.


On produit de la vérité pour qu'ils ne soient pas seuls à dispenser leurs proses puisque la Loi nous oblige à la pure confrontation quantitative. C'est l'américanisation de l'Europe. En Amérique, tous les discours ont droit de cité tant qu'ils sont. Américain. Préparons-nous : toutes les opinions politiques vont dorénavant avoir le droit de cité sans qu'on puisse jamais rentrer dans un quelconque débat, confrontation, contradiction, sans que ça tombe sous le coup de la loi. Le Pen, depuis peu, prépare sa véritable « entrée en politique ». La seule question est : qui se prépare (vraiment) en face ?

> marchandisation des idées

La coexistence de tout et de son contraire a commencé.
Je ne crois pas au jugement sur les siècles. Qu'est-ce que c'est d'abord que cet objet siècle ? Et je ne crois pas au mal d'une situation globale non créée, non voulu et pas pire qu'une autre. Par contre, personne nous empêche d'être actif. Il faut donc, dans toutes les acceptions, imprimer.
bah !

 

A.F.


----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Sunday, September 01, 2002 1:53 AM
Subject: Re: [terrier] Censure...

> Mmh, tu parles duquel ? de celui où tu as conçu cette pensée, ou de celui où tu l'exprimes ?

du XIXème siècle que nous n'avons pas quitté (et que nous ne sommes pas près de quitter); je vous renvoie, pour éclairer un peu cette brutale assertion, au "XIXème siècle à travers les âges" de P. Murray (Denoël)

> Le top dans le genre, c'est les bouquins façon « la philosophie du BAC sans prise de tête ». Ou, sur les sites de rencontre « cherche relation amoureuse sans prise de tête »... Sans prise de bec, ou sans prise de sexe, on comprendrait encore...

Sans prise suffirait : du surf.

> Oui, là il y a quelque chose qui semble avoir changé -- mais, même question : quels sont les outils dont nous disposons pour faire des comparaisons sensées ?

Nous disposons de l'histoire comme outil comparatif suffisamment bien renseigné, du moins pour la classe des nantis. Nous n'avons aucune difficulté à observer le déplacement de l'intérêt porté au savoir dans cette classe et nous savons aussi ce que les productions intellectuelles et artistiques doivent depuis bien longtemps à ces classes dominantes (qu'on ne me casse pas les couilles avec l'élitisme, ce n'est pas le sujet) . Que promeut aujourd'hui la classe dominante? Pour quoi paye-t-elle? Nous avons un premier ministre qui met en avant sa connaissance des chansons de Johny Halliday, et même si nous voyons très bien la somme de démagogie
flatte-couillons incluse dans ses déclarations racoleuses, nous savons aussi qu'il n'a rien d'autre à proposer. Messier a la culture musicale d'une petite branleuse de 12 ans. Littéraire, aucune. Le savoir conçu comme richesse est dévalué par la richesse conçue comme _être_, et un vrp s'autorise à mépriser quiconque a un salaire inférieur au sien sans imaginer que l'on vaille quoi que ce soit hors de ce salaire. Les artistes eux-mêmes se flattent de faire des oeuvres ludiques, people, visent la fusion dans la collectivité et ont abandonné toute recherche au profit de la spectacularisation de l'art. On s'emmerde, et ferme.

>J'ai personnellement vécu un aspect de cette évolution, des années 70-80 où les étudiants formaient le public captif des cinoches d'art et d'essai, des concerts de musique improvisée, etc., aux années 90 où ils se sont rués sur les superproductions hollywoodiennes (là encore, par répulsion pour la prise de tête). Mais de là à suivre une évolution à travers les > siècles...

Que te répondre? Tu préfère ne pas y croire parce que chaque génération apporte depuis toujours sa charreté de vieux cons qui pleurnichent "c'tait mieux avant"? Tu n'as pas tort d'être méfiant, mais tu oublies une chose: "ce n'est pas parce que je suis paranaoïaque que tout le monde n'est pas contre moi". En d'autre termes, nous avons toutes les raisons de croire que l'imbécilisation générale est en marche et qu'elle est glorieuse, même si ce discours a été souvent répété, il est peut-être, hélas, enfin devenu vrai. Tu me parles des étudiants, voici un court exemple : un de mes amis est libraire à l'Université de Rennes II (Lettres, sciences humaines, langues).
Il voit chaque année son rayon se déserter un peu plus. Lui dont je connaissais la boutique pleine et dont le succès faisait plaisir à voir végète dans un rayon le plus souvent vide où il fume des joints en se grattant les couilles. Il a perdu tout plaisir à fouinasser pour dégoter des petits merveilles (il n'avait pas son pareil pour trouver des éditions originales de Maurice Roche, des petites trucs illustrées de Klossowski, et des publications bien plus surprenantes), puisqu'il ne vend plus que les trois ou quatre merdes exigées par les programmes en cours. Ses seuls clients curieux sont des profs, ceux qui lui achetaient déjà ce qu'il aimait vendre il y a quinze ans. Une des plus célèbres librairies de France à Rennes a disparu, une institution qu'on croyait inébranlable ("Les nourritures terrestres"). Le seul disquaire de la ville qui fourbissait de la musique contemporaine et, surtout, qui en écoutait, a fermé ses portes. Un Virgin s'est ouvert : 20 fois plus grand que ce disquaire, il n'offre pas le dixième de son choix, et les vendeurs pas le millième de ses compétences. Cette andouillerie uniformisante est générale, elle touche tous les milieux.
Les jeunes branleurs qui organisent des festivals d'art contemporains n'ont qu'une chose qui les différencie des institutions, leur budget. Pour le reste, leurs aspirations, leur culture, leur conception de l'art, sont les mêmes. Que j'aie affaire à des demeurés institutionnels ou des jeunes artistes, j'observe le même mépris pour tout ce qui de près ou de loin ressemble à de l'esprit et aux exigences que ça suppose. La solitude désirée
rend méfiant, le goût pour les choses difficiles fait rire. Le savant, s'il n'est pas distrayant ou télévisuellement impertinent, est un casse-couille honni, un rabat-joie à fuir. La mystique à deux balles du Chaos est la seule porte de sortie que semblent trouver les quelques vagues rebelles qui écrivaillent dans des revues pas encore officielles. Les dernières choses que nous aimions ont été tellement défigurées et malaxées en digest pour tourtes mondaines ou pédagogues que nous allons tous devoir bientôt travailler sans citation.
Dix pages d'homélie de ce genre ne suffiraient pas à brosser un panorama assez juste de la situation navrante dans laquelle nous allons pateauger pour encore bien longtemps.
J'ai pas fini de râler, je crois. C'est ça ou m'habituer, devenir aussi mou et lâche que ce paysage roseâtre colonisé par des garçons-coiffeurs et des représentants de commerces.

L.L.d.M.


----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, September 01, 2002 3:08 AM
Subject: Re: [terrier] Censure...

le 1/09/02 2:53, Lldm a écrit :
> Nous disposons de l'histoire comme outil comparatif suffisamment bien renseigné, du moins pour la classe des nantis.

Oui mais justement n'est-ce pas "le reste" qui est en cause? Qu'il serait encore plus pertinent de pouvoir analyser? La culture de masse n'est-elle pas un phénomène trop récent pour pouvoir en tirer des prévisions à long terme, pour pouvoir projeter sur elle une vision historique? Vaut-elle moins que le catéchisme et les potins de villages? Ne finiront-ils pas par faire un tri, bon sang, à force "d'avoir accès" à tout?

> Les artistes eux-mêmes se flattent de faire des oeuvres ludiques, people, visent la fusion dans la collectivité et ont abandonné toute recherche au profit de la spectacularisation de l'art. On s'emmerde, et ferme. Dix pages d'homélie de ce genre ne suffiraient pas à brosser un panorama assez juste de la situation navrante dans laquelle nous allons pateauger pour encore bien longtemps.

Ouah! La déprime! Si seulement je trouvais un seul petit contre-exemple...un indicateur positif...
Encore une tirade à ranger dans les annales, en tout cas.

Eric L.


----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, September 01, 2002 3:08 AM
Subject: Re: [terrier] Censure...

>le 31/08/02 18:18, Thierry Bouche Oui, là il y a quelque chose qui semble avoir changé -- mais, même question : quels sont les outils dont nous disposons pour faire des comparaisons sensées ? J'ai personnellement vécu un aspect de cette évolution, des années 70-80 où les étudiants formaient le public captif des cinoches d'art et d'essai, des concerts de musique improvisée, etc., aux années 90 où ils se sont rués sur les superproductions hollywoodiennes (là encore, par répulsion pour la prise de tête). Mais de là à suivre une évolution à travers les siècles...

Tu en fais toi même, n'est-ce pas , la démonstration: pendant que "un microcosme" (le tien, le mien) "formait le public captif des cinoches d'art et d'essai, des concerts de musique improvisée, etc.," des troupeaux entier broutaient déjà conscieusement les mornes plaines de la culture marchandisée: rappelle toi Claude François, Saturday Night Fever...(remplir selon génération).
Et j'ai vu (récemment) quelques "gamins" dans des concerts à la pointe d'une certaine recherche... N'y en avait-il pas le Soir des Fous?
Alors effectivement, pour ce qui est d'une analyse de cette évolution...quels critères, quelle méthode, quelle catégorisation?

Eric L.


----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, September 01, 2002 3:08 AM
Subject: Re: [terrier] Censure...

le 31/08/02 17:13, Lldm a écrit:
> au passage la bêtise est devenue pour la première fois dans l'histoire un titre de gloire ("Ça sert à rien de se prendre la tête"),

"Prise de tête" ne veut-il pas signifier au départ "penser mal mais longtemps à un faux problème"? (J'ai la tête prise par des conneries, je n'arrive pas à penser) Et dans ce cas pourquoi se prendre la tête, en effet?...
Mais peut-être le sens s'est élargi, comme tu dis... (ça me prend la tête de penser).

Eric L.


----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, September 01, 2002 3:24 AM
Subject: Re: [terrier] Censure...


le 1/09/02 2:53, Lldm a écrit:
> Que promeut aujourd'hui la classe dominante? Pour quoi paye-t-elle? Nous avons un premier ministre qui met en avant sa connaissance des chansons de Johny Halliday, et même si nous voyons très bien la somme de démagogie

Les politiques classe dominante? Tu m'étonnes...

> richesse est dévalué par la richesse conçue comme _être_, et un vrp s'autorise à mépriser quiconque a un salaire inférieur au sien sans imaginer que l'on vaille quoi que ce soit hors de ce salaire.

C'est nouveau, ça, un petit-bourgeois sans culture, et méprisant en plus? Tu m'étonnes...

> Les artistes eux-mêmes se flattent de faire des oeuvres ludiques,

Oui, alors ceux-là effectivement je ne les comprend pas.
(Bon, j'en fait une tous les 2 ans, neammoins...)

> visent la fusion dans la collectivité et ont abandonné toute recherche au profit de la spectacularisation de l'art.

Je les conchie.

Eric L.


----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Sunday, September 01, 2002 2:50 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

>Les politiques classe dominante? Tu m'étonnes...

à partir du moment où tu admets leur collusion avec l'entreprise (de l'Etat
considéré comme telle et des alliés qu'il se choisit hors du champ de la
politique) et les médias, oui. Il n'y a pas de dissociation entre ces trois
pôles, qui constituent ensemble, sans rivalité mais en parfaite association,
la classe dominante.

>C'est nouveau, ça, un petit-bourgeois sans culture, et méprisant en plus? Tu m'étonnes...

oui, c'est complètement nouveau qu'un petit bourgeois tire vanité de ne
s'encombrer d'aucun savoir et qu'il arbore la culure populaire comme la
sienne, arborant au passage la supérioté numéraire de cette culture comme
supériorité absolue (jusqu'au XIX ème siècle, les bourgeois s'entourent
d'objets de culture qu'ils imaginent être frappés au coin du bon goût, de la
délicatesse, de la rareté)

L.L.d.M.


----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Sunday, September 01, 2002 2:52 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

>"Prise de tête" ne veut-il pas signifier au départ "penser mal mais longtemps à un faux problème"? (J'ai la tête prise par des conneries, je n'arrive pas à penser) Et dans ce cas pourquoi se prendre la tête, en effet?...

Je sais aussi ce que signifie "génial" au départ, mais je me souviens qu'Ulrich ("L'homme sans qualité") décide d'abandonner toute carrière littéraire le jour où il entend parler d'un cheval de course "génial". Le champ du génial, depuis ces années 20, s'est largement étendu.


L.L.d.M.


----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Sunday, September 01, 2002 3:07 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

>Et j'ai vu (récemment) quelques "gamins" dans des concerts à la pointe d'une certaine recherche... N'y en avait-il pas le Soir des Fous? Alors effectivement, pour ce qui est d'une analyse de cette évolution...quels critères, quelle méthode, quelle catégorisation?

se donner les moyens de penser le général, c'est choisir les bons instruments de mesures, en l'occurence, plutôt généraux eux-aussi. On n'établit pas la rigueur taxinomique sur les exceptions rencontrées dans un genre, une famille, une espèce, mais sur les universaux qui les traversent.
Je suppose, effectivement, que nous serions plus ajustés en tentant de nous en tenir à des indices généraux (plutôt qu'à mon, libraire d'université qui, après tout, est peut-être exceptionnel ; l'Université de Rennes II est peut-être touchée par un fléau local) : combien de boîtes d'éditions d'avant-garde ont disparu en 20 ans? (plus des 3/4 de celles que je connaissais) Combien de bonnes choses ont été remplacées par des sous produits de merde et ne sont pas réapparues ailleurs sous leur forme première? (exemple de la revue Traverses et de sa pitoyable deuxième moûture, de Beaubourg transformé graduellement en salon des arts ménagers depuis dix ans etc.). Combien de pans de la culture ont disparus sous des prétextes technologiques? (80% de ma discothèque vinyle n'a jamais été retirée en CD ; combien de films de ma videothèque vont passer à l'as du DVD?) Et surtout: à quelle forme d'indistinction (c'est-à dire: fin de la recherche) conduit la pensée du "tout se vaut" qui touche tous les secteurs de l'activité humaine? Le post-modernisme donne-t-il les moyens de penser la modernité ou la transforme-t-elle d'autorité en gadget historique? Que fait la mystagogie mac luhanienne du sens? Et bien entendu : qu'est-ce que la télévision?

L.L.d.M.


----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Sunday, September 01, 2002 3:13 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

>La culture de masse n'est-elle pas un phénomène trop récent pour pouvoir en tirer des prévisions à long terme, pour pouvoir projeter sur elle une vision historique?

la culture de masse EST un objet historique; elle est consubstantielle au motif idéologique qui précède sa réification, elle est la conséquence de son énoncé, c'est-à dire d'un simple postulat analytique de l'histoire (en l'occurence de sa conception matérialiste-dialectique). Elle n'est pas produite par la masse (avatar fantasmés du simple "nombre" qui jusqu'au XIXème siècle n'était pourvu ni d'idéologie ni même de substance, de désirs, de projets ou de volonté), et sa consommation n'est que l'indice de bonne santé de ses producteurs et du système qui les établit comme distributeurs de l'ordre momentané des valeurs. Une histoire de ce que tu appelles la culture de masses n'est que l'histoire des formes modernes de la domination et de ce que les dominants ont choisi de faire de la culture comme instrument de normativation et d'éradication du singulier, de la révolte, de la subversion, de l'advention du sujet.

L.L.d.M.


----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, September 01, 2002 5:08 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...

le 1/09/02 16:13, Lldm a écrit :
> de l'ordre momentané des valeurs. Une histoire de ce que tu appelles la culture de masses n'est que l'histoire des formes modernes de la domination et de ce que les dominants ont choisi de faire de la culture comme instrument de normativation et d'éradication du singulier, de la révolte, de la subversion, de l'advention du sujet.

De plus en plus déprimant.
Mais es-tu bien certain que cette culture là soit le produit d'une classe dominante? La civilisation de la culture de masse ne génère t-elle pas sa culture de manière tout à fait démocratique, où chacun à le même droit de produire, consommer ou vendre de la merde? Il me semble qu'un Lang par exemple ne fait que suivre un climat général, le chèr homme serait bien incapable probablement de créer une ligne esthétique. Il a un grand nez et de grandes oreilles. La merde "artistique" démocratique ne se dépose t-elle pas comme se répand la pensée démocratique, selon le perpétuel consensus mou et le désolant manque d'invention dû, peut-être, au simple nombre de ses actants?
En gros: ne vaudrait-il pas mieux s'inquiéter des moutons plutôt que du berger, car ceux-là sont accessibles quand ceux-ci ne le sont pas?
Enfin après tout on peut aussi taper dans tous les coins, ça ne coûte même plus encre ni salive.
Vive l'électronique!

Eric L.


----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"
Sent: Friday, September 06, 2002 9:27 AM
Subject: Re[2]: [terrier] Censure...

Avec un certain retard (c'est marrant comme certaines discussions restent cantonnées aux dimanches...)

Le dimanche 1 septembre 2002 à 04:08:27, Eric Loillieux écrivit :
>> comparaisons sensées ? J'ai personnellement vécu un aspect de cetteévolution, des années 70-80 où les étudiants formaient le public captif des cinoches d'art et d'essai, des concerts de musique improvisée, etc., aux années 90 où ils se sont rués sur les superproductions hollywoodiennes (là encore, par répulsion pour la prise de tête). Mais de là à suivre une évolution à travers les siècles...

> EL> Tu en fais toi même, n'est-ce pas ,

euh...

EL> la démonstration: pendant que "un microcosme" (le tien, le mien) "formait le public captif des cinoches d'art et d'essai, des concerts de musique improvisée, etc.," des troupeaux entier broutaient déjà conscieusement les mornes plaines de la culture marchandisée: rappelle toi Claude François, Saturday Night Fever...(remplir selon génération). Et j'ai vu (récemment) quelques "gamins" dans des concerts à la pointe d'une certaine recherche... N'y en avait-il pas le Soir des Fous? Alors effectivement, pour ce qui est d'une analyse de cetteévolution...quels critères, quelle méthode, quelle catégorisation?

je suis pas sociologue (et je fréquente assez peu la société, hormis la vôtre, pour pouvoir dire n'importe quoi sur son compte). Ma méthode,
comme celle de LLdM enquêtant chez son libraire fossile, est celle du café de commerce. N'empêche, une évolution à court terme comme celle-ci se remarque bien, et je crois qu'elle fonde ce sentiment de débandade intellectuelle, beaucoup plus qu'une étude sur le long terme qui
demanderait de savoir ce que c'était qu'un intellectuel et sa réception dans une société où ils sont parqués dans des monastères et se comptent par dizaines.

Il y a eu une ébullition avant-gardiste dans les années 70, puis le soufflé est retombé. On constate que la génération de cette époque reste
attachée à certaines choses, qui laissent plutôt indifférentes les jeunes générations. Quelqu'un avait assez bien donné ce sentiment à propos des « clients » de Rock in Opposition : public essentiellement constitué d'étudiants, qui se raréfiait à l'entrée dans la vie active, puis se
dissolvait. Aujourd'hui, ce public a vieilli. Certes, il y entre du sang neuf, mais la pyramide des âges n'est vraiment plus la même. À quand une
thèse sur le festival Mimi ?
Être rebelle, aujourd'hui, c'est écouter Eminem, n° 1 un peu partout ?
(c'est désormais clair, je suis vraiment en train de me faire vieux con)

--
Thierry Bouche


----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"

Sent: Friday, September 06, 2002 9:36 AM
Subject: Re[2]: [terrier] Censure...

Le dimanche 1 septembre 2002 à 16:07:22, Lldm Lldm écrivit :
L> combien de boîtes d'éditions d'avant-garde ont disparu en 20 ans? (plus des 3/4 de celles que je connaissais) Combien de pans de la culture ont disparus sous des prétextes technologiques? (80% de ma discothèque vinyle n'a jamais été retirée en CD ;


L, tu portes la poisse !


L> Combien de bonnes choses ont été remplacées par des sous produits de merde et ne sont pas réapparues ailleurs sous leur forme première? (exemple de la revue Traverses et de sa pitoyable deuxième moûture, de Beaubourg transformé graduellement en salon des arts ménagers depuis dix ans etc.).


certes, et pourtant c'est le seul salon d'objets kitch où l'on trouve une belle
présentation de Duchamp, Réquichot ou Dubuffet...

--
Thierry Bouche


----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Friday, September 06, 2002 6:22 PM
Subject: Re: Re[2]: [terrier] Censure...

le 6/09/02 10:27, Thierry Bouche a écrit :
> (c'est désormais clair, je suis vraiment en train de me faire vieux con)

Mais non mais non, ou alors tu n'es pas le seul. Ce qui serait interessant
c'est une vraie étude sociologique qui nous débroussaillerait tout ça...
Quelqu'un connait-il un ouvrage recommandable?

[...]

Eric L.


Notes:

* À l'époque de ce qu'on appelle l'affaire Camus (le site personnel de Renaud Camus y renvoie longuement), une conversation sur la censure échauffa la liste du Terrier. Le Terrier ayant depuis changé de fournisseur pour les services de sa liste de diffusion, les archives de cette discussion ont été perdues. (retour au texte)