ROTATIVE

e Bon Accueil* organisait une exposition collective autour de la notion même de collectif, du mouvement et de la reproduction des œuvres, le fruit des réflexions et des recherches des artistes invités constituant l'ensemble des œuvres exposées. Me basant sur de similaires expériences antérieures vécues à Bruxelles et sur les conversations sympathiques autour d'une bière en compagnie de quelques-uns des participants, je me préparai à participer à un véritable atelier-laboratoire où toutes ces intentions mâles se rencontreraient pour former un bouillonnement d'idées, d'expérimentations et de tentatives diverses et nouvelles. Dans la foulée engendrée par la parole d'autrui et ma propre initiative imaginante je me proposai en tant qu'observateur/participant, je tentai d'observer avant tout la naissance et le déplacement des concepts, affects, et percepts entre individus au sein du collectif. Il y eut une première rencontre de présentation des projets et une seconde pour le réglage du calendrier et des détails techniques, il n'y eut rien d'autre à observer. Ou alors, ce que j'avais à observer était d'une toute autre nature, une nature humaine en dehors du projet artistique. Comme matière disponible, il y avait l'activité même du bureau de l'association qui hébergeait le projet dit ROTATIVE. Certains membres de l'organisation du Bon Accueil faisant partie du collectif exposant, il devait bien y avoir dans les échanges purement factuels des échappées où se révéleraient des intentions, des intérêts, des motivations. Mon micro à tout enregistré, du moins les fois où je l'utilisais.

En tout cas, ce laboratoire dont je rêvais, qui me paraissait être la moindre des choses dans un cadre de réflexion et de recherche, cet indispensable n'était pas pensable pour beaucoup, ils restèrent chez eux à ruminer de vieilles idées ou à ne rien faire du tout. Certaines personnes participent et même initient des projets novateurs et ensuite cela devient chez eux une excuse pour montrer d'anciens travaux dont ils sont nostalgiques, échappant ainsi aux exigences et à la rigueur des groupes de travail.

À la même époque, par besoin d'argent et pour expérimenter différents types de mixages, je suis devenu, le temps d'une soirée, mélangeur de disques, dj. Il y avait là des artistes du collectif à qui mes pitreries ont beaucoup plu, deux d'entre eux me proposèrent une collaboration, une machine à produire des signes ou plutôt, un système participatif où ils se voyaient comme enchaînés l'un à l'autre dans un travail graphique, leurs gestes étant contrés et simultanément dirigés par ceux de l'autre et inversément. Finalement, ce que j'ai produit lors des mises en marche de la machine à dessins, à trois reprise dans la galerie du Bon Accueil, c'est le bruit de cette machine à l'intérieur d'une autre machine, je dirait même à l' intérieur de l'usine à intentions qu'était le projet dit ROTATIVE. Car ce sont des entreprises silencieuses que ces machins là, mais même dans les engins les plus huilés il y a des ratés, des défauts, des pets qui en disent long sur les tumultes intestinaux qui les travaillent. Ces bandes sons à performances sont devenues, en réalité, de véritables révélateurs, au sens photographique.

le dispositif à signes/ la machine à intention

Dispositif de type tribal, tentative de marquage, d'inscription de l'individu dans le groupe (d'artistes) vis-à-vis de la société. L'inscription ne se fait plus sur le corps de la terre ni sur le corps des membres de la communauté (d'artistes), bien que les deux protagonistes impliqués dans la cérémonie soient liés entre eux par un lien physique violent. L'un contraint l'autre littéralement à la force du poignet, métaphore, incarnation de leurs liens amicaux et des ses perturbations/interférences sur leur production artistique même,c'est-à-dire, interférences que chacun a sur l'inscription de l'autre dans le monde.Tout ces enjeux, montrés, joués, représentés devant un public dont une grande partie sont des proches des intervenants, et on n'est pas loin du rituel sacrificiel exécuté devant la tribu. La machine inventée par un militaire dans la compagnie pénitencière de F. Kafka inscrit à même la chair du condamné l'intitulé de son crime. C'est l' énorme machine sociale qui grave dans le corps et la conscience des individus leur dette éternelle. Chez les sauvages on verse son sang dans la terre ou on ingurgite une plante vénéneuse comme part sacrifiée de soi-même à l'univers en échange d'une protection ou d'une chasse fructueuse, ou bien, des individus s'infligent des sévices tel que des scarifications comme marquage au sein du groupe, en échange d'une liberté du délire désirant. Bien sûr il y a toujours eu de la consommation aux trois points de la chaîne; Production désirante/ consommation/ surface d'enregistrement. Avec la machine à intention telle que celle lancée pendant le projet Rotative, tout se passe comme si la consommation grignotait chaque fois un peu plus de terrain sur la production désirante et la surface d'enregistrement. Car les signes produits par le dispositif mis en place ne s'enregistrent ni dans la terre, ni sur les corps, et encore moins sur le corps sans organes du despote mais sur du papier, pure représentation, des feuilles de papier qu'on accroche au mur, une accumulation de traits à admirer, la surface d'enregistement est passée du côté de la consommation. La performance, incarnation du processus de production désirante passe également du côté de la consommation par sa mise en représentation, un spectacle, un public. Ce qui est intéressant c'est que la consommation de cet ensemble devient la surface d'enregistrement, reflet exact du monde surcapitaliste; la seule production désirante possible étant celle de la consommation.

Mon rôle, ma position dans la performance.

Mon désir était d'enregistrer des sons de vies en provenance de l'activité journalière des participants et auteurs du projet, ensuite d'utiliser ces sources comme commentaire et regard critique. Les sources sonores sont déformées, coupées, évidées, filtrées, ralenties ou accélerées, et ne sont pas identifiables par les auditeurs, qui entendent les assemblages que je réalise pendant la performance. Les auteurs de la performance entendent eux aussi mes agencements sonores et sont influencés par eux, une musique crée à partir d'éléments vibratoires de leur propre existence, dont ils ne reconnaissent rien. Dans cette situation je participe pleinement à la production désirante, en quelque sorte moi aussi je tiens leurs pinceaux, je les contrains, c'est d' ailleurs pour cela qu'ils m'ont invité. En même temps je produis un emballage, un cadre pour la production désirante,que le public consomme.

V.M.

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Croquis préparatoires
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