Transcription Marie-valentine Martin
  Relecture C. de trogoff
 Qu'est-ce qui est rattrapé?
  Lettre à Pierre Pachet et sa copie tapuscrite, 
  revue peu de temps après (janvier 1981)
Cher Piotr, *
  Aucun critère permettant de distinguer telle belle oeuvre d'un travail 
  raté similaire. Si un problème théorique m'a jamais 
  préoccupé c'est sans doute celui-ci, même à mon insu, 
  et il est possible qu'il fasse pont entre mon esthétique et mon éthique.
  Quelqu'un ou quelque sonographe découvre la fausse note, mais la différence 
  entre fausse note et la not e(1) 
  presque fausse exprès?
  La chanson brésilienne sait justement jusqu'où elle peut fausser, 
  comme le jazz n'existe que par la syncope.(...) 
  Chanson, symphonie, etc, on a un ensemble de notes, de sons, de points, ou de 
  quasi-points, de fronts d'ondes (ou d'ondes effrontées — je dois dire 
  mon désintérêt et même mon refus personnel de la musique 
  aléatoire SI ELLE EST ALEATOIRE! car nul ne peut jouir de purs aléas, 
  voire les recevoir simplement), etc, bref une sorte de structure. Que tout dérape 
  partout; la musique devient ombre ou creux, promesses, plaisirs (aucun goût 
  pour les jeux frustrants). Si tout ça n'est que savoir-faire, il s'agit 
  de transgression et de joliesses, de variations au mieux impressionnantes. En 
  fait, le grand art invente le relativement stable et le relativement moins stable, 
  etc, la corrélation faisant oublier les termes, ou presque. Il y aurait 
  idéalement deux types de compositeurs: celui qui part de l'harmonie et/ou 
  de la mélodie, puis celui qui est déjà « à 
  l'intersection », qui doit fabriquer après-coup (idéalement 
  dit) un édifice qui va faire entendre une musique déjà 
  (sic) en lui. En fait, en soi même, on a tout au plus des sons et des 
  bruits, comme la poésie remue des mots...
Il m'est arrivé de rater un dessin (50 x 65 cm), plutôt je le 
  croyais perdu. J'ai voulu le reprendre, aggravant la situation. Bien qu'au bord 
  de la saturation formelle et colorée, j'ai ajouté quelque chose 
  (peinture acrylique rouge) pour le pire, au-delà du pire. Plus rien même 
  à récupérer, la dégueulasserie était là. 
  Restait — pour s'enfoncer? se venger des matériaux? pour vomir tout? 
  — à se faire plus dégueulasse encore. J'ai ajouté (du blanc 
  dans le rouge — une abomination pensai-je) et CEPENDANT canalisé une 
  dernière fois (l'habileté d'avant désastre, la prudence 
  incantatoire, le sursaut de conscience du miséreux, la lâcheté 
  finale). Le résultat fut l'une de mes meilleures choses de l'année 
  dernière. (L'un(e)(2) des 
  3 ou 4 « dessins » que je vends mille francs de plus que le commun 
  des « dessins »...). Mais en général, ce qui est foutu 
  est bien foutu. 
  
  Amitiés,
  (1) (ndr : à propos du r barré) quel 
  lapsus! Trop beau pour que nous y croyons? Beau ou pas, il faut vivre avec.
  (2)quel lapsus?
  (1)(2)car si () pourquoi pas()?! Monnayer quel terme, quelle femme, quelle imagination?? 
  Pour imaginer quelle monnaie!! (Ici rhéto, on coupe.)
sur une page jointe à la version "piotr", le texte suivant (note cdt):
2
  (Durant l'été)
Durant l'été 1983 à Valbonne j'ai détruit cette 
  oeuvre.
  Je ne crois pas qu'il en existe une reproduction quelque part, ou c'est à 
  mon insu.
  MV. 15 03 84
* Pierre Pachet, ndr