LES PLANTES VÉNÉNEUSES
La mise en scène des splendeurs des vieilles possessions se distille pour les dépossédés dans un mirage sans chair, une histoire sans eux ; la dépossession y touche à l'abstraction des états de nature. Atomisée en goutelettes de buée, elle est arrachée au cadre des actions. Les dépossédés sont éblouis par les dorures à peine fanées, ils en oublient en bavant toutes les brutalités dont ces chateaux vaniteux, ces tentures passées, ces copies de tableaux qui ont rejoint les musées et ces armoires de métaux précieux sont la concrétion historique. Les Chateaux de la Loire sont sillonnés de rondes idiotes et admirantes qui feuillettent l'histoire comme le magazine immensément déplié d'une montagne de toc à tailler légitimement dans la carnaille. J'aimerais aimer toujours les dépossédés, mais la criminalité dont ils font preuve contre eux-mêmes me fait autant horreur que la lourdeur des possédants qui se tricotent, eux, des moufles trop lourdes pour les mains avec les mêmes vieilles laines historiques.
S'abime en eux, les dépossédés, toute possibilité de réparation car ils sont pleins du désir que cette splendeur reste intacte pour leur servir de mètre : la distance qui les en sépare est la mesure d'une résignation à se penser en marge de l'histoire, dans la certitude qu'elle se fait contre soi et que rien n'y peut être déplacé. Mieux encore, qu'il y a une certaine beauté à préserver dans cet écart meurtrier. Du respect pour tout ce qui vous dépasse.
Ce qu'il faut retenir des dépossédés : quand tout menace leur vie, ils se réfugient dans les cheminées actives des Chateaux de Loire et y brûlent pour l'hiver. L'été marque la fin des drames, et le tourisme reprend ses droits.
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