Premiers instruments électroniques


" La musique, qui doit vivre et vibrer, a besoin de nouveaux moyens d'expression, et la science à elle seule peut lui infuser la sève de l'adolescence. (...) Je rêve d'instruments obéissant à la pensée et qui, avec l'apport d'une floraison de timbres insoupçonnés, se prêtent à toutes les combinaisons qu'il me plaira de leur imposer et se plient aux exigences de mon rythme intérieur. "

Edgar Varèse, 1917.

Dès la fin du XIXème et surtout au début du XXème siècle, l'électricité est apparue comme un nouveau moyen de produire du son. " L'évolution de la musique, écrit Iannis Xenakis, est fondée depuis l'Antiquité sur la résonance des corps élastiques. La causalité est physique, et nous avons appris à percevoir en fonction de cela. Avec les nouvelles machines, on peut créer des sonorités qui n'ont rien à voir avec les lois naturelles de vibration des cordes par exemple, basée sur la physique de Newton. Les possibilités de notre cerveau s'étendent bien au-delà de la tradition musicale fondée sur la résonance des cordes. Il y a une dialectique entre la théorie, la technologie et l'oreille. "

Plusieurs instruments capables de produire des sons à partir d'oscillateurs et d'amplificateurs électriques voient le jour durant les années vingt...

 


Le Thereminvox

Lev Termen présenta la première version de son Aetherphon en 1920. Ce n'est que neuf ans plus tard que le physicien russe, qui s'était exilé aux Etats-Unis sous le nom de Leon Theremin, vendit la license de son invention à la société RCA, laquelle lança l'instrument sous le nom officiel de Thereminvox.

Couramment désigné sous le nom de Theremin, l'instrument utilise deux oscillateurs qui délivrent de très hautes fréquences (trop élevées pour être audibles), l'une fixe et l'autre variable. L'interférence entre les deux fréquences produit une résultante dans la gamme des sons audibles. Le contrôle de l'instrument est assuré par deux antennes : Pour augmenter ou diminuer le volume sonore, il suffit d'approcher ou d'éloigner sa main de l'antenne d'amplitude, en forme de boucle, placée sur le côté de l'appareil. Pour faire varier la hauteur de la note, on déplace sa main parallèlement à une antenne de fréquence rectiligne, laquelle est perpendiculaire à l'antenne d'amplitude.


On peut entendre le Theremin dans quelques films de science-fiction des années cinquante, dans une des chansons des Beach Boys ("Good vibrations ") et dans un enregistrement dédié à cet instrument : " The art of the Theremin " par Clara Rockmore, musicienne russe qui a grandement contribué à la reconnaissance de cet instrument unique en se produisant dans de nombreux concerts dès les années trente.

Le Theremin est encore fabriqué de nos jours par la société Big Briar.


Les Ondes Martenot

C'est l'ingénieur français Maurice Martenot qui mit au point dès 1926 ces claviers électroniques. L'instrument a connu un grand succès, notamment auprès de compositeurs comme Arthur Honegger, Darius Milhaud, André Jolivet, Luciano Berio ou encore Pierre Boulez.

Les Ondes Martenot utilisent essentiellement le même principe de production sonore que le Theremin. L'instrument possède, en sus d'un clavier de type piano, une cordelette parallèle à celui-ci sur laquelle est fixé un onglet qui permet de faire varier la hauteur du son (les notes sont jouées en continu). Cet onglet peut aussi servir à induire un effet de vibrato sur la touche jouée au clavier en imprimant un léger effet de va et vient autour de la position de la note. De plus, il est possible de changer la tonalité du son produit à l'aide d'une section de filtrage et plusieurs genres d'attaques sont mis à la disposition de l'instrumentiste.

Edgard Varèse, " Ecuatorial " (36 sec.)

Seul instrument avec le Theremin à avoir survécu depuis ces temps héroïques, les Ondes Martenot sont toujours fabriquées et sont aujourd'hui devenues numériques.


Le Trautonium

Inventé en Allemagne entre 1928 en 1930 par le docteur Friedrich Trautwein, le Trautonium est un instrument monophonique utilisant le pricipe de la synthèse soustractive.

Intéressé par l'instrument, le compositeur Oskar Sala en construisit de 1949 à 1952 une mouture plus moderne, polyphonique, qu'il nomma Mixturtrautonium. Chargé de composer la bande sonore du film " Les oiseaux " d'Alfred Hitchcock, Oskar Sala utilisa le Mixturtrautonium pour recréer les cris animaliers. Vous pouvez en écouter un extrait en cliquant sur l'image.




L'orgue Givelet-Coupleux

Joseph Givelet et Edouard Coupleux présentent cet instrument en 1929. Sur cet orgue, la hauteur des sons est réglée par les variations d'inductance d'un circuit magnétique. Des combinaisons de filtre permettent de faire varier le timbre de l'instrument. Comme sur les Ondes Martenot, l'orgue Givelet-Coupleux autorise plusieurs types d'attaque.




D'autres instruments hybrides

On peut également mentionner dans cette brève revue des premiers instruments électroniques le Radiotone Boreau ou l'appareil Makhomine dans lesquels les oscillations électriques ne sont pas produites par des oscillateurs mais sont commandées par des vibrations de cordes dont l'émission sonore directe est imperceptible.



Suite : Les premiers synthétiseurs