Extrait des déclinaisons sur l'imposture de Laurence Murphy. La porte.

Et pourtant elle n’avait pas claqué cette porte, elle n’avait pas lutté, elle n’avait pas grincé, elle n’avait pas crié ni supplié ni imploré. Une porte disciplinée, la porte.

Elle s’était fermée. Elle l’avait trompée.

La femme regarda autour d’elle, indécise, imprécise. Il n’y avait plus de bruits dans la pièce, plus de froissements, plus de cliquetis, plus de murmures ni de discours, plus de bruits sourds.

Était-ce le silence qui se faisait si lourd ? Dehors, on pouvait faire semblant.

Dehors, on pouvait crier fort.

Dehors, on leur donnerait tort.

Dehors.

Mais là, dépouillée, isolée, sans le support de ce dehors, mais là, debout dans sa chemise de noyée, cheveux défaits, mains affolées, mais là, derrière cette porte refermée, c’était la peur qui jouait au fort, c’était sa peur qui peuplait l’heure.

Elle s’assit. Face à la porte.

Les yeux fixés sur le bois nu, elle dessinait dehors, là toute nue. C’était ses yeux qui dessinaient et ses pensées qui soupiraient, en murmurant avec ses mains des petites choses de réconfort, des petites choses du dehors.

Les minutes traînaient derrière ces portes, elles s’étiraient toujours, elles fatiguaient le jour.

Elle l’avait remarqué, la première fois. Et puis la deuxième. Et puis la troisième, elle avait renoncé à les accélérer, elles comprenaient pourquoi elles n’étaient pas pressées.

Enveloppée dans la chemise, la chemise bleue des rescapés, elle attendait, elle attendait que l’autre porte, celle qui ouvrait, fatalité, sur une pièce sans fierté, qui attendait la femme marquée, elle attendait cette fois-ci que cette porte-là soit verrouillée.


Laurence Murphy,22 mars 2002

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