Philippe De Jonckheere & Le Désordre au Terrier

Avant de vous plonger dans cette incroyable expérience qu'est une visite dans le désordre, découvrez d'autres travaux de Philippe De Jonckheere:

  1. Une série de photogrammes (rayogrammes) sans titre, réalisés à partir de contacts d'algues. Une délicate mise en bouche.
  2. Un ensemble de photos sous enveloppes de papier cristal, Mail Pornography, ou une habile façon de contourner la censure avec l'aide des services postaux.
  3. Une version de son Adam Project ( original ICI) recomposé pour l'occasion (création de liens aléatoires et de nouvelles pages) et réinterprété photographiquement par C. de Trogoff & L.L. de Mars. Vous pouvez consulter ici ce massacre en règle sur invitation, semblable au suicide commandé du narrateur de La cible (roman feuilletonné de P.D.J.).
  4. Une chronique étonnante d'un concert de l'ensemble Ryoan-Ji (janvier 2004 à la Fondation Argentine, Paris) dont le dispositif aléatoire crée un étrange écho graphique et narratif à la subtile musique d'Émile Bélan.
  5. Participation à l'anniversaire du Laboratoire de dessin d'Alain Simon (mars 2005)
  6. « À mort le Père Noël », de et avec Philippe De Jonckheere. Tournage: Anne Verley. Film video DivX 5.0 720 x 576, son 48000Hz 160 kb/s ;durée: 1mn04.
  7. « Rue Nazie », avec L.L. de Mars, tourné par C. de Trogoff, film video DivX 5.0 720 x 576, son 48000Hz 160 kb/s ;durée: 2mn.
  8. Philippe a participé à l'exposition collective du Terrier au Cinema Nova de Bruxelles
  9. Session de BD expérimentale au labo de Bruc L.L. de M. Six planches en ligne.
  10. Les eaux du fleuve I, II, et III sessions photographiques à contrainte, avec C. de Trogoff et L.L. de Mars.
  11. Les images de l'accumulateur : une série hors-série d'assemblages photonumériques (mise en forme Le Terrier).

 

Le Désordre de Philippe De Jonckheere (www.desordre.net) est une de ces rares et précieuses surprises du réseau : une oeuvre polymorphe, inattendue, en mouvement permanent.
Ingénieusement adaptée aux spécificités du web, cette oeuvre textuelle, plastique, architecturale, est autant une source d'enrichissement de notre regard sur le réseau qu'un ensemble de pistes nouvelles dans lesquelles il ne s'était pas encore égaré. Aventure permanente de son auteur oscillant entre anecdotique et fondamental, le Désordre vit dans le Terrier une nouvelle métamorphose, née de notre rencontre.
Enthousiasmé à l'idée de redécouvrir son propre travail sous d'autres formes de navigation, Philippe de Jonckheere m'a confié le soin de réaliser un mode de déplacement hasardeux qui interdirait au promeneur de faire deux fois de suite la même visite du Désordre ; c'est cette navigation que vous découvrirez sur la page suivante, sous la forme d'un petit labyrinthe de 27 cellules liées chacune à une partie du site par un script aléatoire, et d'un petit index latéral (à droite) remplissant la même fonction au cours de votre promenade.
De son côté, P. De Jonckheere travaillait à une sorte de contre-désordre en créant une navigation ordonnée singeant l'organisation en arborescence de son disque dur ; vous aurez accès à cette navigation par la cellule "a" du labyrinthe, et par la lettre "A" de l'index.
Cette version du Désordre pour le Terrier est une version gelée, arrêtée dans le temps (en août 2002) pendant que le Désordre sous sa forme première continue à s'étendre et vivre ses métamorphoses incessantes à son adresse habituelle.
Et maintenant, nous sommes embarqués...

L.L.de Mars

 

Au tout début du désordre était cette fascination pour la petite fenêtre lumineuse, allumée jusque tard dans la nuit et de laquelle jaillissaient et apparaissaient tour à tour, des poèmes de Charles Baudelaire, des peintures de Joan Mitchell, des insultes shakespeariennes, une revue sur Marcel Duchamp, des reproductions des manuscrits de Proust, un annuaire de couleurs, de cette fenêtre il était également loisible de jouer aux échecs contre un autre fictif, ou au scrabble contre un ordinateur trappu. De la petite fenêtre je pouvais aussi lire le journal, consulter le dictionnaire ou une encyclopédie et surtout la petite fenêtre éclairée m'offrait la sidérante facilité de passer du coq à l'âne grâce aux liens qui me faisaient rebondir d'un livre à l'autre, d'un coin de cette terre à l'autre bout du globe: j'étais comme le papillon de nuit létalement épris de la lueur électrique. Ces luxueuses déambulations me donnnèrent envie de participer, aussi modestement soit-il, à ce grand fourbis — bric-à-brac qui un jour supplanta mon dictionnaire indocte de ce que pouvait être une scutigère, rencontrée dans la Jalousie de Robbe-Grillet (c'est à dire qu'en dépit des efforts de Robbe-Grillet de s'attacher aux moindres détails de la bestiole, je me faisais une image assez floue de son apparence), une simple recherche sur le réseau m'éclaira instantanément, hommage soit rendu à un passionné de myriapodes ravageurs qui avait apporté sa modique contribution au grand capharnaüm.

Avec l'enthousiasme des néophytes, je me lançai dans mon propre inventaire sans ordre et sans chronologie, et, naturellement, une idée renvoyant à une autre, je devins vite grisé par les liens hypertextes, ces étonnants vecteurs qui catapultent le lecteur d'un bout à l'autre de la planète, à l'image du tortueux parcours de lecture dans "Marelle" de Julio Cortazar. A force de faire un peu de place à la fantaisie, c'est le désordre sans partage qui a fait main basse sur l'ensemble. L'émerveillement du début débouchait finalement sur la représentation fidèle d'idées, de pressentiments et de perceptions déjà anciennes: le caractère protéiforme des personnalités, la concordance dans le temps de pensées diverses — cette difficulté si chère à Malcom Lowry d'exprimer plusieurs pensées simultanées — et notre appréhension sans cesse changeante, sans cesse altérée par le temps. Nos existences sont des labyrinthes dont certains méandres sont communs à d'autres dédales empruntés par d'autres. Ces réseaux sont amenés à s'intercroiser à l'envi, pourvu qu'on ait l'intelligence de s'y perdre.

Une nouveau pas dans cette volonté de partage a été un jour franchie lorsque L.L. de Mars m'invita à produire une nouvelle version du "désordre". D'abord incertain d'une telle proposition ( le "désordre" tel qu'il existait alors avait demandé plus d'une année de travaux de constructions et je n'étais sans doute pas décidé d'emblée à retourner à la planche à dessin pour imaginer une nouvelle construction ). Mais l'hôte insista, parlant, parmi le déluge de nouvelles idées qu'il m'envoyait, l'une d'elles se fit jour avec davantage d'acuité: une version contradictoire. Cela parait surement difficile à croire mais dans les premiers croquis qui devaient aboutir au site "désordre" tel qu'il existe aujourd'hui, une idée consistait à présenter la chose sous forme de dossiers et de fichiers informatiques, dans lesquels le visteur aurait trouvé exactement ce qu'il était logique qu'ils contiennent. C'est cette idée ancienne et enfouie que j'ai finalement décidé de proposer à LL qui s'en est emparé avec une voracité affamée. Je le remercie ici d'avoir partagé.

P. De Jonkheere

 

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