DELEUZE - LEIBNIZ 10/03/87
L'événement Whitehead


On travaille. J'avais commencé la dernière fois une espèce de vue d'ensemble ou de conclusion concernant la transformation que Leibniz faisait subir à la notion de substance. Si vous le voulez bien on laisse ça de côté et je le reprendrai plus tard, surtout que c'était à peine commencé. J'éprouve le besoin de le laisser parceque là j'ai besoin, comme je vous l'avais annoncé, j'ai besoin d'aide qui ne porte pas cette fois-ci sur les mathématiques, mais qui porte sur certains problèmes de physique. Et comme Isabelle Stengers est là aujourd'hui, et qu'elle ne sera pas là les autres semaines, il faut que je profite de sa présence. Je veux profiter de sa présence pour deux raisons, parceque c'est des problèmes qui concernent de très prés Leibniz et qu'elle le connaît, et d'autre part parceque ce sont des problèmes qui concernent également cet auteur dont je vous ai prévenu depuis le début de l'année que je voulais vous en parler, à savoir Whitehead.
Donc vous pouvez considérer que notre séance d'aujourd'hui, à la fois s'insère pleinement dans cette recherche sur Leibniz, mais porte sur ce philosophe, Whitehead et ses rapports avec leibniz.
Vous savez, les grecs avaient un beau mot, dans l'école néo-platonicienne, il y avait un chef d'école, et il succédait au chef d'école précédent; et il avait un mot pour désigner le chef successeur, c'était le diadoque. Le diadoque. Si on imagine une école leibnizienne, Whitehead c'est le grand diadoque, mais en même temps il renouvelle tout. D'où mon envie, et pourquoi est-ce que j'ai tellement envie de parler de cet auteur, dont les dates sont relativement anciennes 1861-1947, il est mort vieux. C'est parcequ'il fait partie de ces auteurs, de ces trés grands philosophes qui ont été étouffés, comme assassinés. Assassiné, qu'est-ce que ça veut dire?
ça veut dire que de temps en temps surviennent des écoles de pensée qui établissent- d'une certaine maniére quant au problème des penseurs il y a deux dangers : il y a tous les Staline, tous les Hitler que vous voudrez, devant lesquels les penseurs n'ont plus que deux possibilités : résister ou s'exiler. Mais parfois, à l'intérieur de la pensée, il y a autre chose qui se passe parfois, ce sont d'étranges doctrines qui surviennent, qui s'installent, qui prennent un véritable pouvoir là où il y a du pouvoir dans ce domaine, c'est à dire dans les universités, et qui établissent une sorte de tribunal, un tribunal intellectuel d'un type spécial, et dérriére eux, ou sous eux, plus rien ne pousse.
Il faudrait arreter les appareils parceque ma parole est libre. Je n'écrirai jamais ce que je dis donc j'aimerai pouvoir dire : "je n'ai jamais dis ça". En ce sens j'accuse la philosophie analytique anglaise d'avoir tout détruit dans ce ui était riche dans la pensée, et j'accuse Wittgenstein d'avoir assassiner Whitehead, d'avoir réduit Russel, son maitre, à une sorte d'essayiste n'osant plus parler de logique. Tout ça fut terrible et dure encore. La France a été épargnée, mais nous avons nos philosophes analytiques, la France a été épargnée car elle a été réservée pour d'autres épreuves encore pires. Bien. C'est vous dire que tout ça va mal. Rien dans le domaine de la pensée ne meurt de mort naturelle, vraiment. Cette pensée anglaise et américaine , d'avant la derniére guerre, était extraordinairement riche, elle était d'une richesse...Des auteurs dont on a prit l'habitude de les traiter comme si ils étaient un peu débiles; je pense à William James. William james est un éffarant génie. Il est en philosophie exactement ce que son frère était dans le roman. Pour ceux qui cherchent un sujet de thése, encore une fois je gémis sur le fait qu'il n'y ai pas eu à ma connaissance d'étude sérieuse sur les deux frères james et leurs rapports. Et puis il y a whitehead, et il y en avait un autre, un australien, le seul trés trés grand philosophe australien, Alexander. Whitehead est lu par une poignée d'amateurs et par une autre poignée de spécialistes. Aprés tout Bergson aussi...on ne peut pas dire que ce soit trés grave tout ça. En 1903, Whitehead est un mathématicien de formation, en 1903 il écrit avec Russel les Principiae mathematicae , qui sont à la base du formalisme moderne et de la logique moderne. Ce sont les Principiae mathematicae qui engendreront Wittgenstein, c'est un processus dramatique fréquent. Bon, peu importe. je crois bien qu'il est anglais Whitehead, mais je me trompe à chaque fois, et puis aprés il s'installe en Amérique verts 1920-23. Donc Principiae mathematicae avec Russel, grand livre de logique. Le concept de Nature , non traduit en français, 1920, La science et le monde moderne, un des rares livres de Whitehead traduit en français, trés beau, trés trés beau. La science et le monde moderne , c'est un livre important, trés beau, 1926. Il doit être introuvable, je suppose. Son grand livre, 1929, Processus et Réalité, ou Procès et Réalité. 1933, Aventure des Idées .
Mon but est double. A la fois je voudrais que vous sentiez la grandeur de cette pensée pour elle-même, en même temps que vous sentiez le lien qu'elle a avec Leibniz, et dès lors comment, à la lettre, whitehead risque de nous apporter un éclairage fondamental sur leibniz. Ne fait aucun problème la connaissance de Leibniz par Whitehead. Il est imprégné de leibniz, et comme Leibniz, il se trouve être mathématicien, philosophe et physicien. Toute philosophie prétend comme mettre en question quelquechose, qu'est ce que Whitehead met en question? Il met en question le problème .de ce qu'il appelle le schème catégoriel. Le schème catégoriel, c'est quoi? Il nous dit, en gros, le schème catégoriel de la pensée classique c'est : sujet-attribut, substance-attribut. Or c'est moins la question de la substance. La substance vous pouvez la concevoir de telle ou telle maniére.
e qui est important ce n'est pas de se demander si les choses sont des substances. La vraie question c'est celle de : l'attribut, en quel sens? Précisement est-ceque la substance doit être pensée en fonction d'un attribut, ou bien est-ce qu'elle doit être pensée en fonction d'autre chose? En d'autres termes si la substance est le sujet d'un prédicat, ou de prédicats, de prédicats multiples, si la substance est le sujet de prédicat, est-ce que le prédicat est réductible à un attribut, un attribut du type "le ciel est bleu". Vous me direz que ce n'est pas un problème fondamentalement nouveau, mais c'est d'une certaine maniére nouvelle, le cri de Whitehead . Cri qui retentit dans toute son oeuvre : non, le prédicat est irréductible à tout attribut. Et pourquoi? Parceque le prédicat est événement.
La notion fondamentale ça va être celle d'événement. or je pense que c'est pour la troisiéme fois dans l'histoire de la philosophie que ce cri retentit, et sans doute, chaque fois il retentissait d'une maniére nouvelle : Tout est événement. Vous me direz non, tout n'est pas événement puisque l'événement c'est le prédicat. Pour le moment nous disons : tout est événement puisque le sujet est une aventure qui ne surgit qu'à l'événement. Il y a t-il un sujet dont la naissance ne soit pas événement? Tout est événement. Je vais essayer de le dire rapidement. çela a retentit une premiére fois avec les stoiciens, et ils s'opposaient à Aristote précisement dans l'entreprise aristotélicienne de définir la substance par l'attribut. Et eux se réclamaient de ce qu'il faut bien appeler un "maniérisme" puisque à la notion d'attribut ils opposaient celle de maniére d'être. L'être comment, le comment être. L'attribut c'est ce que la chose est, mais le comment de la chose, la maniére d'être, ça c'est tout à fait autre chose. Et les stoiciens firent la premiere grande théorie de l'événement. Et sans doute il y eut une suite dans les logiques du moyen-âge, on pourrait se trouver la continuation de traditions stoiciennes, mais il fallut attendre longtemps, longtemps, pour que pour la fois le cri, cet espéce de cri retentisse à nouveau : tout est événement!
C'est ce que j'ai essayé de montrer depuis le début, à savoir c'est Leibniz, et il n'y a pas de pire contresens....je dis que le résultat de nos recherches précédentes c'est que il n'y a pas de pire erreur sur Leibniz que comprendre l'inclusion du prédicat dans le sujet comme si le prédicat était un attribut. Et loin que le prédicat soit un attribut, -Leibniz ne cesse de nier que le prédicat soit un attribut, le prédicat pour lui est rapport, ou comme il dit encore en toutes lettres dans Discours de métaphysique : Evenement, prédicat ou événement."ou",on ne peut pas dire mieux, est-il dit dans le Discours de métaphysique.
D'où il me semble particuliérement stupide de dire comment Leibniz peut-il rendre compte des relations, une fois dit qu'il met le prédicat dans le sujet. Non seulement il rend compte des relations mais il n'a aucune peine à rendre compte des relations pour la simple raison que, pour lui, ce qu'il appelle prédicat c'est la relation, c'est l'événement.
On a commencé déjà à voir un peu comment il rendait compte de la relation,mais on laisse ça de coté. Il y a tout lieu de s'attendre à ce que ça ne lui fasse pas tellement problème, une théorie des relations. ça ne fait problème que du point de vue d'un faux Leibniz où le lecteur croirait que le prédicat, pour Leibniz, c'est un attribut. A ce moment là , on se dirait, en effet, comment est-ce qu'une relation peut-elle être inclue dans le sujet. Mais si ce qui est inclus dans le sujet c'est les événements, et par définition, comme il le dit trés bien, les événements c'est des rapports à l'existence. Et là il faut prendre au sérieux le mot rapport. Tout est événement, du moins tous les prédicats sont des événements. Et voilà que pour une troisiéme fois le cri retentit avec Whitehead : Tout est événement.
Tout est événement, oui, y compris la grande pyramide dit Whitehead. Même du point de vue du style c'est assez leibnizien.
Généralement on considére que un événement c'est une catégorie de choses trés spéciales, par exemple je sors dans la rue et je me fais ecraser par l' autobus. C'est un événement. Mais la grand pyramide, elle, ce n'est pas un événement.
A la rigueur je dirais : ah oui, la construction de la grande pyramide est un événement,mais pas la grande pyramide elle-même. Une chaise ce n'est pas un événement, c'est une chose. Whitehead dit que la chaise est un événement,pas seulement la fabrication de la chaise. La grande pyramide est un événement. C'est trés important pour comprendre que ce soit possible, l'expression "tout est événement". En quoi la grande pyramide peut elle être événement? Je saute à Leibniz, et je voudrais perpétuellement sauter de l'un à l'autre.
On partait de certaines déterminations liées à Adam. Il était dans un jardin et il péchait, il commetait un péché. Pécher c'est évidemment un événement, ça fait partie de ce que tout le monde appelle un événement. Mais le jardin lui-même c'est également un événement. Une fleur est un événement. Bon, mais alors? Est-ce que ça veut dire en tant qu'elle pousse? en tant qu'elle surgit. Mais elle ne cesse pas de surgir. Elle ne cesse pas de pousser, une fleur. Ou lorsqu'elle a fini de pousser elle ne cesse pas de se flétrir. C'est de la fleur elle-même et à chaque instant de sa durée que je dois dire c'est un événement. Et la chaise? La chaise c'est un événement; ce n'est pas seulement la fabrication de la chaise. En quoi la grande pyramide est-elle un événement?
C'est en tant qu'elle dure, par exemple, cinq minutes. En tant que la pyramide dure pendant cinq minutes, elle est un événement. En tant qu'elle dure cinq autres minutes, c'est un autre événement. Je peux réunir les deux événements en disant : elle dure dix minutes. Toute chose, dira Whitehead, est passage de la nature. En anglais c'est "passage of nature", passage de nature. Corrigeons un peu pour retrouver leibniz : toute chose est passage de Dieu. C'est strictement pareil. Toute chose est passage de nature. La grande pyramide est un événement, est même un multiplicité infinie d'événements. En quoi consiste l'événement? A la lettre toute chose est une danse d'électrons, ou bien toute chose est une variation d'un champ électro-magnétique. Voilà que nous mettons un pieds trés prudent dans la physique.
Par exemple, l'événement qui est la vie de nature dans la grande pyramide, hier et aujourd'hui. Il faut peut-être pressentir qu'il n'y a pas une seule grande pyramide, mais qu'il y a peut-être deux grandes pyramides. C'est ce qu'il dit dans le texte. Mais n'allons pas trop vite....pour le moment c'est comme ça. Voilà. Il n'y a pas de choses, il n'y a que des événements, tout est évenement.
Un événement est le support d'une infinité de processus, des processus de subjectivation, des processus d'individuation, de rationnalisation. Tout ce que vous voulez. Des sujets vont naitre, des rationnalités, des individualités vont se dessiner, mais tout ça dans les événements. Tout est événement, mais il faudra bien une classification des événements. par exemple, comment est-ce qu'il faudrait poser le problème de la liberté, en termes d'événements? Il y a-t-il une différence de nature entre les événements qu'un sujet, à supposé que je sache ce que c'est qu'un sujet, qu'un sujet subit, ou qu'un sujet promeut. Qu'est-ce que veut dire : faire événement.(.....retourner la bande....)
Si je peux identifier la grande pyramide à travers deux passages de nature, en disant : c'est la même pyramide, c'est la grande pyramide, c'est uniquement grace à un objet éternel. Je voulais vous faire sentir ce que cette philosophie a à la fois de trés familier et à la fois de trés bizarre pour nous. La philosophie doit créer de tels modes de pensée. C'est d'ailleurs le titre d'un des livres de Whitehead, Modes de Pensée. Si je résume, je dis voyez les trois coordonnées : les occasions actuelles définies par les conjonctions, les préhensions, et les objets éternels.
A l'occasion actuelle correspondent les concepts de conjonction, concrescence, créativité; aux préhensions correspondent tous les éléments qu'on a pas vu encore de la préhension, toutes les composantes de la préhension, aux objets éternels correspondent les différents types d'objets éternels. Par exemple il y a des objets éternels sensibles et il y a des objets éternels conceptuels...non c'est mauvais ce que je viens de dire...il y a des objets éternels qui renvoient à des qualités sensibles, et d'autres qui renvoient à des concepts scientifiques. Tout ça c'était relativement facile. Mais nous avons trois problèmes, et c'est là-dessus que j'ai tant besoin d'Isabelle.
Premier problème, nous sommes partis des conjonctions, c'est à dire des occasions actuelles, nous nous sommes déjà donné des événements et un monde d'événements. Peut-on faire la genése de l'événement? comment arrive t-on à des conjonctions? Est -ce que les conjonctions c'est donné comme ça? Qu'il y ait des conjonctions dans le monde ça ne va pas du tout de soi. Qu'est-ce qui va expliquer qu'il y a des conjonctions dans le monde? Pour moi, je ne sais pas ce que dira isabelle, c'est le problème fondamental de la philosophie de WhiteheaD. Si ce problème là est réglé, tout le reste va , non pas du tout de soi, mais tout le reste va agréablement. C'est vraimeny le problème le plus difficile et là où Whitehead est physicien et mathématicien. Il y a besoin de toute une physico-mathématique pour rendre compte de la formation des conjonctions, c'est à dire de la formation des occasions actuelles. pourquoi? Sentez le, on part d'une distribution aléatoire du type distribution aléatoire d'électrons, ou variation d'un champ electro-magnétique. Comment se forment les conjonctions dans un tel monde? Si on n'a pas une réponse précise à ça, à ce moment là on aura raté. Il nous faut une réponse précise à cette question.
La deuxiéme question ce sera : de quoi une préhension est-elle faite? quels sont les éléments d'une préhension? Et si il est vrai que l'occasion actuelle est une conjonction, on doit dire dans le vocabulaire de Whitehead, j'ai oublié de le préciser, que un ensemble de préhensions c'est un nexus . Deuxiéme probléme, les composantes de préhensions.
Troisiéme problème, les modes d'objets éternels.
Le plus difficile pour moi c'est cette genése préalable. comment arrive t-on à des conjonctions, pourquoi y a t-il des conjonctions? Est-ce qu'il y a une raison des conjonctions, raison qui ne peut être que mathématique et physique. Je voudrais déjà l'avis d'isabelle. Comment tu vois ça, toi?

Isabelle Stengers: ....Isabelle est trés éloignée du micro et sa longue intervention est difficilement audible.

Gilles deleuze: C'est trés intéressant. Il ne s'agit pas du tout de discuter. Ce qui me frappe c'est que ce qui semble intéresser Whitehead- c'est le propre de tous les grands penseurs-, ce qui semble intéresser tout particulierement Isabelle stengers dans whitehead, ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus. Il n'y a pas lieu de dire qui a raison ou qui a tort. ça va être mon tour de poser des uestions à Isabelle parceque je suis sur qu'elle a les moyens d'y répondre, sans du tout abandonner son point de vue. Elle nous a dit trés exactement ceci: c'est vrai que ,au début de son oeuvre, par exemple dans le Concept de nature , Whitehead pense encore possible de faire une genése de l'occasion actuelle , c'est à dire une genése des conjonctions. Et d'accord, elle me dit, à ce moment là il pense que seule une physique mathématique peut nous donner la clef de cette genése. Et puis elle dit mais il aurait eu le sentiment que, à ce moment là si il faisait une genése des conjonctions, et qu'il tenait déjà énormement à cette idée, comme toute conjonction est nouvelle, elle est même nouveauté, elle est nouveauté dans son essence; il n'y a pas d'occasion actuelle qui ne soit nouvelle. Elle n'est pas l'effet des occasions actuelles précédentes. il n'y a pas de déterminisme. Une occasion actuelle est active , elle est préhension, c'est à dire préhendante,- hé bien comme une occasion actuelle ne peut pas être déduite d'autre chose qu'elle même, Isabelle pense qu'il aurait renoncé,ou bien qu'il se serait moins intéréssé à sa genése pour prendre le problème au niveau d'une finalité et d'une conception trés particuliére de Dieu qui, finalement, opére au niveau des occasions actuelles. Moi je pense, on va voir, moi je pense que la genése des conjonctions, ou la genése des occasions actuelles, genése physico-mathématique, est quelque chose à quoi Whitehead ne renoncera pas, à condition que cette genése respecte pleinement l'exigence rappelée par Isabelle, à savoir que ça ne doit pas être une genése telle que l'occasion actuelle dérive, découle ou résulte de ses composantes génétiques. ça doit être une genése qui rend compte de ceci que la seule loi de l'occasion actuelle est d'être toujours une nouveauté par rapport à ses propres composantes.
Et c'est précisement cette genése de la nouveauté qui est essentielle, genése de la nouveauté comme telle, c'est à dire qui n'implique aucune réduction du nouveau à l'ancien, c'est cette genése même que Whitehead, parcequ'il sait beaucoup de mathématique et de physique, va faire dans des conditions qui, en effet, font de lui et de sa philosophie, une des rares philosophie- à mon avis avec celle de Bergson-, à avoir opérer avec la science moderne un lien fondamental.
Là il faudrait demander à chaque fois à isabelle, est-ce que ça marche ou est-ce que ça ne marche pas. Il part de quelque chose, il se donne quelque chose. On en est au problème de la genése des occasions, ou la genése des conjonctions. une conjonction c'est un quelque chose de nouveau, du type ce soir il y a concert. C'est quelque chose de nouveau. Ahn tu sais il y a untel qui donne un concert ce soir. C'est une nouveauté et vous ne l'engendrerez pas; ça ne résulte pas. Ce n'est pas l'effet d'une cause. Une genése n'est pas causale. Alors,qu'est-ce qu'elle est? De quoi part-il? C'est à chacune de mes phrases que j'ajoute un point d'interrogation. Il part du "many", vous excuserez mon accent. Je ne saurais jamais le prononcer. Je le dis en anglais...je dirais qu'il part du multiple, mais une multiplicité pure et aléatoire. Il lui donne un nom dans Procés et réalité, c'est le pure état de la diversité disjonctive. Il se donne une diversité disjonctive quelconque. Le mot disjonctif est trés important puisque on part de l'opposé de la conjonction. La diversité disjonctive, qu'est-ce que c'est. Je ne sais pas. On va voir. Ce qui m'importe c'est que, à chacun de ces stades, il y a une espéce d'ajustement avec Leibniz qui est étonnant, si bien que tout ça c'est une lecture prodigieuse de Leibniz, en même temps qu'il nous fait surgir un nouveau Leibniz. C'est une nouvelle occasion actuelle. Etonnant. Il part comme ça du "many", multiplicité aléatoire définie par la diversité disjonctive. Isabelle, tu me l'accordes, ça?
Deuxiéme point, ça va être la premiére étape de la genése. Il va nous montrer que à partir de cet état de diversité disjonctive se produit quelque chose d'absolument nouveau, premiére étape de la nouveauté, se dessine dans cette diversité disjonctive des séries infinies sans limite, qui ne tendent pas vers une limite. Séries infinies sans limite. C'est comme le stade, ce premier moment, c'est la divisibilité infinie. la diversité disjonctive, on va voir comment et pourquoi, - les questions abondent dans tout ce que je dis, j'établis un plan-, est soumise à un processus de divisibilité infini qui organise des séries infinies sans limite xxxx(un mot inaudible). Donc à ce premier stade, question : qu'est-ce que c'est que ces séries sans limite, ces séries non limitées, ces séries infinies sans limites? Je commence à répondre en disant que ce premier stade repose sur une analyse de la vibration. Finalement au fond de l'événement il y a des vibrations . Au fond des événements actuels il y a des vibrations.
Le premier stade c'était le "many", des vibrations n'importe comment, des vibrations aléatoires.
pour ceux qui connaissent Bergson, peut-être que vous vous rappelez la splendide fin de Matiére et Mémoire , le fond de la matiére est vibration et vibration de vibrations. la correspondance avec Bergson se révéle à toutes sortes de niveaux, c'est des philosophies trés proches. Tout est vibration. Pourquoi la vibration met-elle déjà ce début d'ordre? C'est parceque toute vibration a des sous-multiples et s'étend sur ses sous-multiples. la propriété de la vibration c'est de s'étendre sur ses sous-multiples. Là je ne parle vraiment pas scientifiquement, c'est pour que vous reperiez des choses dans votre tête, ça a un nom célébre dans tous les domaines, ce sont des harmoniques. là aussi je n'ai pas besoin de souligner le clin d'oeil à Leibniz. C'est trés important tout ça pour votre avenir. Une couleur est une vibration, un son est une vibration. En tant que tel tout son a des harmoniques, toute couleur a des harmoniques.
Mon hypothése est celle-ci : c'est la vibration qui surgit dans le "many", comment est-ce qu'elle surgit, ça on est repoussé, il faudra répondre, et je vous en supplie il ne faut pas me lacher si je n'ai pas répondu à tout, ou bien alors tout s'écroule, et moi je veux bien. Si tout s'écroule nous dirons : nous nous étions trompés, Whithead n'est pas un grand philosophe. Or évidemment Whithead est un grand philosophe, un philosophe de génie.
voilà, une vibration qui se forme dans le "many",et dès ce moment là la diversité disjonctive commence à s'organiser en séries infinies sans limite. Il faut supposer que chaque vibration a des sous-multiples, a des harmoniques à l'infini, dans le pur cosmos. Le cosmos c'était le many, c'est à dire le chaos. C'était le chaos cosmos.
Troisiéme étape. Séries infinies vibratoires....en d'autres termes toute vibration infiniment divisible a certains caractéres intrinséques. ces caractéres intrinséques soit concernent la nature de la vibration envisagée, soit même-caractéres extrinséques- ses rapports avec d'autres vibrations. Je dirais que une vibration sonore a des caractéres qui sont la durée, la hauteur, l'intensité, le timbre. la couleur à des caractéres, intrinséques et extrinséques, qui sont la teinte, la saturation, la valeur, c'est les trois grandes dimensions de la couleur, de ce qui sera couleur, mais c'est ouvert, on pourra toujours en trouver une nouvelle. Pendant longtemps on a tenu compte de ces trois variables de la couleur : la teinte, la saturation et la valeur. C'est depuis la fin du dix-neuviéme siécle qu'on tend de plus en plus à y ajouter l'étendue de la couleur pour définir ensuite une nouvelle variable trés intéressante qui dépend d'ailleurs de l'étendue et de la valeur, et qu'on appelle le poids de la couleur.
vous vous rappelez, la vibration entre dans des séries infinies sans limite, ce sont ces caractéres, ou plutôt comme dit Whitehead, les quantités, les expressions quantitatives capables de les mesurer, de mesurer ces caractéres, les expressions quantitatives capables de mesurer ces caractéres entrent dans des séries qui, elles, convergent vers des limites. la série vibratoire, les séries vibratoires ne sont pas convergentes et n'ont pas de limite. c'est le premier stade de la genése. Deuxiéme stade de la genése : les séries de caractéres intrinséques et extrinséques, elles, convergent vers des limites. Cette fois-ci on a une idée de séries convergentes. Les timbres vont former une série convergente; les intensités vont former une série convergente, les hauteurs vont former une série convergente, etc...etc...Les teintes vont former une série convergente. C'est beau. C'est d'une trés trés grande beauté. C'est une des genése les plus...et puis c'est tellement plein de science,c'est une maniére tres moderne et pourtant c'est tout simple.
donc premier stade le "many" ou la diversité disjonctive; deuxiéme stade l'organisation de séries infinies sans limite avec les vibrations et les sous-multiples de vibrations; troisiéme stade, formation de séries convergentes sur limites. Quatriéme stade, tout est prêt : l'occasion actuelle c'est la conjonction. la conjonction vient aprés la convergence. La conjonction c'est une réunion de deux series convergentes, au moins. Vous avez engendré l'occasion actuelle, et ça n'empêche pas que l'occasion actuelle qui est une conjonction, est radicalement nouvelles par rapport aux séries génétiques qui l'engendrent, par rapport aux deux séries convergentes au moins. Elle est tout à fait nouvelle.
d'où cinquiémement, alors, de quoi est faite l'occasion actuelle - une fois dit qu'il ne faut pas confondre les éléments de l'occasion actuelle et les conditions de l'occasion actuelle, je dirais les réquisits de l'occasion actuelle. Les réquisits de l'occasion actuelle c'est : la diversité disjonctive, les séries vibratoires infinies sans limite, les séries convergentes. Voilà les réquisits successifs de l'occasion actuelle, c'est à dire de la conjonction. vous avez donc quatre termes: I) le many, 2) les séries infinies sans limite,3) la convergence des séries, c'est à dire que ce n'est évidemment pas les mêmes séries qui deviennent convergentes, c'est de nouvelles séries,4) la conjonction de séries qui donne l'occasion actuelle, 5) quels vont être les éléments, et non plus les réquisits, les éléments de l'occasion actuelle, c'est à dire de quoi est faite une occasion actuelle. Réponse : elle est faite de préhensions. Mais de quoi est faite une préhension , quels sont les éléments de la préhension, quels sont les éléments composants et non plus les conditions requises. Alors qu'est-ce qui m'importe?
est ce que c'est trés clair comme schéma. Sentez que ça renvoit à toutes sortes de choses en mathématique et en physique, c'est au gout de chacun, vous n'avez besoin de strictement rien savoir pour comprendre, ou au moins pour sentir. Quand au feeling comme le dit Whitehead, vous pouvez même voir ce monde se former; le many c'est un espéce de soupe, c'est la grande soupe, c'est ce que les cosmologues appellent la soupe pré-biotique, les mebres disjoints, ce qu'Empedocle appelait déjà les membrae disjunctae. ça va tellement bien avec tout ce qu'il y a d'important en philosophie. C'est le fleuve qui charrie les membrae disjunctae, les mebres épars, un bras puis un nez, c'est le chaos. Mais
il faut supposer que ce n'est pas un nez, c'est un electron de nez. voilà que dans cette soupe se dessinent des séries sans limite et sans convergence. C'est tellement proche de Leibniz. Et puis chacune de ces séries sans limite et sans convergence a un caractére, et les caractéres de séries, eux entrent dans des séries convergentes. Quand elles sont entrées dans des séries convergentes, alors il y a des conjonctions qui se produisent, comme des grumeaux dans votre soupe. C'est une occasion actuelle précipitée sur un grumeau; tiens! Une occasion , et vous vous apercevez que votre grumeau est composé de préhensions . Bien ,est-ce que c'est trés clair, sinon je recommence tout!
J'insiste là-dessus, à mon avis une telle genése échappe au danger que signalait Isabelle parceque l'occasion actuelle n'est pas du tout présenté comme le résultat passif. Il y a chaque fois activité et rétro-activité. Les séries convergentes réagissent sur les séries infinies sans convergence, les conjonctions réagissent sur les séries convergentes. A chaque niveau il ya émergence d'un nouveau type d'activité. La série est une activité, la convergence des séries est une autre activité, la conjonction est une autre activité, etc...
Voilà, elle m'accordait le stade du many ou de la diversité disjonctive. On passe au second stade. isabelle, quand tu as écrit "états et processus", est-ce que tu connaissais déjà Whitehead? Oui! Ma question c'est tout simple. On ne sait pas bien ce qui s'est passé dans la diversité disjonctive, mais on se donne des vibrations. Il y a formation de vibrations. D'où viennent-elles, il va falloir le dire, mais ça je me sens assez sur de moi pour dire d'où elles viennent, les vibrations. sur ce spoint j'ai moins besoin d'Isabelle.
Est-ce que je peux dire que ces vibrations forment des séries infinies qui ne convergent vers aucune limite, et c'est le cas d'une vibration par rapport à ses harmoniques, à supposé une infinité d'harmoniques dans le cosmos. Est-ce que je peux dire ça ou bien est-ce que c'est une proposition physiquement stupide?

Isabelle Stengers: hélas toujours aussi inaudible à cause de la directionnalité du micro....
Gilles Deleuze: tu dis une chose merveilleuse. J'insiste sur le point suivant parceque c'est un genre de philosophie qui est en connexion avec la science moderne. Je reprends l'exemple de Bergson, parceque dire que Bergson fait une métaphysique de la durée et liquide la science, il faut être profondement débile pour dire des choses comme ça. L'idée de Bergson elle est que la science moderne nous donne et nous apporte une nouvelle conception du temps, le temps scientifique. Le temps scientifique moderne qui commence dans la physique vers la fin du seizieme siécle peut se définir scientifiquement, je dis bien scientifiquement ainsi : c'est la considération du temps à un instant quelconque, à l'instant t. La science moderne définit le temps par rapport à l'instant quelconque. Pourquoi est-ce que c'est moderne, ça? Parceque la science antique définissait le temps en fonction de moments privilégiés. L'idée de Bergson, elle est trés simple, elle est trés belle : qu'est-ce qu'à fait Galilée, c'est ça qu'a fait Galilée. Là-dessus, Bergson, qu'est-ce qu'il prétend faire? Il dit que l'ancienne métaphysique était le corrélat de la science antique.
Bergson nous dit: ce que vous appelez métaphysique, c'est la métaphysique ancienne, ancienne dans quelle mesure? Elle était parfaitement adaptée à la science antique, et inversement la science antique était adaptée à sa métaphysique. Physique, métaphysique, il faut garder ces termes excellents. Aristote fait la physique du mouvement, et la métaphysique qui correspond à cette physique du mouvement, et la physique du mouvement correspond à la métaphysique d'Aristote.
Aujourd'hui il y a une série de crétins qui ont pensé, parceque la science avait évolué, elle pouvait se passer de métaphysique. Bergson dit que c'est completement idiot; la science a en effet suffisament évolué- non pas du tout que Aristote ait vieilli, ça n'a aucun sens,- il faut, y compris grace à Aristote, reprendre la métaphysique à zéro. Il faut faire la métaphysique qui est le corrélat de la science moderne, exactement comme la science moderne est le corrélat d'une métaphysique potentielle qu'on a pas encore su faire. Quelles est la métaphysique qui correspond à une considération scientifique du temps pris à l'instant quelconque, Bergson dit: c'est la mienne. Il veut dire que c'est une métaphyque de la durée , et non plus de l'éternité. Vous remarquez le thème commun avec Whitehead. Qu'est-ce que c'est que la métaphysique pour Whitehead qui correspond à la science moderne? Ce serait une métaphysique de la créativité. Ce sera une métaphysique du nouveau. La novelty. Le quelquechose de nouveau. C'est merveille ce que vient de dire Isabelle. Je dis : est-il possible de concevoir une vibration qui s'étend sur une infinité d'harmoniques, c'est à dire sur une infinité de sous-multiples? Elle me répond évidemment oui; mais ça n'intéressera pas un physicien-remarquez la notion d'"interet"- ça n'intéressera pas un physicien parceque toute la démarche de la science sera de prendre la moyenne. Un savant, seule l'intéressera la moyenne. Ou dans le cas de l'acoustique, seul l'intéressera un nombre d'harmoniques finies, et proches. Ce sera son métier de savant. La métaphysique qui correspond à cette science, ce n'est pas une réflexion sur cette science, elle doit dire métaphysiquement ce que la science dit scientifiquement, elle doit dire avec des concepts ce que la science dit avec des fonctions. la métaphysique,elle, ça l'intéresse prodigieusement de ne pas prendre la moyenne , et de constituer une série qui en effet n'aura pas d'interet physique, mais aura un intéret métaphysique considérable, une série infinie sans convergence constituée par la vibration et l'infinité de ses sous-multiples, l'infinité de ses harmoniques.
Deuxiéme point, c'est plus compliqué. Il se peut, d'ailleurs, que j'ai mal compris la thése de Whitehead, j'ai de la peine. D'abord c'est en anglais, ce n'est pas traduit, évidemment, et vous avez déjà deviné que mes rapports avec l'anglais étaient douloureux. Mais pour ceux qui savent l'anglais et que ça intéresse c'est dans Concept de nature , c'est le merveilleux chapitre 4. Je vous en traduit des petits bouts : "Le caractére de l'événement (pour le moment l'événement c'est donc une suite infinie non convergente et sans limite) peut être défini par les expressions quantitatives exprimant des relations entre diverses quantités intrinséques à l'événement lui-même(i.e à la série), ou entre de telles quantités et d'autres quantités intrinséques à d'autres événements (c'est à dire à d'autres vibrations). Dans le cas d'événements qui ont une extension spatio-temporelle considérable, l'ensemble des expressions quantitative est d'une trés grande complexité. Si e est un événement, appelons Qe l'ensemble des expressions uantitatives définissant son caractére, et qui inclus ses connexions avec le reste de la nature". Vous voyez que e désigne la série vibratoire infinie étendue sur les sous-multiples et Qe un des caractéres de la série. Il donne comme schéma des deux séries " e1, e2, e3, en, en+1",ça c'est la série vibratoire, et Qen,Qen+1" ça c'est la série de la caractéristique? "Si Q1 est une mesure quantitative trouvée en qe1, et Q2 L'homologue à Q1 qui est trouvé en Qe2, et Q3 etc...etc...alors nous aurons une série Q1-Q2-Q3-Qn+1 etc...Bien qu'elle n'ait pas de dernier terme" donc elle a en commun avec la série précedente vibratoire, elle a en commun de ne pas avoir de dernier terme, elle est bien infinie "...bien qu'elle n'ait pas de dernier terme, elle converge vers une limite définie". Alors mon angoisse c'est est-ce que mon commentaire est juste ; lui ne donne aucun exemple. J'ai donc besoin d'Isabelle. Le point essentiel c'est cette naissance de la série convergente, convergent vers une limite. qu'en penses tu?

Isabelle Stengers: toujours aussi inaudible.
Gilles Deleuze : ça m'intéresse beaucoup car je crois à une espéce de relai, un relai métaphysique science,une fois dit que les deux disciplines sont trés différentes. Mais ça n'empêche pas qu'il puisse y avoir des relais si il y a la complémentarité que j'ai indiqué d'aprés Bergson, d'aprés Whitehead, si il y a cette complémentarité entre métaphysique et science, et que cette complémentarité n'a absolument pas vieilli, c'est que les gens n'ont absolument rien compris il me semble, et c'est que nous n'avons pas qu'il y ait des relais.

Fin de la bande
Question: inaudible
....la théorie platonicienne du réceptacle ne présuppose pas l'espace-temps, c'est l'inverse. L'espace et le temps naitrons sous certaines conditions. la question est trés juste mais elle est à venir. L'occasion actuelle c'est quelque chose qui est déjà dans l'espace et dans le temps. Ma réponse portait sur : quel est le rapport entre l'espace et le temps et les séries, les séries préalables à l'occasion actuelle. Les séries dont je n'ai pas céssé de parler aujourd'hui, qui sont préalables à l'occasion actuelle- vous vous rappelez?-, ce sont les conditions de l'occasion actuelle, elles sont premiéres par rapport à l'occasion actuelle. Dans l'ordre vous avez ces séries qui conditionnent l'occasion actuelle , la série espace-temps, et l'occasion actuelle. L'occasion actuelle est bien sur dans l'espace et dans le temps.
Isabelle Stengers: toujours aussi inaudible....
Gille Deleuze: à mon avis non, mais je te reconnais bien là. C'est tes soucis à toi. Mais c'est pas mal, ce n'est pas du tout un reproche. Mon exemple de la lumiére, si je l'ai invoqué, c'est un pure exemple qui consistait à me servir de quelquechose qui ne peut pas intervenir à cemoment là, en droit, mais qui à l'avantage de pouvoir faire comprendre comment fonctionne un crible. En effet, je dis : l'action de la lumiére, elle consiste à faire un filtre entre les ténébres et le sombre fond des couleurs, or, au contraire, le filtre dont je parlais faisait un filtre entre le chaos et le sombre fond tout court. Donc je n'étais pas forcé de me donner rien, en tout cas, comme lumiére. Est-ce que le crible, chose beaucoup plus importante à mon avis, est-ce que le crible implique déjà des équivalences de miroir, ce serait trés facheux. A ce moment là tous les éléments de l'occasion actuelle seraient là, or il ne faut pas. Il ne faut surtout pas. Si on était obligé de mettre des quasi-miroirs, ça compliquerait beaucoup, mais j'ai espoir qu'il n'y a pas besoin de quasi-miroir.

Isabelle Stengers: Quand tu nous as lu le texte de Whitehead, que tu as fais ta serie de Q, Q1, Q2, Qn+1, ce n+1, est ce que ça signifie qu'on continue comme ça à l'infini, ou bien est-ce que ça signifie qu'on est dans un espace à trois + une dimensions?

Gilles Deleuze: Les symboles Q1, Q2, Q3, etc... c'est une série de caractéristiques, mais chacun anime une série convergentes. Chaque caractéristique a sa série convergente, et tu as, en revanche, une série ouverte illimitée de caractéristiques.
Intervention : inaudible.
Gilles Deleuze : bon bien lisez Platon.