La volupté, Futuropolis. ISBN 2754800611
Ici, le dessin ne recourt qu'à deux crayons de couleurs, un rouge et un noir, sauf dans l'ouverture et la conclusion, mais ça ne compte pas vraiment. La liberté de disposition et de composition des pages est totale, plus de cases, plus de repères, moins d'habitudes, et va de pair avec une fluidité graphique dense et pleine de remous sur lesquels l'oeil accroche, cherche à lire l'image, la découvre pour de nouveau la perdre, doit dégager scènes, êtres et choses. Pensez à une matière visqueuse et pourtant sèche qui couvrirait le papier, une limaille dans laquelle s'exerce le magnétisme du trait. L'image en devient polymorphe, mouvante, ouverte. La structure narrative pas en reste brille d'originalité, des histoires dialogues situations s'entrecroisent et se raccrochent les uns aux autres de façon ténue mais dans un ensemble d'une grande cohérence, sans jamais rien de forcé ni d'attendu. Une narration qui impose comme le dessin de se soumettre au rythme et la méthode de l'auteur. Des lignes, des séries de lignes dans tout les sens mais qui s'organisent. Il faut se laisser faire, prendre en bloc, perdre pied, accepter de se perdre ou de se soumettre à cela, La Volupté, qui ne dispense pas du danger, du malaise, du cauchemar, d'un incertain plaisir. Des vagues, des mélanges, une menace de dissolution, il a mis tout ça, le Blutch, dans son album, et des chasseurs, un attaché parlementaire, un politicien lourdaud, des enfants, un singe, un capitaine de gendarmerie, un mari sans visage, un repas de famille, des pierres qu'on offre, des arbres qu'on frappe, un renard qu'on guette, des femmes, leurs pubis qui se dévoilent pour articuler la succession des scènes. Des personnages pris dans La Volupté, quelque chose de bien moins mièvre que l'érotisme et de plus dérangeant et dangereux, à laquelle se trouve conduit le lecteur, lui aussi. Impossible à résumer ou à décrire, matériel et sensuel.
Une BD dont on compléterait bien la lecture avec le Quignard de Le Sexe et l'effroi, hein, par exemple.
Oolong
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