Périscopages 2006 - Jochen Gerner etc.
entretien Sébastien Lumineau / L.L. de Mars
entretien Lumineau/de Mars
Exposition Jochen Gerner à l'Orangerie du Thabor
S. Lumineau:  (rires) Non mais c’est vrai, il est pas... Il est pas mauvais, il est pas bon... Enfin, voilà. Voilà c’est pas... Quelque chose qui va m’intéresser vraiment. Après, je préfère largement le « Livret de phamille » de Menu. Par exemple. Ça, ouais. Ou, euh, Chester Brown, «I never liked you», très bien. Enfin... Parce que c’est... C’est, c’est agencé sous une autre forme, en fait. «I never liked you»,  il y a une, une rythmique au niveau des pages, au niveau des silences, etc. que je trouve vraiment très très bien. Je, je sais pas trop, je sais pas trop quoi dire là-dessus. C’est... Est-ce que c’est utile... Comment dire ? Les oeuvres marquantes, c’est — que ce soit autobiographique ou non — c’est des oeuvres marquantes, quoi. Moi j’arrive pas trop à poser la question de... Pour moi le contrat avec le lecteur de toutes façons il existe en permanence...

L.L. de Mars:  On est quand même à peu près d’accord sur

S. Lumineau: ... Et que faussé ou pas faussé, prrt.

L.L. de Mars:  C’est pas qu’il soit faussé qui m’ennuie à mourir, ce qui m’ennuie à mourir c’est qu’il soit préétabli. Qu’ils balise. Et que ce soit dans l’air du temps. Un jeu de conventions. Avec un effet retard. S’il n’y a pas d’inconnu, pour moi, s’il n’y a pas une part de risque d’aller dans une direction inconnue, proposer des situations auxquelles on ne soit pas préparé, ça m’ennuie d’emblée. J’en ai vraiment en rien à secouer. L’autobiographie n’est pas rien. C’est déjà une notion, chargée, chargée d’histoire, chargée de nombreux livres, etc. et qui s’alourdit de conventions livre après livre. Un ensemble de signes émis qui nous disent quelque chose que l’on sait déjà. Emprunter ce chemin, c’est emprunter cette collection de signes. Jouer, si tu veux, de ce système de représentations et de ce qu’il implique. C’est ça, moi qui me crispe. Ce qui me crispe d’autant plus que, c’est qu’au fond, les dessinateurs de bandes dessinées ne se sont jamais intéressés aux autres formes de l’invention littéraire. Il y a que toutes les... toutes les grandes transformations de l’écriture en Europe et aux États-Unis — à part peut-être Barbier qui s’est vraiment plongé dans Burroughs et dans cette écriture très urbaine des Américains, le cut-up — toutes ces grandes transformations semblent avoir complètement inintéressé les dessinateurs de bandes dessinées, et là... On touche peut-être à la chose la plus superstitieuse du monde, c’est-à-dire l’autobiographie comme collection de signes, et paf!, là d’un seul coup ça les intéresse terriblement. C’est ce qu’il y a de plus... Complaisant finalement... Et euh... Parce que ça joue beaucoup sur les rapports affectifs, et l’enfantillage du secret, et que d’un seul coup on toucherait à une certaine proximité, à une certaine lumière gagnée d’avance de la proximité, et voilà, là, on a notre cohorte de dessinateurs qui dandinent amoureusement derrière la littérature... Tout le reste, toutes les grandes aventures de la littérature, les auteurs de bandes dessinées les ont... Prrt... Royalement ignorées, ils s’en foutent éperdument. Ça aussi c’est quelque chose qui... Pour moi, fait preuve soit d’un manque de curiosité, soit d’un authentique opportunisme généralisé.