#24

A propos de tri acétate (feuilles transparente sur lesquelles sont imprimées le partitions des pièces en carré d'Émile Belan) on raconte cette anecdote piquante à propos de John Cage — je ne saurais dire si elle est vraie ou si elle inventée de toutes pièces, on me l'a racontée dans un bar de division street à Chicago, c'est dire. L'orchestre symphonique de New York devait jouer une pièce de John Cage spécialement composée pour grand orchestre. Les partitions furent distribuées aux différents musiciens qui les installèrent sur leurs pupitres, Leonard Bernstein lui-même brandit sa baguette et l'on dit qu'il fit interrompre cette cacophonie au début de la deuxième mesure. Pensant qu'il s'agissait d'une erreur de codification, il demanda aux musiciens de jouer un demi-ton plus haut, même vacarme, un demi-ton plus bas, pareil tintinmare. Il renvoya les musiciens pour la journée — s'ils étaient de véritables musiciens de grand orchestre, on peut être sûr qu'ils furent ravis de rentrer plus tôt chez eux ce jour-là — et fit appeler le compositeur, John Cage. Ce dernier proposa à Bernstein de passer à son atelier et qu'ils aient une discussion au sujet de cette oeuvre, expliquant à Bernstein que s'il lui donnait quelques indications sur la façon dont cette partition avait été écrite sans doute le chef d'orchestre y verrait plus clair. Lorsque Bernstein arriva à l'atelier de John Cage, ce dernier lui fit remarquer les grandes fenêtres de toit qui éclairaient son atelier. Les deux hommes échangèrent quelques paroles aimables sur ces fenêtres, puis John Cage expliqua qu'il avait collé de grandes feuilles d'acétate sur ces fenêtres et qu'à la faveur d’une nuit étoilée il avait, à l'aide d'un marqueur indélébile, fait un point sur chaque emplacement d'étoile dans le ciel. Et lorsqu'il eut en quelque sorte éteint toutes ces étoiles, il résolut de tracer des portées sur les grandes feuilles d'acétate et d'appeler la partition ainsi obtenue, la Fin de l'univers — titre pas spécialement modeste, mais qui voulait bien dire ce qu’il voulait dire, après tout il s’agissait d’une partition pour orchestre symphonique, donc ronflant — et c'était précisément cette partition avec laquelle Leonard Bernstein avait tant de difficultés, et est-ce que les choses étaient désormais plus claires ? Tête de Bernstein.

Je la raconte mieux en faisant les accents.