À la fin de son intervention, Lionel
Dax rend disponibles quelques exemplaires de sa revue, et Catherine en
rafle trois qui lui semblent particulièrement fameux. On peut lire
dans l'un d'entre eux une lettre d'Artaud à Hans Hartung qui voulait
illustrer certains de ses textes:
«Je ne peux souffrir qu'on illustre mes oeuvres, qu'un autre que
moi les raconte. Et accepterai-je d'être traduit? Je ne sais pas.
[...] Ce que je fais est trop près de moi, trop intime. Je n'accepterai
pas que quelqu'un chie avec moi quand je chie, se lave la queue dans le
même bidet que moi. Ainsi en est-il de mes écrits. Ils ne
quitteront plus mon for intérieur et un autre que moi ne peut intervenir
dans leur manifestation. Voilà.»
Nous sommes ici, tous, pour ce colloque, en train de parler de textes,
d'écriture. D'écriture surtout, en fait ; et de texte très
peu. C'est-à dire que nous parlons ici de l'action mécanique
qui consiste à tracer des lignes de lettres.
Qui a commis l'obscénité (ou l'incongruité), à
part Philippe et moi-même, d'écrire des textes pour les lire
ici? On s'y tiendrait arrimés si quiconque tentait de nous les
arracher; ce sont des textes, sans aucun doute. Faut croire que ni Philippe
ni moi n'avons pour ce qui est du pittoresque le sens du paysage : nous
ne savons jamais où nous sommes, et nous écririons sans
doute des chansons dans un pays de sourds. |